privilège
du pape Clément VII au prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue
1267
Clément, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu,
aux bien aimés fils, prieur du monastère
Saint-Sauveur-en-Rue et ses frères, actuels et futurs, engagés dans la vie
religieuse.
Il convient que la protection apostolique accompagne
ceux qui ont choisi la vie religieuse, afin qu’aucun événement ne vienne
d’aventure les détourner du but ou ne brise la vigueur de leur consécration.
C’est pourquoi, fils bien aimés dans le Seigneur, nous
acceptons avec bienveillance vos justes demandes : nous mettons sous la
protection du bienheureux Pierre, et la nôtre, le monastère de
Saint-Sauveur-en-Rue, au diocèse de Vienne, et nous établissons par le
privilège du présent écrit qu’il soit dirigé, n’ayant pas d’abbé propre, par un
prieur ordinaire, par lequel vous vous êtes donné à Dieu.
Tout d’abord, nous constatons qu’il est acquis que
l’ordre monastique, établi dans ce monastère selon Dieu et la règle de saint
Benoît, y est observé de façon irréprochable depuis toujours, aussi nous
ordonnons que demeurent en votre propriété, à vous et vos successeurs, de façon
ferme et intégrale, les biens que le monastère possède là de manière juste et
régulière à l’heure actuelle, ou pourra acquérir dans le futur par concession
des pontifes, libéralité des rois ou des princes, offrande des fidèles, ou par
d’autres manières justes, avec l’aide du Seigneur, et nous en dressons la liste
nominative :
- le lieu où ce monastère se situe avec toutes ses
dépendances,
- dans le diocèse susdit le village du lieu-dit
Saint-Sauveur et la juridiction temporelle que vous avez là avec toutes ses
dépendances,
- les églises que vous avez dans le castel et bourg
d’Argental, avec dîmes, terres, prairies et leurs autres dépendances ;
- l’église dénommée Saint-Julien Molin Molette et
l’église appelée Saint-Julien en Goye, et de Burdignes, de Vanosc, et les églises
de Val de Cance, avec dîmes, terres, prairies, vignes et toutes leurs
dépendances ;
- l’église et le village de Saint-Apollinaire, avec dîmes
et toutes ses dépendances ;
- la parcelle et le clos de la Prévenchère, avec terres,
prairies et ses autres dépendances ;
- les parcelles et clos de La Blache, de Combres, de
Châtanier, des Salles et de la Chavanériol, avec terres, possessions et leurs
autres dépendances ;
- la demeure de la Valette, que vous avez dans le château
d’Annonay, qui fut jadis à Jourdain Adonis, avec les vignes de Daveyzieu et
toutes ses dépendances ;
- les fiefs de la Faugère et de Saint-Julien, et le fief
de la vigne de Veissanti ;
- les fiefs des parcelles et clos de Seillon et Ecotay,
avec toutes leurs dépendances ;
- les moulins et terre de Chalmette, avec champ de
Muringie, avec toutes ses dépendances.
- dans le diocèse du Puy, les églises de Riotord et de
Marlhes, avec dîmes, terres, prairies et toutes leurs autres dépendances ;
- les parcelles et clos que vous avez dans les lieux de
Saint-Meyras, de la Frache, de Dunières et de Puy-Albert, comme vous les
appelez communément, avec toutes leurs dépendances ;
- et l’église et le village de Saint-Genest du diocèse de
Lyon, avec dîmes et toutes ses autres dépendances, avec terres, prairies,
vignes, vergers, droits d’usage et pâturages dans les bois et plaines, eaux et
moulins, voies et chemins, et toutes ses autres libertés et immunités.
Au vrai, que personne n’ose exiger ou extorquer de vous
des dîmes sur les terres défrichées que vous cultivez de vos propres mains ou
en payant, et qui ne profitent à personne jusqu’à maintenant, sinon à
l’alimentation de vos animaux.
Qu’il vous soit permis aussi de recevoir des clercs ou
des laïcs libres ou affranchis fuyant le siècle pour se convertir, et de les
garder sans quelque objection.
De plus nous interdisons qu’aucun de vos frères, après
avoir fait profession en votre monastère, ne se permette de quitter ce lieu,
sans autorisation de son prieur, obtenue en raison d’une faute religieuse ; et que
personne n’ose garder le partant sans la caution de vos lettres communautaires.
