Félix
Volpette
1856-1922
Félix
VOLPETTE naît à Saint-Rémy-de-Chargnat (Puy-de-Dôme) en 1856.
Il fait
ses études au collège de Billom puis à Clermont-Ferrand.
En
1876 il entre dans la Compagnie de Jésus et suit le cursus jésuite en
Angleterre.
En
1885 il est ordonné prêtre.
Il
est nommé au Collège de Mongré puis à Fourvière.
En
1890 il est nommé au Collège Saint-Michel à Saint-Etienne.
En
1894 il fonde les Jardins ouvriers à
Saint-Etienne.
En
1897 pour financer la construction des maisons des familles, il fonde la Caisse rurale.
Atteint
de tuberculose il décède en 1922 à Soleymieux.
Ses
funérailles sont suivies de nombreux ouvriers.
En
1938 est érigé un monument avec son buste près de la rue qui porte aujourd’hui
son nom à Saint-Etienne.
Le Père VOLPETTE est
parfois appelé « le saint de
Saint-Etienne », « l’apôtre des
mineurs », « l’homme en noir
chez les hommes noirs ».
Les Jardins
Volpette
A la
fin du XIXème siècle, Saint-Etienne compte près de 150 000 habitants dont les
deux tiers sont ouvriers, avec plus de 15 000 sans emploi. Le Père
VOLPETTE organise une soupe populaire mais il devient rapidement impossible de
répondre à toutes les demandes d’aide.
En
1895 il apprend l’existence de l’Œuvre de la
reconstitution de la famille, fondée à Sedan par Mme Hervieux, qui met à disposition de chômeurs des
parcelles de terrain à cultiver. Il décide de transposer l’idée sur
Saint-Etienne. Son but est « d’aider l’ouvrier, d’occuper ses loisirs, et de lui rendre ses racines
rurales. »
Toute famille
pauvre de Saint-Etienne ou domiciliée à Saint-Etienne et capable de travailler
la terre peut être admise au bénéfice de l’Œuvre, si elle s’engage à observer
les quatre conditions suivantes :
- Travailler avec
soin le terrain qui lui sera remis ;
- Ne pas
travailler les dimanches et jours de fête ;
- N’en rien céder
ou sous-louer sans une permission expresse ;
- Ne rien faire
qui puisse porter atteinte à son bon renom.
L’Œuvre est
administrée par un conseil général et autant de conseils particuliers qu'il y a
de champs. Les conseillers sont nommés par les chefs de famille ; il y a un
conseiller pour cinq familles. Le directeur de l’Œuvre n'a que voix
consultative au conseil ; mais il a le droit de faire entrer dans chaque
conseil un chef de famille qui le représente. Ce représentant veille à
l'observation du règlement, convoque le conseil, fait connaitre aux conseillers
les avis du directeur, et au directeur tout ce qui peut être pour l'Œuvre de
quelque utilité.
Les conseils
particuliers sont constitués pour trois ans. Ils se réunissent toutes les fois
que cela peut être utile ; en moyenne quatre fois l'an. Après que le directeur,
seul trésorier de l'Œuvre, a fait connaitre les ressources dont on peut
disposer pour l'année, ils déterminent la dépense à faire en faveur de chaque
famille. Ils peuvent, après un triple avertissement donné à cinq jours d'intervalle,
enlever à une famille tout ou partie de son champ si elle ne l'a pas
suffisamment bien cultivé. Ils peuvent même exclure du bénéfice de l'Œuvre une
famille dont le chef aurait manqué à la seconde ou à la quatrième condition,
requises pour l'admission, toutefois, l'assentiment de la majeure partie des
présidents des autres conseils particuliers leur est alors nécessaire, et
l'exclusion ne devient définitive que ratifiée par le conseil général. Enfin,
les conseils particuliers statuent sur les travaux d'intérêt général utiles à
leur champ, et proposent la somme qu'il conviendrait d'y affecter.
Le conseil
général ou assemblée plénière est formé par la réunion de tous les conseils particuliers.
Il se tient une fois l'an, vers les premiers jours de janvier. Les attributions
réservées au conseil général sont :
- La fixation de
la somme à dépenser pour chacun des champs ;
- L'acceptation
des familles nouvelles qui demandent un lot dans les terrains que l'on pourrait
louer ;
- L'exclusion des
familles dont le chef aurait été infidèle à l'une des quatre conditions
statutaires ;
- La connaissance
des plaintes ou griefs que les familles, même exclues, formuleraient contre les
sentences rendues par les conseils particuliers et le jugement en dernier
ressort de ces plaintes ou griefs ;
- La détermination
de tout ce qui peut contribuer au bien général de l'œuvre ;
- La modification
des règlements et des statuts. Il est à remarquer seulement que, dans l'exercice
de ce dernier pouvoir, le conseil général ne peut en aucun cas modifier ou
discuter l'une des quatre conditions substantielles requises pour l'admission.
