Jean Turrel
Les Ondes, Messagères de joie
1949
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs,
C'est une
chose embarrassante de parler d'une œuvre quand le moi est en cause. Au fait,
de quoi s'agit-il ? D'une œuvre suscitée par la Providence de Dieu pour le
bien de nos malades et réalisée par une équipe, équipe de jeunes, soutenue par
la sympathie agissante et effective de nombreux catholiques.
Or,
quand je .vous parlerai de l'Œuvre lyonnaise de la Messe radiodiffusée pour
les malades, c'est bien d'une œuvre qui est vôtre et si, par nécessité, le moi de ma pauvre personne est évoqué, vous
aurez la charité de le considérer comme un simple porte-manteau et vous
n'oublierez pas que le Seigneur s'est servi d'une ânesse pour enseigner son
prophète Balaam.
Donc,
le 3 octobre 1948, en la chapelle de Notre-Dame des Ondes, son Eminence le
Cardinal Gerlier venait présider la fête du 10e
anniversaire de la messe radiodiffusée… Dix ans, comme le temps
passe..., que de cheveux blancs ont poussé, que de crânes chenus sont devenus
chauves.
Cela
nous reporte à 1938, octobre 1938. Et dix ans auparavant nous étions en 1928... Un
jeune séminariste se prépare au
sacerdoce, il connaît par expérience ce complexe d'infériorité qui constitue le
fond de la psychologie du malade.
(1929)
Une
prière, un souhait. C'est un dimanche matin. Privé de messe, un jeune prêtre malade tourne
le bouton de sa T.S.F. Par hasard il capte un office étranger, étranger à la France, mais
aussi étranger à la religion catholique. « Seigneur,
serait-il possible qu'un jour nos malades de France puissent entendre à la Radio une messe, que cela serait réconfortant pour eux ». Les années passent.
(1930)
Un
groupe de jeunes frappe à la porte d'un
studio alors grand comme un petit salon. On l'appelait « La Soupente ». La Radio
était encore à son enfance et le studio était celui de Radio-Lyon :
- « Monsieur le Directeur, nous avons peut-être de l'audace mais,
ayant dans notre répertoire un certain nombre de Noëls profanes, nous avons
pensé qu'une audition de ces chants ferait plaisir à vos malades »
- « Vos
titres ? »
- « Nous chantons à la
Maîtrise de Saint-Jean pour la plupart ».
Rendez-vous est pris, les
chants sont présentés et commentés par un de l'équipe ·et le
lendemain des malades nous font connaître
leur joie. « Enfin on pense à nous ».
Il n'en fallait pas davantage pour nous engager à revenir chaque mois.
Cette première équipe un jour se dispersa. Mais certains
prirent plus tard leur envol pour le « Quatuor Vocal Renaissance ».
Alternativement, deux groupes venaient avec enthousiasme,
jeunes gens d'un côté, jeunes filles de l'autre, les « Céciliennes », jusqu'au jour où l'on fit un pas de plus... dans les conditions que voici.
(1933)
Année du XIXe centenaire de la Rédemption,
Année Sainte : « Monsieur l'Abbé », s'écria un jour, avec son
accent montpelliérain bien marqué, le directeur artistique de Radio-Lyon,
« vous venez chaque mois commenter des chants profanes pour les malades. C’est très bien mais, voici le Vendredi-Saint, faute de
prédicateur, j'ai dû l'an passé lire un Sermon de Bossuet et il y a deux ans j'ai lu l'Evangile. Vous ne
seriez pas capable, vous prêtre, de donner ce jour-là des chants religieux que
vous commenteriez comme vous le faites des chants profanes ? » Qu'auriez-vous
fait, Mesdames et Messieurs ?
Une heure pleine nous fut donnée et en guise de
remerciement, j'entendis
à la sortie de notre « Heure Sainte » cette réflexion : « Vous voyez, ce n'est pas difficile, Monsieur
l'Abbé, de prêcher à la Radio. Qu'attendez-vous pour venir le
dimanche alternativement avec le pasteur protestant ? »
C'était bien téméraire de la part d'un jeune prêtre de
s'engager dans une voie aussi périlleuse. L'offre rejetée, l'occasion se
serait-elle retrouvée un jour ? A titre d'expérience, d'accord avec l'autorité
diocésaine, il fallut passer par les fourches caudines...
