LA RESTRUCTURATION DES PAROISSES

Analyse comparative des processus de restructuration des paroisses
dans les diocèses de Grenoble et de Saint Etienne
(1996-1999)

Dans le cadre d'une réflexion menée au sein du groupe MEDIATHEC de l'Université catholique de Lyon sur la communication intra-ecclésiale, il nous a été demandé d'analyser la manière dont ont été conduites les restructurations de paroisses dans deux diocèses rhônalpins, considérées comme des actes de communication.

1. Méthodologie

Méthode

Nous avons choisi de mener une analyse comparative des deux processus à partir des documents fournis d'une part par le service de la communication du diocèse de Grenoble, d'autre part par le secrétariat de l'Assemblée diocésaine du diocèse de Saint Etienne dont les responsables font partie du groupe MEDIATHEC. Ce travail, exécuté trop rapidement, pour devenir une étude sociologique, exigerait d'être complété par une analyse des pratiques, décrites ou non dans les documents. Il faudrait encore vérifier auprès des acteurs les hypothèses que nous pouvons formuler à la suite de cette brève analyse.

Les documents fournis offre des différences appréciables dues principalement aux contextes : en effet, ces diocèses n'ont pas la même histoire récente ni la même configuration socio-économique. Par-delà cette diversité, que l'on retrouve dans les procédures mises en place pour conduire cette restructuration, il nous est apparu une relative convergence tant au niveau de l'argumentation qu'à celui des résultats.

Documents du diocèse de Grenoble

· Les n° 1 à 11 de la lettre aux responsables, élargie très rapidement à l'ensemble des participants à la réflexion : elle comporte agenda et calendrier ; c'est un support logistique.

· Les documents de travail par ateliers comportant informations et questions ; c'est un support méthodologique.

· Les n° 1 à 21 du bulletin diocésain ("Relais 38") dont certaines pages sont consacrées à cette restructuration avec des comptes rendus de rencontres, des textes d'experts, des informations sur le déroulement des opérations ; c'est le document principal de grande information.

· Le "kit médias" édité en septembre 1998 avec une vidéo, un cahier, des tracts... est conçu pour l'information de la presse et des catholiques.

· Le cahier des "hypothèses" de paroisses nouvelles paru en novembre 1998 est le support des débats au cours des mois à venir.

Ces documents sont très bien rédigés et présentés, avec chacun leur objet et leur destinataires : l'information des acteurs, le journal des communautés catholiques, les textes à travailler, la communication médiatique classique.

Documents du diocèse de Saint Etienne

Les documents fournis se présentent sous la forme de "dossier de travail" mettant en oeuvre les décisions épiscopales élaborées dans l'Assemblée diocésaine achevée en 1996. Ce sont des documents soumis à discussion.

Par le press-book on apprend que la presse a été informée de la restructuration des paroisses dès mai 1996, c'est-à-dire avant la fin de l'Assemblée diocésaine. En octobre 1997 la presse évoquait la rareté des vocations comme motif de restructuration. En novembre 1998 l'évêque annonçait qu'il créait 29 paroisses nouvelles.

Ce sont donc surtout des documents techniques, l'un est axé sur les missions des nouvelles instances créées, l'autre sur les limites des paroisses nouvelles. Les documents théoriques justifiant la nécessité de cette restructuration ont été l'objet de l'Assemblée diocésaine. Une fois la décision prise, une campagne d'information s'adresse ces mois-ci à tous les catholiques et sera close par une journée diocésaine solennelle (Pentecôte 1999).

 

2. Contexte

Diocèse de Grenoble

D'après les données ecclésiastiques issues des divers documents produits pour cette opération, on peut estimer la population civile du territoire diocésain ainsi :

- 300 100 pour l'agglomération grenobloise avec une soixantaine de paroisses,
- 42 500 pour les zones de montagnes avec 95 paroisses,
- 160 000 pour le centre de l'Isère avec 130 paroisses,
- 247 260 pour le nord-Isère avec 150 paroisses.

La zone pastorale interdiocésaine de Vienne n'est pas concernée par cette restructuration. Soit au total près de 750 000 habitants avec 435 paroisses.