Sur ces quatre points, la petite constitution ne peut être révisée.
Un terrain dans le quartier du Clapier
est acheté ; un terrain voisin est concédé gratuitement : c’est le
champ Saint-Joseph ; d’autres à
Côte-Chaude : les champs Saint-André, Saint-Ignace et Saint-Michel ;
puis un terrain dans le quartier du Soleil est cédé par la famille De Rochetaillée
: le champ Saint-Camille. Puis des entreprises offrent des terrains dans le
Jardin des Plantes, au Crêt de Roc et au Soleil ; etc.
L’œuvre met à disposition de pères de
famille une parcelle de 500 m2 chacun, fournit outillage, engrais,
semences et des moyens d’arrosage.
Pour financer cette œuvre le Père VOLPETTE met en place un comité de dames patronnesses.
En
1901, à la suite de la loi du 1er juillet sur les associations, l’Œuvre des jardins ouvriers de Saint-Etienne
se scinde en Syndicat horticole des
jardins ouvriers, qui comprend tous « jardiniers », et Association pour le jardin et le foyer de
l’ouvrier, qui regroupe les bienfaiteurs. Le
Président de cette dernière est M. Camille Finaz, directeur de la Compagnie du
gaz.
En 1906 est fondée à Lyon sous la présidence d’honneur du
Cardinal COULLIE l’Union des œuvres des
jardins ouvriers du sud-est.
En 1907 les 14-15-16 juin
se tient à Saint-Etienne son premier congrès en présence de l’évêque auxiliaire
Mgr Déchelette.
Sont
présents, entre autres personnalités, l’abbé Lemire, l’abbé Desgranges, M.
Auguste PRENAT. Lors de la discussion l’assemblée est divisée sur le rôle de
l’Etat : si tous s’accordent à juger utile de constituer des sociétés pour
permettre aux agriculteurs l’accession à la terre, en revanche plusieurs
refusent l’intervention de l’Etat pour aider ces sociétés par le biais du
budget de l’agriculture. Les principaux vœux adoptés sont :
1.
Que
des fédérations soient fondées un peu partout ;
2.
Que
toutes les œuvres de jeunesse, les conférences Saint-Vincent-de-Paul, les
particuliers, les villes, les bureaux de bienfaisance remplacent.de plus en
plus l'aumône par le don de jardins ;
3.
Que
l'autorité épiscopale soit respectueusement priée d'engager les prêtres à faire
des œuvres de jardin ;
4.
Que
des sociétés privées subventionnées par l'Etat soient créées pour faciliter
l'accession la plus large au coin de terre et au foyer ;
5.
Que
des subventions soient sollicitées des villes et des conseils généraux pour des
œuvres de jardins, afin surtout de poser la question devant l'opinion ;
6.
Que
les jardiniers exposent aux concours horticoles et qu'ils soient récompensés
par les sociétés agricoles.
Le
Père VOLPETTE, auquel un hommage est rendu, offre alors au Cardinal un album
conservé au Musée des Civilisations et de l’Europe de Marseille (MuCEM) et au
Musée du Vieux Saint-Etienne.
En
1922 les successeurs du Père VOLPETTE seront des jésuites jusqu’en 1998 où la
direction est confiée à des laïcs.
En
1938, l’Association pour le jardin et le
foyer de l’ouvrier devient « Les
Jardins Volpette ».
La Caisse rurale
Rapidement quelques
maisons sont construites. Pour financer ce chantier une Caisse Rurale est créée pour apporter des fonds qui servent pour la
garantie de prêts bancaires, des prêts directs aux adhérents, l’assurance-vie,
etc. Le Président en est M. Camille Finaz, directeur de
la Compagnie du gaz, et le trésorier M. Bréchignac, banquier. Les sols étant instables en raison des
galeries de mines, un matériau spécial est inventé et une usine construite pour
le fabriquer : la Briqueterie
Economique Stéphanoise.
Mais des critiques vont
surgir sur fonds d’anticléricalisme, en particulier anti-jésuites :
plainte pour entrave à la concurrence de la part d’autres fabricants de
briques, flou sur la propriété des terrains, absence de titres de propriété des
maisons construites, non convocation de conseils d’administration, etc.
En 1908 la Caisse rurale doit cesser ses
activités : ainsi s’achève le projet du Père VOLPETTE d’une cité
Jeanne-d’Arc, avec église, école, etc. Une vingtaine de petites maisons ont été
construites dont il ne reste rien aujourd’hui.