Quinze mois après, la Direction des Œuvres désignait un
conférencier, M. le Chanoine Cristiani, doyen de la Faculté des Lettres, qui,
jusqu'à la guerre, assura la prédication, encadrée d'une audition de musique
religieuse. Grâce à lui, le problème
de la Radio fut porté devant l'autorité ecclésiastique.
(1936)
Un congrès national réunissait tous les prêtres qui, à Paris comme en province, se préoccupaient
de l'apostolat par les ondes. Le R.P. Roquet assurait alors la causerie
catholique du poste privé appelé « Le Parisien ».
La situation était la suivante : la France jouissait
alors de deux réseaux, l'un le réseau d'Etat, sous le contrôle du ministre des
P.T.T., l'autre,
le réseau privé ou commercial. Seul, Radio-Paris avait, le dimanche à midi, une
prédication catholique longtemps assurée par le Père Lhande. Les postes privés
avaient réservé dans l'ensemble bon accueil eux émissions religieuses, mais nulle part n'existait
une messe radiodiffusée de façon régulière.
Une demande, appuyée de la signature de plus de six mille
malades réclamant une messe le dimanche, venait d'être rejetée par M. le
Ministre des P.T.T. La question venait donc au premier plan des préoccupations
du Congrès. Le R.P. Roquet, qui dirigeait le débat, se tournant vers moi, me
dit :
-
« Il faut nous adresser aux postes
privés. A Lyon, vous êtes près des Alpes, vous avez Hauteville et le sana de
Saint-Hilaire du Touvet, comme de Haute-Savoie. Au plus tôt, étudiez les
possibilités de réaliser une messe avec
Radio-Lyon.
-
« Mais comment voulez-vous ? Radio-Lyon n'a
pas d'émission le dimanche matin, et je sais pertinemment que, si on lui demande une émission spéciale,
comme il est poste privé, il faudra signer un contrat de location. Je n'ai pas
un sou. Et puis, il faut une .église, un curé compréhensif, accommodant,
désintéressé, musicien et d'autres qualités encore ».
-
« Nous venons, Monsieur l'Abbé, d'obtenir une messe à
Radio-Luxembourg, elle a lieu le jeudi. Mais le dimanche nous n'avons rien.
Tentez coûte que coûte quelque chose à Lyon ».
Le 17 novembre 1936, S.E. le Cardinal Maurin était rappelé à Dieu. En vertu du principe « Sede vacante nihil innovetur » pendant
la vacance du siège épiscopal, on ne doit rien innover » ; le rapport attendit la nomination et l'installation à Lyon du nouvel archevêque, Monseigneur
Gerlier.
Pratiquement, cela nous conduit aux premiers mois de 1938.
La cause des malades ne pouvait pas laisser insensible le
cœur de l'ancien évêque de Lourdes, devenu Cardinal archevêque de Lyon.
- « Mais oui,
il faut réaliser l'œuvre... »
- « Avec qui ?
Comment ?...
- « Préparez-moi
un rapport précis sur la façon dont la chose
peut se réaliser, et nous verrons ».
C'est que les difficultés paraissaient alors insurmontables
et pour le jeune prêtre que j'étais, ces « Messieurs
de la Radio » étaient de grands
personnages. J'allais au-devant d'un refus ou d'un contrat commercial à signer avec « rien dans les mains et rien
dans les poches ».
Cependant « Fais ce que dois... le ciel t'aidera ».
Un certain dimanche, à la sortie
de l'émission catholique, je glisse négligemment quelques réflexions sur la
rencontre faite à Paris entre prêtres radiophonistes et sur l'urgence de créer
pour les malades une messe radiodiffusée. Evidemment, Lyon paraissait bien placée au centre d'une
région sanitaire importante, avec un poste privé d'une bonne puissance. Mais je ne voyais pas la possibilité de
réaliser ce désir ; je n'avais pas d'argent, à moins que des
impondérables jouent une œuvre puisse surgir tout à l'honneur
de la radio.