Le diocèse de Grenoble comporte un territoire rural important, avec le tourisme blanc des zones de montagnes et l'agriculture dauphinoise, et trois zones urbaines : Grenoble, Pont-de-Chéruy, Vienne.

Le dynamisme de la ville de Grenoble et du département de l'Isère à la fin des années 60 n'a pas correspondu immédiatement à un réveil de l'Eglise diocésaine : il fallut attendre la nomination de Gabriel Matagrin qui initia le Synode diocésain.

Diocèse de Saint Etienne

Le diocèse de Saint Etienne correspond à peu près à deux des trois arrondissements du département de la Loire : l'arrondissement rural de Montbrison avec une population de 151 000 habitants, l'arrondissement de Saint Etienne avec une zone urbaine de 412 000 habitants et une zone rurale de 27 000. Soit un total de 590 000 d'après le recensement de population de 1990.

Selon les données ecclésiastiques fournies dans les dossiers de travail on aurait 223 paroisses concernées par la restructuration.

Ce diocèse a une forte zone urbaine avec l'agglomération de Saint Etienne, les vallées de l'Ondaine et du Gier. La zone rurale est tournée principalement vers le chef lieu du département.

Ce diocèse a été constitué il y a un quart de siècle et connut deux évêques.

 

3. Déroulement

Nous avons à faire à deux déroulements du processus de restructuration totalement différents puisque le diocèse de Grenoble fut en synode jusqu'en 1990 et n'aborda pas la question de la restructuration des paroisses, tandis que celui de Saint Etienne eut une démarche synodale (pas un synode proprement dit) appelée Assemblée diocésaine de novembre 1994 à octobre 1996, dont l'une des conclusions fut la restructuration des paroisses.

Diocèse de Grenoble

Six ans après son synode, le diocèse se lance donc dans le chantier de la restructuration des paroisses en septembre 1996 pour s'achever à l'été 1999, semble-t-il. Il se déroule en trois vagues successives qui concernent la première 10 secteurs pastoraux, la deuxième 17 (16 semble-t-il finalement) et la troisième les 10 autres. L'entrée dans ce chantier est laissée à l'initiative des conseils de secteurs, composés de laïcs et de prêtres, mis en place à la suite du synode.

Pour chaque groupe la démarche est la même : une première étape avec 5 ateliers, une seconde avec 4 ateliers. Chacune de ces étapes s'achève par un bilan. Le premier groupe a testé le processus avec une évaluation en cours de route. En voici le calendrier.

 

 1er groupe

2ème groupe

3ème groupe

niveau diocésain

09/1996

1ère étape

 

 

 

05/1997

2ème étape

 

 

 

09/1997

 

1ère étape

 

 

11/1997

fin

 

 

 

05/1998

 

2ème étape

 

 

09/1998

 

 

1ère étape

 

11/1998

 

fin

 

 

 

 

 

 

hypothèses générales

02/1999

 

 

2ème étape

 

06/1999

 

 

fin

 

Le déroulement offre un caractère très organisé et réfléchi. La méthode est testée et appliquée à l'ensemble du diocèse. Les vagues successives profitent des réflexions des autres. Le troisième groupe voit ainsi sa démarche accélérée et sera certainement amené à discuter des hypothèses de restructuration au cours de sa seconde étape.

 

Diocèse de Saint Etienne

L'Assemblée diocésaine s'achevait en octobre 1996 par la proclamation d'orientations émises sous 4 chapitres : solidarité, communautés, ministères, formation. La mise en oeuvre de ces orientations commença immédiatement.

La coordination des actions de solidarité fut confiée à un diacre et se poursuit en concertation avec les organismes concernés.

En septembre 1997, le diocèse lançait une année des ministères avec un déroulement proche de celui de l'Assemblée diocésaine : réflexions en groupes, à mi-chemin une journée de récollection de chaque communauté catholique avec un guide commun diocésain pour toutes, une assemblée diocésaine festive en clôture à Pentecôte 1998.

La restructuration des paroisses ne s'effectue pas selon cette méthode mais concerne davantage le clergé : elle est officiellement lancée par l'évêque en janvier 1998 en pleine année de réflexion sur les ministères et s'achèvera à Pentecôte 1999. En voici le calendrier.

