Villa
Urbana
857
Au nom de Notre
Seigneur Jésus Christ Dieu éternel,
Charles, roi par
disposition de la providence divine, fils du très pieux Lothaire.
Puisque par faveur
du Dieu tout-puissant nous vivons l’honneur et la gloire des insignes royales,
pour rendre grâce de ses si grands bienfaits, nous cherchons à entretenir et
conserver toujours une digne déférence envers son Eglise et ses ministres, et à
lui ajouter toujours un surcroît de gloire, ainsi donc seront connus la
délicatesse et le dévouement de tous les nôtres, tant présents que futurs.
En effet le très
illustre comte Girard, notre père nourricier, nous avertit qu’une villa, qui avec tous ses biens jusqu’à
l’époque de notre ancêtre Charles, de bon souvenir et mémoire, avait l’immunité
et la garde uniquement d’un régisseur, à cause de certains événements perdit à
la fin la protection de son immunité, pour que, par déférence envers Dieu et le
bienheureux Etienne et les saints Martyrs, au nom desquels cette villa est maintenant consacrée et
dédiée, nous restituions maintenant l’ancienne immunité.
Ce très noble Comte
nous demanda de conserver la tradition de nos pères et de nos prédécesseurs, et
pour confirmation de cela de penser à faire en plus un décret de notre
immunité ; à ses recommandations et requêtes pleines de bon sens nous
donnons notre accord.
Nous décidons de
faire envers celle que l’on nomme Villa
Urbana, en grâce d’immunité et de protection, ce décret de notre Sérénité
par lequel :
- nous ordonnons
que :
o
aucun
juge public ou exécuteur du pouvoir judiciaire n’ait la possibilité d’empêcher,
soit dans cette villa soit dans tout
ce qui lui appartient, que soient instruites des affaires, levés taxes ou
impôts, faites des dépenses de fonction publique, supprimées des garanties, ou
d’empêcher les gens de cette villa de
relever de la justice de Saint Etienne,
o
ni
n’ose exiger absolument d’aucune façon des annulations de vente, en notre
époque ou aux époques futures ;
o
mais
que tous ceux qui lui appartiennent demeurent, soit libres soit serfs, dégagés
du pouvoir du Régisseur à la faveur de l’immunité,
o
et
qu’il soit permis à l’évêque du bienheureux Etienne et à ses successeurs :
§ de posséder les
biens qui appartiennent à son Eglise, avec tous ses sujets et avec ceux qui lui
reviennent et lui appartiennent, sous couvert de notre protection et immunité,
en toute quiétude, laissant à l’écart toute inquiétude d’ordre judiciaire,
§ et prier sans
cesse, unis avec son clergé et son peuple, la clémence de notre Dieu pour notre
sauvegarde et celle de tout le royaume que Dieu nous a apporté ;
- et nous concédons à
l’Eglise du bienheureux Etienne l’intégralité de ce que le droit fiscal pouvait
exiger au sujet de la villa, de sorte
que, pour mener à bien le service de Dieu, à jamais soit assuré le nécessaire.
En vérité si
quelqu’un ose aller contre l’autorité de ce décret, qu’il sache qu’il sera
frappé par les lois publiques.
C’est pourquoi,
afin que l’autorité même de notre décret obtienne au nom de Dieu une force plus
solide et totale, et soit crue avec plus de vérité et observée avec plus de
soin par les fidèles de la sainte Eglise de Dieu et les nôtres, nous l’avons
confirmé de notre propre main ci-dessous et nous ordonnons qu’il soit scellé de
l’impression de notre anneau.
Dieudonné, notaire,
j’ai reconnu le sceau du roi Charles et j’ai signé en-dessous.
Donné le 6 des ides
d’octobre, en l’année 2 du règne de notre glorieux seigneur roi Charles,
indiction 4.
Fait au palais de
Tramoyes.
Au nom de Dieu.
Avec bonheur. Amen
NOTES
Charles : roi de Bourgogne et de
Provence de 855 à 863
Girart : ou Gérard, dit de Vienne ou de Roussillon, fut le précepteur de
Charles qu’il seconda durant son règne, fondateur de l’abbaye de
Vézelay, mort le 4 mars 878 ou 879
villa : métairie dirigée par un
régisseur (rector), terme non traduit
ici pour garder l’étymologie latine (Villa
Urbana) de Villeurbanne
freda : dépenses, traduit ici taxes
mansiones, paratas : dépenses pour les fonctionnaires d’Etat, les
employés publics des seigneurs (MAIGNE), traduit ici dépenses de fonction publique
du bienheureux Etienne : titre de la
cathédrale de l’Eglise de Lyon, qui désigne ici cette dernière
jus fisci : traduit ici droit fiscal pour droit d’Etat (du roi,
de l’empereur)
donné le 6 des ides d’octobre, en l’année 2
du règne de notre glorieux seigneur roi Charles, indiction 4 : année 857
Stramiatis palatii : palais de Tramoyes, en Bresse, résidence des rois
de la Bourgogne jurane
Clovis
IV, roi de Bourgogne et Neustrie entre 691 et 695, accorde à l’Eglise de Lyon,
et son évêque GODIN, le fisc royal sur la Villa
Urbana située en Bourgogne, en échange de la Villa de Nassigny située en Berry. La Villa Urbana constituait un vaste domaine allant du Rhône au nord
jusqu’à Corbas au sud, partie cédée plus tard à l’Eglise de Vienne.
TEXTE LATIN
- MENESTRIER Claude
François, 1696, Histoire civile et
consulaire de la Ville de Lyon, p.XXXIV
avec cette note : Stramiatum est le Village de Tramoye
en Bresse à trois lieues de Lyon. Ville Urbane est en Dauphiné vis-à-vis Lyon
le Rhône entre deux à un quart de lieue de la rivière. C’est une terre de
l’Archevêché.
-
BOUQUET Martin, 1752, Recueil des
historiens des Gaules et de la France, tome , Pro
Ecclesia Lugdunensi de Villa Urbana, an 856
- MONTFALCON Jean
Baptiste, Lugdunensis historiae monumenta
inde a colonia condita usque ad saeculum, Caroli
regis Preceptun de Villa Urbana (ann.857)
- ACHERY Jean Luc (d’),
Scriptorum veterum aliquot, qui in
Galliae bibliothecis, maxime ..., vol.12, Caroli
Regis Praeceptun de Villa Urbana (ann.857)
DOCUMENTS
-
CHARVET
Claude, 1761, Histoire
de la sainte Eglise de Vienne
- GINQUINS-LA-SARRA
Frédéric (de), 1837, Essai
sur la division et l’administration politique du Lyonnais au Xè
siècle, Revue du lyonnais, tome
V, pp.130-150
- GINQUINS-LA-SARRA
Frédéric (de), 1851, Mémoires pour servir à
l'histoire des royaumes de Provence et de Bourgogne jurane. Première
partie : les Bosonides
- MAIGNE W.H. d’ARNIS, Lexicon
manuale ad scriptores mediae et infimae-latinitatis (éd. Migne, 1858)
- RUBELLIN Michel, 2003, Église
et société chrétienne d'Agobard à Valdès, p.135-136
- site su patrimoine
de Nassigny http://nassigny-patrimoine.planet-allier.com/historique.html