séquestres
de presbytères
1906
Le
séquestre survient lorsque les biens ecclésiastiques n’ont pas été attribués à une
organisation prévue par la loi de Séparation ; elle concerne tous les
biens ecclésiastiques, qu’ils soient dédiés au culte, à la charité ou à la
formation.
Pour
les presbytères (biens dédiés au logement des prêtres, « agents du
culte ») il existe trois propriétaires possibles :
- Particuliers,
auquel cas le séquestre ne s’applique pas,
-
Ville :
ainsi le Maire de Lyon loue ces logements soit aux curés soit à des organismes
publics (associations laïques, etc.),
- Fabriques : le
séquestre s’applique lorsqu’une association cultuelle n’est pas constituée pour
prendre possession des biens de la Fabrique ; ainsi à Lyon ces biens
immobiliers séquestrés sont vendus ou transformés pour les Hospices civils, le
Bureau de bienfaisance…
(LAPERRIERE)
document
A
Réponse de Son
Eminence aux injonctions du séquestre.
ARCHEVÊCHÉ
DE
LYON
le 19 décembre 1906. LYON
MONSIEUR LE PRÉFET,
Nous avons reçu les
lettres destinées à nous faire connaître l'action prochaine que le séquestre doit
exercer sur les biens ecclésiastiques, appartenant aux œuvres dont nous avions
jusqu'à ce jour la présidence légale. Je manquerais aux promesses solennelles
de mon sacre si, en cette occasion, je ne renouvelais la protestation la plus
énergique contre un acte qui confirme l'injustice de cette spoliation.
Dépositaires de ces
biens, nous ne pouvons les livrer sans encourir les censures de l'Eglise. Nous
ne cédons qu'à la violence. Le séquestre trouvera donc dans les endroits
destinés à les conserver les objets cités dans les lettres d'avis ; il pourra
se convaincre de la loyauté de ce dépôt. La conscience ne permet pas davantage.
Que Dieu éloigne de
notre France les conséquences de ces actes sacrilèges ! Que sa miséricorde
infinie pardonne à ceux qui en prennent la responsabilité ! C'est la prière
ardente que nous lui adressons, en appelant sur notre chère patrie des jours de
paix et de vraie liberté !
Veuillez, Monsieur
le Préfet, agréer l'expression de ma haute considération et de mon religieux
dévouement.
† PIERRE, Cardinal COULLIE,
Archevêque de Lyon et de Vienne.
document
B
Les curés de Lyon chassés
de leurs presbytères. — M. Herriot vient d'adresser aux curés des paroisses
ci-après : Sainte-Croix, Saint-Maurice, Sainte-Anne-du-Sacré-Cœur,
Saint-Vincent-de-Paul, Saint-Louis, Saint-Irénée, Saint-Polycarpe, Bon-Pasteur,
Saint-Denis, la lettre suivante :
« Monsieur,
L'article 14 de la
loi du 9 décembre 1905 spécifiait que les presbytères et leurs dépendances
seraient laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du
culte et des associations pendant cinq années. A l'expiration de ce délai
seulement, la libre disposition de ces édifices devait être rendue aux
communes.
« La non
acceptation de la loi par le clergé catholique n'a pas permis d'exécuter cette
disposition. La circulaire ministérielle du 1er décembre 1906 a
précisé que le libre exercice des cultes ne dépend, à aucun degré, de la
jouissance des presbytères qui n'ont jamais servi à un usage collectif, et qu'à
défaut d'associations cultuelles, l'usage gratuit des presbytères cessait de
plein droit à partir du 15 décembre 1906. Les communes recouvrent donc, sans
plus tarder, la possession légale des presbytères.
« Dans ces
conditions, conformément au titre III de la circulaire ministérielle, j'ai
l'honneur de vous inviter à remettre dans un délai de huit jours, c'est-à-dire
avant le 28 décembre, le presbytère de... à la disposition de la commune de
Lyon.
« Veuillez
agréer, etc.
« Le maire de Lyon,
HERRIOT, »
document
C
Communiqué.
PRESBYTERES. - Au
moment où se présente dans nos paroisses l'importante question du logement de
MM. les curés, nous croyons devoir rappeler les principes qui en doivent éclairer
la solution. Chaque paroisse est tenue de fournir un logement à son curé ; s'il
en résulte une charge, elle ne peut compter, pour y faire face, que sur ses
propres ressources. Par conséquent, si une commune se voit refuser la faculté
de laisser au curé l'usage gratuit du presbytère, elle ne doit pas perdre de
vue qu'il
est de son intérêt
de louer ce presbytère à un prix aussi modéré que possible, puisque la somme à
fournir pour cette location sera une charge de plus pour les habitants de la
localité.
Dans le cas où un
curé ne trouverait pas de logement dans sa paroisse ou bien ne pourrait se le
procurer qu'à des conditions manifestement trop onéreuses, nous nous verrions
dans la douloureuse nécessité de le retirer et de lui confier d'autres fonctions.
Le présent avis
devra être lu en chaire par MM. les curés.
EGLISES. - Quant
aux contrats de jouissance se rapportant aux églises, MM. les curés doivent,
jusqu'à nouvel avis, s'en tenir à la formule qui accompagne la Déclaration des
Evêques ; ils attendront, pour donner leur signature, d'avoir reçu de nouvelles
instructions.
document
D
Presbytères séquestrés. — Les curés des
paroisses de la Loire dont les presbytères ont été mis sous séquestre, comme
appartenant aux fabriques, viennent de recevoir du receveur des douanes à qui
le séquestre est confié, la lettre suivante :
« Monsieur,
« Je vous prie
de vouloir bien me faire connaître dans le délai de huitaine à compter de la
date du présent avis, si vous avez l'intention de demander la régularisation,
sous forme de bail par le domaine, de la location du presbytère de... que vous
occupez depuis le 13 décembre 1906. Dans le cas où vous ne déposeriez pas une
demande de cette nature, vous voudrez bien évacuer, à l'expiration du délai de
huitaine déterminé ci-dessus, les locaux que vous occupez actuellement.