11/1994

lancement de la démarche synadolae

10/1996

fête diocésaine de clôture de la démarche synodale

09/1997

lancement de l'année des ministères

01/1998

lancement du chantier des paroisses nouvelles

05/1998

fête diocésaine de clôture de l'année des ministères

10/1998

officialisation des 29 paroisses nouvelles

 

campagne de sensibilisation aux paroisses nouvelles

05/1999

fête diocésaine d'érection des paroisses nouvelles

On constate que la réflexion sur la restructuration des paroisses s'entrecroise avec celle sur les ministères. Cela vient du fait que l'année des ministères concerne l'ensemble des catholiques tandis que le chantier des paroisses nouvelles ne concerne dans un premier temps que les prêtres. En effet, l'Assemblée diocésaine avait déjà justifié cette restructuration : il s'agissait d'en trouver les modalités pratiques. L'année sur les ministères apparaît alors comme une sensibilisation aux changements à venir en évitant le débat public sur les nouvelles limites paroissiales.

 

4. Procédures

Comme la diversité des contextes et des déroulements le laisse entendre, les procédures ne furent pas les mêmes dans les deux diocèses, ce qui montre aussi une certaine différence d'ecclésiologie.

Diocèse de Grenoble

Tout commence par une enquête lancée en janvier 1997 pour sensibiliser les catholiques à la démarche. Puis ce seront les conseils des secteurs pastoraux qui décideront de lancer des groupes de réflexion en deux étapes, conjointement avec d'autres secteurs.

Dans la première étape 5 ateliers thématiques sont proposés dont voici les intitulés :

- la mission est première,
- communautés en solidarité,
- relais d'Eglise, paroisses, secteurs,
- parole aux jeunes générations,
- communication.

Dans la seconde étape, les ateliers sont intitulés :

- liturgie et sacrements,
- formation,
- ministères,
- finances, équipements, administration.

Chacun s'inscrit dans l'atelier de son choix dans la première comme dans la seconde étape. La discussion fait l'objet de comptes rendus répondant aux questions posées dans les guides méthodologiques et indiquant les propositions que chaque atelier est invité à formuler. Ces comptes rendus sont diffusés à l'ensemble des participants à la démarche. Une journée de bilan regroupe les délégués de tous ces ateliers de tous les secteurs concernés d'une même vague. A cette journée viennent apporter leur témoignage des personnes d'autres diocèses engagés dans la même démarche ainsi que des théologiens du Centre de Meylan.

L'organisation générale est confiée à un comité de pilotage composé de prêtres et de laïcs et la rédaction des synthèses et des hypothèses de restructuration incombe à ce comité, au comité épiscopal et à "d'autres représentants du diocèse", est-il écrit : c'est donc une équipe assez large qui édite les textes communs.

La médiatisation est assurée par le "kit-média" destinée à la presse et aux catholiques les moins impliqués, avec une vidéo, des textes, un numéro spécial, une conférence de presse...

Les documents qui nous ont été fournis ne font aucune allusion au Conseil presbytéral diocésain. En revanche, dans la dernière phase le Conseil diocésain de pastorale est convoqué 4 fois : septembre et novembre 1998, janvier et mai 1999.

Les procédures inventées par le diocèse de Grenoble visent à susciter la réflexion et l'adhésion des catholiques à la démarche, sans que les prêtres soient apparemment plus impliqués que les laïcs. Le débat porte à partir de novembre 1998 sur des hypothèses dont le nombre varie selon les zones pastorales : agglomération grenobloise, montagne, centre ou nord du département. Nous ne possédons pas d'information sur la manière selon laquelle sera conduite cette dernière procédure.

 

Diocèse de Saint Etienne

L'Assemblée diocésaine s'était achevée par quatre types d'orientations dans cet ordre :

- la solidarité, dont la réorganisation des services est en cours,
- les communautés, avec la création de relais, de paroisses nouvelles et de secteurs pastoraux,
- les ministères, qui a donné lieu à une année de réflexion,
- la formation, sur laquelle nous n'avons pas d'information.

