musée du diocèse de lyon

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La restauration du

Vœu des Echevins

1643

 

 

 

 

 

Nous y sommes si bien accoutumés que nous ne remarquons plus ce qu'a d'insolite, en notre siècle de séparation et de laïcité, la cérémonie du Vœu des échevins, le 8 septembre.

 

Chacun sait qu'elle tire son origine du vœu fait par les échevins, le 12 mars 1643, pour conjurer la peste incessante, d'ériger à la Vierge deux statues, et de monter à Fourvière chaque année, le jour de la Nativité, pour offrir au sanctuaire, au cours d'une messe, un écu d'or et sept livres de cire blanche. Les statues furent érigées (l'une existe encore, dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu), et le pèlerinage annuel fut ponctuellement accompli, depuis le 8 septembre 1643 jusqu'en 1789. De même que fut offert par le Consulat un cierge de sept livres et l'écu d'or (remplacé, vers 1670, par une somme de monnaie versée à l'offrande).

 

La Révolution balaya tout : consulat, échevins, vœux, chanoines de Fourvière. Le vieux sanctuaire fut bien rouvert au culte par le pape Pie VII en personne, le 19 avril 1805, et de nombreux Lyonnais, à coup sûr, rêvèrent de restaurer la vénérable tradition. Mais les administrations publiques n'étaient plus guère portées à la dévotion. L'Empire passa, puis la Restauration, puis la Monarchie de juillet : le vœu semblait définitivement éteint.

 

Le 14 novembre 1848, pourtant, le cardinal de Bonald, afin de réchauffer la piété mariale, rétablit l'antique confrérie de Notre-Dame de Fourvière, dont la messe patronale devait statutairement se célébrer le 8 septembre. Il en profita pour restaurer l'ancienne consécration de Lyon à la Vierge. (Dès 1840, la Congrégation des Hommes avait institué un pèlerinage privé du 8 septembre, à Fourvière, en souvenir du vœu des échevins. Il n'est pas impossible qu'elle ait suggéré au cardinal de Bonald de le reprendre en public). N'ayant évidemment aucune qualité pour fixer la conduite des pouvoirs publics, l'archevêque décida que la ville serait représentée par des délégués de chacune de ses paroisses, qui offriraient, comme jadis les échevins, le cierge et le louis d'or. Sans doute revenait-il aux conseils de fabriques de désigner les délégués. Dès 1849, le nouvel usage prit naissance, et se perpétua.

 

Pendant la première guerre mondiale, pour marquer l' « Union sacrée », on invita le conseil municipal à la cérémonie du 8 septembre 1915. Plusieurs conseillers répondirent, et des places leur furent réservées dans le chœur. Simples invités d'honneur, ils assistèrent à l'offrande, toujours présentée par les paroisses. Subtilement amendée, la tradition poursuivit ainsi sa route.   

 

C'est sous l'Occupation, à l'occasion du troisième centenaire du vœu, que la participation municipale se fit officielle et active. Le 8 septembre 1943, le maire Pierre Bertrand, accompagné de plusieurs conseillers, offrit lui-même le louis d'or, tandis que les paroisses présentaient le cierge. Mais c'était là une circonstance exceptionnelle. De plus, l'année suivante, ce fut la Libération, les 2 et 3 septembre. Tous, alors, pensaient à tout autre chose qu'aux traditions ! Le 8, un Te Deum fut chanté à Fourvière, en présence de toutes les autorités civiles et militaires : il ne fut pas question d'offrande.

 

Et nous voilà en 1945 : les choses reprenaient leur cours, à petits pas ; qu'allait-on faire ? Impossible de répéter le geste de la municipalité nommée par Vichy. De plus, on n'imaginait guère Edouard Herriot en dévotion publique devant la Vierge. Pourtant, il désirait des rapports de courtoisie avec l'Eglise et le cardinal Gerlier. On trouva une solution intermédiaire entre la formule d'avant-guerre et celle de 1943 : le 8 septembre 1945, une simple délégation officieuse du conseil municipal prit place dans le chœur de Fourvière, mais elle offrit le louis d'or, par les mains de l'adjoint Montrochet, les paroisses continuant de présenter le cierge.

 

Par la suite, la délégation municipale est peu à peu devenue pratiquement officielle : d'abord, quand le premier adjoint Tapernoux prit l'habitude de se mettre à sa tête ; ensuite et surtout, quand le maire Louis Pradel, en 1970, offrit en personne le louis d'or. Geste renouvelé par lui-même en 1971 et 1975, et par ses successeurs depuis 1977.

 

Ainsi, par petites touches, s'est établie une coutume dont l'équivalent ne doit pas se voir en beaucoup de villes françaises.

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1995, n°4