L’hameçon lancé, mordit. On me fit savoir quelques jours après qu'un accord serait
possible, qu'on envisageait une émission le dimanche matin.
Cette fois, ce fut le pêcheur qui fut pris. Est-ce que
cette œuvre, qui paraissait impossible, surgirait un beau jour du domaine du
rêve ?
Et d'abord, le Comment ? Comment concilier les horaires
invraisemblables ? On proposait une émission au début de la matinée ou dans les
environs de midi, or dans les paroisses la grand'messe était alors à 10 heures.
Dans mon quartier, une église provisoire s'édifiait. Le
nouveau curé, qui ne craignait pas les initiatives hardies, établissait sa
messe paroissiale à 8 heures. Une
jeune chorale, pleine de dynamisme, se mettait hardiment à la vie liturgique de
l'Eglise. Ne serait-ce pas l'idéal, au fond, de faire participer, par la radio, les malades à la vie même d'une paroisse ? Ainsi, ils se sentiraient moins isolés.
Ainsi, peu à peu,
prenait corps l'idée de faire de Sainte-Jeanne-d'Arc la paroisse des malades. Le projet accepté
de part et d'autre, on décide d'attendre le mois d’octobre 1938, le temps de faire les
aménagements nécessaires à la tribune
de l'église.
(1938)
Mais il restait une deuxième difficulté à résoudre. L'accord était intervenu moyennant le versement de 200
francs par messe. Il fallait
donc prévoir un budget global de 14 à 15.000 francs.
Et « rien dans les
mains, rien dons les poches ». L'affaire fut confiée à la Sainte Vierge, après
tout, quand on croit faire l'œuvre de Dieu et non la sienne, pourquoi perdre
confiance ? Nous sommes les serviteurs et Lui demeure le Maître des cœurs.
Et c'est là que se fit cette chose merveilleuse de
trouver des concours financiers inattendus, animés par la plus pure charité.
Il fallait, en plus du budget normal, faire
l'installation nécessaire dans l'église Sainte-Jeanne-d'Arc : bras de micros,
câbles, cabine..., en tout, l'honnête somme de 9.000 francs, 100.000 francs à
l'heure actuelle.
On frappa à une
porte, toutes s'ouvrirent. En moins de 15 jours, les 9.000 francs étaient trouvés, et un groupement de
Lyonnais se constituait en société déclarée « Œuvre Lyonnaise de la Messe Radiodiffusée pour les Malades ».
L'association groupe des membres d'honneur et des membres
adhérents. Combien il
serait nécessaire que leur nombre s'accroisse et que tous nos amis ou auditeurs
s'y fassent inscrire. Quelle aide précieuse apporterait cette force morale pour
réaliser l'œuvre du Seigneur.
Et c'est ainsi, qu'après un travail acharné, les
chanteurs, revenus d'une bonne retraite à Ars où ils furent baptisés du nom de « Messagers de
Sainte-Jeanne d'Arc », étaient
prêts, malgré les émotions de la semaine tragique de Munich. Ils chantèrent
dans l'enthousiasme la première messe radiodiffusée, le dimanche 2 octobre 1938, sous la présidence de S.E. le Cardinal Gerlier, en la fête de
Notre-Dame du Saint Rosaire.
Ce fut une explosion de joie parmi les auditeurs malades.
De partout nous arrivèrent des lettres : de Savoie, de Haute-Marne, de la
Vienne, voire du Finistère. Un message nous parvint même d'Angleterre, sans
parler de ce légionnaire de Biskra qui, dans son style à lui, félicitait les organisateurs d'une
telle œuvre.
Je n'aurai garde d'omettre la lettre de deux
admiratrices, jeunes filles je suppose d'âge avancé, deux sœurs, dont j'ignore
cependant si ces dames s'étaient coiffées de chapeaux verts, je le suppose
cependant. Elles admiraient cette prévenance de l'Eglise qui faisait un tel
bond en avant dans le progrès, mariait enfin le confortable à la religion. Pensez donc, ces dames,
désormais grâce à la radio, pouvaient
assister de leur lit à la messe, entendre
le sermon, puis se lever, faire leur marché et préparer .tranquillement leur repas. Je n'eu pas le
courage de leur faire la réponse ironique : « Vive le jour où, grâce à
la Radio, les reportages des dîners succulents de Monsieur le Président
de la République vous dispensera de dépenser votre argent et votre temps pour
vous nourrir ». C'est qu'il y a tout
de même une différence entre une messe entendue à distance et la participation effective à la communauté chrétienne par la possibilité matérielle de communier
sacramentellement.