Et aussi, lorsque il y a un interdit général sur vos
terres, qu’il vous soit permis de célébrer les offices divins, portes clauses,
les excommuniés restant exclus, sans sonneries, à voix basse, tant que vous
n’aurez pas supprimé la cause de l’interdit.
Et le chrême, l’huile sainte, les consécrations
d’autels et de basiliques, les ordinations de clercs destinés aux ordres, vous
les recevrez de l’évêque diocésain, si c’est un catholique en communion avec le
Saint Siège Romain, qui a voulu vous les confier, et ce de façon gratuite et
sans contrefaçon.
De plus, nous interdisons que dans les limites de votre
paroisse, si vous en avez la charge, nul, sans l’assentiment de l’évêque
diocésain ou le vôtre, n’ose construire une nouvelle chapelle ou oratoire,
étant saufs les privilèges des pontifes romains.
En outre, nous interdisons que vous soient faites en
général de nouvelles impositions indues par les archevêques, évêques, archidiacres
ou doyens, et toute autre personne ecclésiastique ou séculière.
Et nous prescrivons aussi que la sépulture soit libre
en ce lieu pour que ceux qui auront décidé de s’y faire enterrer par dévotion
et selon leurs dernières volontés, si bien sûr ils ne sont pas interdits,
excommuniés ou usuriers publics ; que nul ne s’y oppose, étant cependant
sauf le droit des ecclésiastiques qui prennent en charge les corps des morts.
En outre, lorsque des églises sont détenues par des laïcs,
que vous ayez toute facilité, de par notre autorité, pour les racheter, les
libérer légitimement des mains de ces derniers et les remettre aux églises
auxquelles elles reviennent, avec les dîmes et propriétés qui les regardent
selon le droit vos églises.
Qu’au décès du prieur du lieu, toi ou tes successeurs,
nul ne soit installé là par la ruse, la surprise ou la force, si ce n’est celui
que le consentement commun des frères, ou la majorité absolue du conseil des
frères, s’il leur revient d’élire le prieur, conformément à la règle prévue par
Dieu et le bienheureux Benoît.
Voulant aussi pourvoir par notre sollicitude paternelle
à votre paix et à votre tranquillité dans l’avenir, nous interdisons par notre
autorité apostolique à quiconque de pénétrer à l’intérieur de clôtures de vos
lieux et de vos granges pour y commettre rapine ou vol, mettre le feu, répandre
le sang, prendre un homme ou le tuer, ou exercer une violence.
En outre, nous confirmons de par notre autorité
apostolique, et nous entérinons par privilège de ce présent écrit, toutes les
libertés et immunités accordées à votre monastère par nos prédécesseurs
pontifes romains, et aussi les libertés et exemptions d’impôts civils qui vous
ont été accordées régulièrement par des rois, des princes ou d’autres fidèles.
Nous décrétons donc que personne ne se permette, dans
une audace téméraire, de perturber ce monastère, prendre ses propriétés, garder
ces prises, les diminuer, les épuiser par malfaçons, mais que tous les biens de
ceux pour le gouvernement et l’aide desquels ils ont été accordés soient
intégralement conservés, étant sauves l’autorité du Siège Apostolique et la
justice canonique de l’évêque diocésain, ainsi que les dîmes selon les
décisions du concile général.
Si donc dans le futur une personne, ecclésiastique ou
séculière, en pleine connaissance de cette lettre de constitution, tentait
témérairement d’aller à son encontre, qu’après trois avertissements, s’il ne
réparait pas convenablement sa faute, il soit privé de sa dignité, de sa puissance
et de son honneur, qu’il sache qu’il est l’objet du jugement divin pour
l’iniquité commise, qu’il soit éloigné des très saints Corps et Sang de Dieu et
de Notre Seigneur Rédempteur Jésus Christ, et qu’il soit soumis au Jugement
dernier à une extrême sévérité.
Mais que la paix de Notre Seigneur Jésus Christ soit
avec tous ceux qui servent en ce lieu sa justice, qu’ils reçoivent ici le fruit
de leurs bonnes actions et trouvent auprès du Juge sévère les récompenses d’une
paix éternelle.
Amen.
TEXTE LATIN
- CHARPIN-FEUGEROLLES,
GUIGUE M.C., 1881, Cartulaire de
Saint-Sauveur-en-Rue
comprenant des chartes de 1061 à 1281, des documents
extraits de la Copie des liasses du
Chartier de Saint-Sauveur de 1258 à 1607, une notice historique et la vie
de saint Robert