En reconstituant la démarche d'après les documents fournis, nous pouvons ainsi phaser la procédure.

 01/1997

texte de l'équipe épiscopale sur les missions des trois structures pastorales

03/1997

débat du Conseil presbytéral sur ce texte

01/1998

l'évêque annonce la créattion de paroisses nouvelles

06/1998

l'évêque lance la 3ème et dernière année du chantier des paroisses nouvelles
texte de l'équipe épiscopale sur les limites des paroisses nouvelles

09/1998

débat du Conseil presbytéral sur ce texte

10/1998

l'évêque annonce la création de 29 paroisses nouvelles

 

sélection des 29 curés
sensibilisation des catholiques
campagne médiatique

05/1999

érection des paroisses nouvelles

Toute la démarche est conduite par l'équipe épiscopale composée de prêtres, dont plusieurs deviendront les curés des paroisses nouvelles. Quand l'évêque parle de l'année 98-99 comme de la troisième et dernière sur le sujet, il tend à faire comprendre que dès la fin de la démarche synodale (octobre 1996), ce fut sa préoccupation et celle de son équipe.

C'est le Conseil presbytéral qui est le partenaire de l'équipe épiscopale dans ce débat. Les catholiques diocésains, qui dans l'Assemblée diocésaine avaient souhaité cette nouvelle organisation, ne seront pas associés à la mis en oeuvre sinon par le choix du saint patronyme de ces nouvelles paroisses.

 

5. Argumentation

Diocèse de Grenoble

La mission de l'Eglise

Le synode diocésain avait insisté sur la coopération entre prêtres et laïcs dans le gouvernement pastoral. Ce qui est mis ici en avant par les auteurs des textes initiateurs de la démarche, c'est que "la mission est première". On entend par là que "la Bonne Nouvelle est dans la vie" à deux niveaux ou de deux manières :

- dans les relations de proximité, avec les relais, les mouvements, les aumôneries...,
- dans l'attention aux réalités humaines et aux courants sociaux, à l'échelon du secteur pastoral ou du diocèse, est-il écrit.

La fonction de la paroisse nouvelle

La paroisse nouvelle est définie comme "une communion de communautés". Par communauté on entend les relais et les "modes associatifs" d'Eglise. Elle est le l'élément de visibilité de l'Eglise. Elle est dotée d'un ministère ordonné et des conseils appropriés (pastoral, économique). Elle n'est pas liée à un lieu fixe de célébration de l'eucharistie. Le secteur pastoral assure le lien entre paroisses nouvelles et diocèse.

La réorganisation du territoire civil

Est reproduit dans les documents de travail un texte sur la loi d'orientation et d'aménagement du territoire de 1995 mettant en relief l'intercommunalité et la notion de "projet de pays". L'intercommunalité concerne la mise en commun de moyens pour un meilleur service public (réseaux, promotion). Le projet de pays concerne les éléments dynamiques d'un territoire (syndicats, offices, collectivités...) élaborant un projet de développement qui à ce titre peut bénéficier d'aides de l'Etat, en dehors de toutes autres références administratives.

Les critères socio-économiques

Le cahier des hypothèses à discuter, après avoir rappelé que la mission est première, présente les critères qui ont présidé à la rédaction des diverses hypothèses. Ce sont en premier des critères "d'ordre social" (socio-économiques), en second "d'ordre ecclésial" ; et on entend par là un nombre suffisant de catholiques pour assurer le dynamisme de la paroisse nouvelle et les habitudes de travail entre paroisses (interparoissialité).

Ce sont donc des critères d'ordre socio-économiques, objectifs et mesurables. D'ailleurs ces hypothèses sont présentées comme des agrégats (un ensemble de chiffres des populations par commune). Il n'y a pas d'allusion à des critères subjectifs liés à des projets de groupes de catholiques. On part de l'existant tant en terme de pratiques d'interparoissialité que de nombre de catholiques.

 

Diocèse de Saint Etienne

L'Assemblée diocésaine avait parlé de relais, de paroisses nouvelles et de secteurs pastoraux. La mise en oeuvre des orientations diocésaines ne reprend pas l'argumentaire mais s'intéresse aux contenus des fonctions de ces structures.