Le succès fut tel que quelques mois après Radio-Toulouse
retransmettait une messe, suivie
bientôt de Radio-Sottens et enfin du Poste Parisien. L'élan était donné. Mais il reste à
Radio-Lyon la fierté de pouvoir inscrire dans ses annales D'AVOIR INAUGURE EN
FRANCE LA PREMIERE MESSE DOMINICALE RADIODIFFUSEE.
(1939)
Août. Voici les
vacances avec la dispersion des citadins. Il n'y a pas de vacances pour les malades, il n'yen aura
pas pour la messe.
Il faut, coûte que coûte, assurer un service de vacances. On se réfugiera au studio de Radio-Lyon, car le personnel prend ses congés payés. Ce
sont les malades qui offrent l'autel et les objets du culte. Et la, dans cette atmosphère de catacombe, en
groupe réduit, on se contente de messes
dialoguées en français avec des chants d'offrande. Quelle sera la réaction des auditeurs ?
Quelle ne fût pas ma colère et mon désappointement, je
puis le dire, de recevoir un courrier plus abondant que la première fois. « Enfin nous y comprenons quelque chose. Continuez ». C’était une véritable gifle polir le
« puriste » que j’étais
en liturgie et en grégorien. Dans mon ardeur juvénile, j'avais jusqu'alors
proscrit tout chant français durant l'office. Dans la bagarre grégorienne, j'avais pris fait et cause
pour Solesmes, envers et contre tout. L'expérience depuis m'a appris que tout
cela était beau mais qu'il fallait revenir ou réel. Il fallait reconnaître que le peuple ne nous suivait pas et que, si les sacrements
sont faits pour les hommes, à plus forte raison la liturgie doit demeurer adoptée et
compréhensible.
Et, de fait, je nous sentais davantage en contact avec les
classes laborieuses de ville et de campagne. C’est dons ces conditions, que la
guerre nous surprit.
(1940)
Nous nous groupions 25, 30 ou 40 personnes au studio dans
cette messe intime, gardés par deux agents de police, avec de temps à autres des visiteurs inattendus, tel soldat
permissionnaire venu VOIR ce qu'il entendait de son cognat ou de son abri
bétonné dans la ligne Maginot.
C'était le temps héroïque où, après avoir chanté la
grand-messe paroissiale à 7 h.45, les
« Messagers » arrivaient
en car pour assurer la messe à la Radio, avec à peine un quart d'heure de battement,
alors que certaines personnes bien pensantes se scandalisaient, supposant que
chaque dimanche ils partaient en excursion.
Une décision ministérielle arrive alors : « Interdiction de prêcher à la Radio ». Seuls
les reportages et les prières liturgiques
étaient autorisés ; on en fabriqua et, au lieu de dire à ses
frères ce qu'on voulait qu'ils sachent, on s'adressait à Notre
Père des cieux, de telle
sorte que la vérité était toujours
communiquée.
Un jour même la situation devint grave. En avril 1940, l'équipe était décapitée par la
mobilisation du principal responsable. Eh bien, les « Messagers » tinrent bon quand même et la
messe continua à être assurée, malgré les alertes et autres dangers.
Je vous ferai grâce, Mesdames et Messieurs, des péripéties
tragiques de l'occupation de Lyon et des mois qui suivirent.
18 juin1940. Suspension de la messe. 8 août; fête du saint
Curé d'Ars, rétablissement de la messe ou studio, puis le 8 septembre 1940, à Sainte-Jeanne d'Arc.
Nous eûmes les variations les plus fantaisistes parmi les
horaires mais il fallait tenir, tantôt 8 heures, tantôt 9 heures et même,
pendant un certain temps, 7 h.30. C'était vraiment trop matin. On revint à une heure plus normale. Et M. le Curé de Sainte-Jeanne-d'Arc acceptait ces
contretemps fantaisistes, non toutefois qu'à la longue cela portât préjudice au
service paroissial.
