Hector-Irénée Sevin
instruction aux prêtres combattants
Note canonique de
S. Em. le cardinal SEVIN,
archevêque de Lyon et primat des Gaules
1re
Question.
Un prêtre contraint de prendre les armes peut-il, en combattant, encourir une
irrégularité ?
1.
En
l'état actuel de la discipline ecclésiastique, nous pouvons répondre
affirmativement. Il peut, même en supposant que la guerre à laquelle il prend
part est légitime, contracter l'irrégularité ex defectu lenitatis
(« à cause du défaut de douceur »).
Or, il en est
ainsi, in bello
justo offensivo (« dans
une guerre offensive juste »), toutes les fois que le prêtre combattant tue ou
mutile un ennemi propria manu (« de sa propre main »). Et il en
va de même, in bello
defensivo (« dans une guerre défensive »), quand il
prend les armes spontanément et tue ou mutile quelqu'un.
Est-ce à dire qu'il
commet présentement une faute en donnant la mort aux ennemis de son pays ou en
leur infligeant la perte d'un membre ? Non, certes ; mais, au sentiment de
l'Eglise, celui qui verse le sang n'est pas fait pour représenter
Notre-Seigneur Jésus Christ, la douceur infinie.
2.
Quelle
est la conséquence de cette irrégularité ? C'est que le prêtre qui l'encourt ne
peut, sans faute grave, ni célébrer la messe ni administrer les sacrements.
Rien n'empêche qu'il les reçoive, l'épiscopat excepté.
2è Question. S'il arrive qu'un prêtre combattant ait encouru l'irrégularité « ex defectu lenitatis » pour avoir, « propria manu », tué ou mutilé un ennemi, lui sera-t-il donc interdit de célébrer la messe ou d'administrer les sacrements, sans commettre une faute grave ?
Voici la réponse
que la Sacrée Pénitencerie fait à cette question :
S. Pœnitentiaria bénigne indulget ut
sacerdotes militantes, ceteris
paribus, inter bellicas operationes, Sacrum facere et Sacramenta ministrare valeant, non obstante irregulartate quam pugnantes forte incurrerint ; bello vero composito,
recurrant ad competentem auctoritalem.
(In Virod., 18
mars 1912)
La Pénitencerie ne songe
pas à abroger l'antique législation ; loin de là, elle la maintient,
puisqu'elle exige que, la paix signée, le prêtre qui est tombé sous
l'irrégularité ex defectu
lenitatis, parce qu'il a de sa propre main tué ou
mutilé un ennemi, s'adresse à l'autorité compétente, afin d'en obtenir la
dispense requise.
Mais elle en
suspend les effets. Le droit interdit au prêtre devenu irrégulier de célébrer
le Saint Sacrifice et de conférer les sacrements; elle, au contraire,
nonobstant l'irrégularité qui ne cesse de peser sur lui, l'autorise à faire
licitement et librement l'un et l'autre.
Chacun s'expliquera
facilement pourquoi le Saint-Siège use de cette bienveillance vis-à-vis des
prêtres que la loi contraint à se mêler aux combats. Il a en vue le bien de leurs
âmes et celui de leurs compagnons d'armes.
7 août 1914
Semaine Religieuse de Lyon