A
côté de ces deux œuvres existent aussi pour les familles un dispensaire, un vestiaire,
une bibliothèque, des cours d’alphabétisation dispensés par les élèves du
collège Saint-Michel, des consultations juridiques gratuites avec des avocats,
un bureau de placement, la « chorale des
petits chanteurs du genêt fleuri », etc.
En 1897 la Semaine religieuse du diocèse de Lyon décrit cette œuvre sans citer
le nom de son auteur et précise que « parmi
les clients du Père V… il y en a qui ne sont pas seulement catholiques de naissance, il y en a qui n'ont même pas de
religion du tout, il y en a même qui ne pourraient pas justifier de leur
mariage par la production d'un acte de l'état civil », « le pieux directeur de cette belle œuvre
poursuit avant tout le bien des âmes, mais il sait que pour l’obtenir il n’est
pas de plus sûr moyen que la vertu moralisatrice du travail, que la contagion
du bon exemple, que l’influence apaisante de la charité » et
d’indiquer le nombre des enfants, des
adolescents et des adultes baptisés et des mariages « régularisés ».
Les bienfaits de cette œuvre sont que le chômeur a une occupation ainsi que
femme et enfants, la famille a un revenu et un projet, le rural devenu ouvrier
peut être amené à regretter le « champ
qu’il n’aurait jamais dû quitter », le jardinier, acquérant le sens de
la propriété (son champ et ses cultures), est prémuni contre le collectivisme
car « le respect de la propriété, (mais) c’est l’antidote du socialisme ».
En
2002, le sénateur Christan Cointat, présentant le projet de loi sur les jardins
familiaux et les jardins d’insertion le 24 juillet au Sénat, commence l’exposé
des motifs ainsi :
La naissance des jardins collectifs date de la fin du
XIXè siècle, sous l'impulsion de l'abbé LEMIRE et du père
VOLPETTE. L'intérêt des jardins familiaux est multiple :
- ils constituent un lieu de vie locale ;
- ils jouent un rôle important dans les loisirs et la
vie familiale ;
- ils représentent un terrain de prédilection pour
l'initiation à la nature et à la protection de l'environnement ;
- ils favorisent la vie sociale et associative ;
- ils constituent un moyen efficace de gérer l'espace
périurbain et d'en mettre en scène et en valeur le paysage ;
- ils constituent un support de solidarité et de
résistance à la précarisation, en permettant l'auto-approvisionnement ;
- ils sont un moyen positif de lutte contre
l'inactivité forcée (chômage, retraite) ;
- ils ont été, à l'origine, l'un des instruments de
lutte contre l'alcoolisme.
DOCUMENTS
- Semaine
religieuse 1897, pp.131sq, 1907
pp.91sq
- PIOLET, Jean-Baptiste,
1899, L’Œuvre des jardins ouvriers à Saint-Etienne, à Sedan, en France et à
l’étranger
-
VOLPETTE Félix, 1907, Album
Moulin : l’oeuvre des jardins ouvriers de Saint-Etienne (textes +
photographies)
- THEOLIER Louis, 1930,
L'Homme noir chez les hommes noirs. Le P.
Félix Volpette, fondateur des "Jardins ouvriers", 1856-1922,
Préface du P. Lhande
- BOUDAREL Roland, 1987, Les loisirs dans la région stéphanoise
au XIXe siècle (1830-1914), Etudes
d'histoire n°1, Centre de recherches historiques, pp.115sq
-
CABEDOCE Béatrice, 1996, A Saint-Etienne : les
jardins du père Volpette, in CABEDOCE Béatrice, 1996, Cent ans de
jardins ouvriers 1896-1996, La Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer, pp.77sq
- 2002, Sénat, débat sur le projet de loi sur
les jardins familiaux et les jardins d’insertion
- RIVATTON Bernard, 2003, Des premiers jardins ouvriers à l’expérimentation
de la construction sociale (1895-1908), in 2003, Créations et solidarités dans
la grande ville ouvrière, Université de Saint-Etienne, Patrimages, n°1, pp.39sq
- site histoireetpatrimoinedesaintetienne, Les premiers
jardins ouvriers à Saint-Etienne ... par le Père Volpette (photographie
+ statistiques)
- site forezhistoire,
Soixante-quinze ans
de bonnes récoltes : Les jardins ouvriers de Montbrison (1908-1983)
- site patrimoinedelafrance, les
jardins ouvriers familiaux à Saint-Etienne (texte + photographies)
- site de l’association Les Jardins de Volpette
- site de Jésuites
de France
- monument Volpette
(photographies)
g.decourt