(1944)
Enfin... La
Libération. Dans la joie de la délivrance,
Lyon faisait l’inventaire de ses ruines : ses ponts détruits, son Hôtel-Dieu privé du dôme, Vaise, l'avenue Berthelot..., et les deux postes de radiodiffusion ravagés par les
Allemands.
Tel un beau rêve, la Messe radiodiffusée pour les malades
s'était évanouie. Quel espoir désormais pouvait-on avoir ? Les postes privés étaient supprimés et il n'y avait plus que la radiodiffusion française.
(1945)
De telles lettres nous sont alors parvenues que le Comité
de la Messe des Malades estima qu'il était nécessaire de présenter un rapport à la Direction Régionale de la Radio. Ce rapport, transmis à Paris, fut accepté et, le 21 janvier 1945, la messe
des malades ressuscitait contre tout espoir. Désormais, l'heure qui lui était
assignée, 10 heures, était très favorable. Et, ce qui était de plus très
appréciable, c'est que cette transmission était assurée gratuitement. Nous ne recevons aucune subvention car notre
émission est régionale et elle se double avec celle de Paris dont les chorales
sont inscrites au budget de la radio.
Evidemment, cet
horaire calqué sur celui de Paris nous met en concurrence
avec la Messe retransmise par la
chaîne nationale et commentée par le Père Avril. L'idéal serait que des
horaires différents soient attribués à chacune des deux messes. Paris a le souci d'un témoignage
d'art religieux, et je crois en effet qu'il y a place dans la radio pour le
culte de la beauté. Notre préoccupation c'est d'apporter aux malades et à de nombreux auditeurs le témoignage de la prière communautaire.
Ainsi, les ingénieurs de la radiodiffusion française ne furent-ils
pas quel que peu surpris, eux habitués aux grands reportages des cathédrales et
des abbayes, de se trouver de service dans une église provisoire, sans style,
d'une acoustique qui les changeait des résonances médiévales des voûtes
gothiques.
Aucune négligence ne nous était désormais permise et il
fallait, coûte que coûte, rattraper les années de guerre par un travail
technique intensif. Le pourrait-on malgré la bonne volonté de tous ? Cette
messe de 10 heures contrariait les habitudes paroissiales. De plus en plus, se
posait le dilemme : le choix entre l'œuvre et la paroisse. Deux centres
d'intérêt, deux pôles d'attraction se créaient ainsi et risquaient de s'opposer
ou lieu de se consolider mutuellement.
C'est alors que, providentiellement, une salle nous
fut-proposée dans le même quartier. Qu'en faire ? Une salle de bibliothèque
pour la Bibliothèque des Malades, la Bibliothèque « Apprendre et Connaître» ? Oui, mais le même refrain revenait « rien dans
les mains, rien dans les poches », car il fallait payer la location.
On insiste. « Prenez-la, elle est libre » J'avoue que j'étais très récalcitrant comme
l'ânesse de Balaam.
On suggère : « Dans une belle salle comme celle-là,
il faudrait placer un orgue », Cet orgue, quelqu'un l'offrait. Il suffisait de le
transporter et d'y ajouter quelques jeux. Cette idée me parut tout d'abord
étrange. C'est le lendemain matin seulement qu'au cours de ma messe une
illumination subite m'arriva ; un orgue dans cette salle, après tout
pourquoi ne deviendrait-elle pas une chapelle radiophonique ? A 13 h.30, les
ingénieurs de la Radiodiffusion étaient là : « Monsieur
l'Abbé vous avez là une salle d'une merveilleuse acoustique. C'est là qu'il faut faire la messe des malades ».
La Messe des Malades est régulièrement retransmise le
dimanche, à 10 heures,
sur 242 mètres (Lyon-Dardilly) et tous les quinze jours sur le poste d'Alouïs
41,89 ondes courtes.
Aussi, huit jours après cet entretien, le bureau de
l'œuvre se réunissait. Il fallait adopter un devis de 300.000 francs, car
toujours rien dans les poches et rien dans les mains.