« Les clefs de
l'immeuble devront être remises au garde champêtre de votre commune.
« Agréez,
Monsieur... etc... »
Voici, à ce sujet,
quelle ligne de conduite le Comité de Défense sociale et religieuse de la Loire
croit devoir recommander :
Il rappelle que :
1° Les instructions
épiscopales interdisent la location des presbytères mis sous séquestre :
consentir à payer une location au représentant de l'Etat spoliateur, ce serait,
en effet, en quelque manière, ratifier la spoliation. La location pourrait
cependant être consentie s'il était impossible au curé de se loger ailleurs
sans de graves inconvénients, mais chaque cas particulier doit être soumis à
l'autorité diocésaine qui se réserve, suivant les circonstances, d'accorder ou
de refuser l'autorisation.
2° Dans le cas où
la location du presbytère est impossible ou répugne, le curé ne doit pas
volontairement quitter le presbytère. S'il appartenait à la Fabrique, c'est,
soit parce qu'il lui avait été donné, soit parce qu'elle l'avait construit avec
l'argent des catholiques : en chasser le curé est donc un pur brigandage. Il convient de laisser la
violence s'affirmer par des actes extérieurs avant de céder la place.
La clef ne sera
donc pas rendue, comme le voudrait le séquestre, à l'expiration d'un délai de
huitaine.
Elle ne le sera pas
davantage s'il renouvelle sa sommation.
Bien qu'une
sommation d'huissier, d'après les instructions épiscopales soit considérée
comme suffisante pour caractériser la violence, le meilleur parti est de ne se
retirer que devant l'emploi de la force publique.
3° Il arrivera
fréquemment qu'en dehors de cette résistance passive à une loi malhonnête,
s'ouvrira utilement la voie de la résistance judiciaire.
Voici, par exemple,
un presbytère donné ou légué à la Fabrique à charge d'y loger à perpétuité le
curé : à la sommation du séquestre pour passer un bail, le curé doit répondre :
les biens des établissements ecclésiastiques (M. Briand l'a déclaré à maintes
reprises), passent au séquestre d'abord, aux établissements communaux
attributaires ensuite, avec les charges qui les grèvent. Vous êtes donc tenu,
vous séquestre, de respecter la clause qui m'assure, en tant que curé, la
jouissance du presbytère. J'y suis et j'y resterai aussi longtemps qu'une
décision judiciaire ne n'aura pas enlevé le droit dont je me prévaux et dont je
jouis conformément au titre de propriété dont la Fabrique, et le séquestre
après elle, ne peuvent conserver le bénéfice sans en remplir les charges.
Cette situation est
extrêmement forte an point de vue juridique : nous sommes d'avis de la défendre
énergiquement si elle est attaquée. Il n'est pas d'ailleurs certain qu'elle le
soit, puisque les journaux annonçaient naguère qu'un préfet avait approuvé la
délibération d'un conseil municipal portant qu'un presbytère resterait
gratuitement et à perpétuité à la disposition d'un curé, parce qu'il était
entré sous cette condition dans le patrimoine de la commune.
— En dehors de
l'hypothèse précédente, dans laquelle le curé peut, pour conserver la
jouissance du presbytère, alléguer qu'elle était la condition expresse de la donation ou du legs qui avait été fait
à la Fabrique, le curé peut trouver dans une autre argumentation également
forte au point de vue juridique, le moyen de résister aux injonctions des
séquestres : nous faisons allusion
au droit de rétention.
Le droit de
rétention, comme le nom l'indique suffisamment, est la faculté de retenir une
chose dont on n'est pas propriétaire, pour s'assurer le paiement d'une créance
que l'on a contre le propriétaire de la chose. Pour avoir le droit de rétention
il ne suffit pas d'avoir une créance quelconque, il faut encore qu'elle soit
née à l'occasion de la chose : il faut qu'il y ait suivant la formule consacrée
debitum cum re junctum.
Un curé a fait dans
un presbytère appartenant à la Fabrique ou à la commune des améliorations ou
constructions plus ou moins considérables ; il a ainsi conféré à l'immeuble une
plus-value.
Or, un grand
principe domine le droit tout entier, c'est que nul ne doit s'enrichir aux
dépens d'autrui. La Fabrique (ou des ayants-cause) de la commune
s'enrichiraient aux dépens du curé s'ils pouvaient, sans bourse délier,
conserver la plus-value conférée à l'immeuble en expulsant le curé. Le curé est
donc créancier du montant de la plus-value et, comme sa créance est née à
l'occasion de l'immeuble, et liée à l'immeuble, il a le droit de retenir
l'immeuble jusqu'à ce qu'il ait été payé du montant intégral de cette
plus-value.
Il peut donc
répondre à la sommation du séquestre qu'il est tout prêt à partir après que le
séquestre lui aura remboursé, au préalable, la valeur fixée par experts des
améliorations qu'il a faites au presbytère.
— Nous rappelons
avec insistance sur ces observations l'attention des intéressés : c'est un
devoir pour eux de faire reculer, dans la mesure où cela demeure possible, les
voleurs des biens d'Eglise.