Une fois de
plus la générosité de nos amis vint à notre secours. Le 1er décembre
1945, nous prenions possession de la salle et le 8 décembre, fête de
l'Immaculée-Conception, je célébrai la Sainte Messe dans la chapelle provisoire.
Il était alors prévu que la salle servirait de
bibliothèque la semaine et de chapelle le dimanche. Les livres étaient en effet placés sur des bibliothèques roulantes qui, le samedi soir, étaient repoussées
dans un coin de la salle ; on montait un autel portatif et on étendait des
tapis.
(1946)
C'est dans ces conditions que s'inaugura la messe dans la
chapelle radiophonique le 24 mars 1946.
Quel nom lui donner? Notre-Dame de la Radio ? C'est Monsieur
le Chanoine Amphoux qui trouve
le nom poétique de Notre-Dame-des-Ondes.
Il y avait déjà Notre-Dame de la
Mer, Notre-Dame des Neiges, Notre-Dame de Valfleury. Et maintenant, il y a
Notre-Dame des Ondes.
Mais, vraiment la chapelle était peu élégante au milieu de
ces livres et de ces tentures disparates, encore enlaidie par l'édification
d'une cabine réservée à l'ingénieur du son et qui ressemble à un poste
d'aiguillage.
Et voilà que, six mois plus tard, en la fête de la
Visitation de Notre-Dame, on nous
offrait toute la maison, l'œuvre qui l'occupait changeant de ville. Que faire? Sinon un nouvel appel aux Lyonnais. C'est ainsi que nous devenions
locataires de ce qui est devenu le Foyer Notre-Dame des Ondes. Une salle y serait affectée
à la bibliothèque des malades, une autre
deviendrait le secrétariat des malades dont l'Assemblée des Cardinaux et
Archevêques de France venait de décider le transfert à Lyon.
L'Apostolat des Malades, qui groupe plus de 6.000 malades, est une association spirituelle qui a pour but
d'aider les malades à offrir leurs souffrances aux intentions de l'Eglise.
Chaque mois, en principe, parait le « Message », qui est l'organe de l'Œuvre. Il fallait, vous le
voyez, de la place pour installer ces différents services. La
chapelle Notre-Dame des Ondes deviendrait dès lors vraiment une chapelle.
Le 6 octobre 1946, Mgr Bornet bénissait solennellement le
Foyer dont le 8 septembre
précédent, à La Salette,
le Cardinal Gerlier autorisait la fondation.
Dans la chapelle, un tableau exécuté et offert par une
amie de l'œuvre, représente un grand Christ, au pied de ce Christ le prêtre
élève la Sainte Hostie. C'est la Messe en union avec le sacrifice du Calvaire. A gauche un groupe de chanteurs et une femme en
prière. Dans le
lointain un pylône de T.S.F. Sur la droite, des malades et un jeune homme qui
réfléchit, écoutent un poste de radio. Enveloppée d'un vêtement qui se perd
dans les ondes, la Vierge Marie Médiatrice entre le Christ et les malades.
Ce tableau symbolise toute la mystique de notre œuvre..., de VOTRE œuvre. Notre idéal, à l'équipe
des « Messagers », à
l'équipe de ceux qui soutiennent l'œuvre n'est rien d'autre que d'apporter un
peu de joie aux malades , de ce rayon de soleil, disent-ils, qui illumine leur
dimanche.
Les aider à vivre en union de prière avec leurs frères,
les aider à vivre dans
la communauté chrétienne et à avoir un cœur catholique, c'est-à-dire qui porte le monde entier.
Notre idéal, c'est de pénétrer dans la ferme isolée de campagne, comme auprès du
malade de sana ou d'hôpital.
Notre idéal, c'est de rejoindre l'âme inquiète de tous nos
frères, travailleurs des mains ou intellectuels. Par notre témoignage discret,
par notre effort vers plus de charité vécue, nous désirons que les Ondes soient
pour tous des Messagères de joie et que tout cela soit pour la plus gronde, gloire de Dieu par le cœur de Notre-Dame.
Conférence
donnée salle Blanchon, le 5 mars 1949, par le Père Turrel