Le relais est défini par 8 "portes d'entrée" ( solidarité, communauté de base, accompagnement, accueil, formation, funérailles, sacrements, dimanches), avec une équipe d'animation.

La paroisse nouvelle est définie par 8 pôles dans un texte provisoire (liturgie et sacrements, scolaires, éveil à la foi en quartier populaire, catéchèse, apostolat des laïcs, jeunes parents et enfants, santé, catéchuménat et formation) et 9 (accueil et communication) dans le texte final. Cette structure est dotée de ministres ordonnés et de conseils appropriés (pastoral, économique). La paroisse regroupe les relais.

L'interparoissialité est définie par 11 services (solidarité, formation, communication, rassemblements, catéchèse, éveil à la foi, aumônerie, sacrements, liturgie, gestion, secrétariat) reliés aux services diocésains.

Il semble que l'on ait conservé les grands services diocésains en l'état et que les nouvelles structures s'adresseront aux uns et aux autres selon les circonstances. Mais l'essentiel se passera désormais dans la paroisse nouvelle, "communion de communautés", c'est-à-dire communion des divers groupes de base, d'aumôneries, d'activité "paroissiale"...

Au relais est attribué la fonction de proximité des gens, à la paroisse celle de coordination.

Ce sont donc des critères organisationnels qui président à la restructuration des paroisses dans le diocèse de Saint Etienne. Le nombre restreint de paroisses donne à celles-ci et à leurs curés une fonction de coordination des mouvements et des aumôneries, qui jusque-là s'effectuait au niveau diocésain. L'interparoissialité ne joue donc plus seulement sur l'ajustement des pratiques en matière catéchétique ou sacramentelle par exemple, mais aussi sur l'organisation des mouvements, aumôneries et autres organisations "non paroissiales".

En reprenant les titres des textes les plus médiatisés dans les deux diocèses, nous pourrions résumer ainsi leur argumentation.

Diocèse de Grenoble

- Le monde est en mutation (intercommunalité).
- Le nombre de prêtres diminue mais la mission de l'Eglise demeure.
- Nous allons donc vers de nouvelles paroisses.
- D'ailleurs la plupart des diocèse de France font cette mutation.

Le diocèse de Grenoble est dans le mouvement général de la société et de l'Eglise en France.

Diocèse de Saint Etienne

- Le diocèse met en oeuvre les orientations issues de la démarche synodale.
- Voici donc les nouvelles cartes des paroisses nouvelles.
- C'est ainsi que le diocèse va vers le Jubilé 2 000.

Le diocèse de Saint Etienne se réorganise pour entrer dans le prochain millénaire chrétien.

 

6. Résultats

 

En nous appuyant sur les données ecclésiastiques pas toujours très rigoureuses, nous arrivons à une estimation des résultats de ce processus de restructuration des paroisses dans les termes suivants.

 structures

diocèse de Grenoble

diocèse de Saint Etienne

relais

nombre illimité

nombre limité

paroisses nouvelles

somme des hypothèses hautes : 62
somme des hypothèses basses : 29

29

zones pastorales

4

3

ratio
paroisses anciennes / paroisses nouvelles

hypothèses hautes : 1/7
hypothèses basses : 1/15

1/4 selon le nombre paroisses
1/7 selon le nombre de communes

zone urbaine

hypothèses hautes : 1/4
hypothèses basses : 1/5

1/3,5

zone rurale

hypothèses hautes : 1/7
hypothèses basses : 1/13

1/10

Pour le diocèse de Grenoble, nous avons additionné toutes les hypothèses de même type selon les zones : d'une part celles qui réduisaient au maximum le nombre de paroisses (hypothèse basse), d'autre celles qui réduisaient le moins ce nombre (hypothèse haute).

Pour le diocèse de Saint Etienne, nous ne sommes par certains de l'exactitude des résultats reconstitués à partir des cartes.

 

7. Implications ecclésiologiques

Nous voyons apparaître des différences entre ces diocèses dans les procédures mêmes puisque le diocèse de Grenoble s'appuie en premier sur l'ensemble des fidèles, tandis que celui de Saint Etienne va surtout s'adresser aux prêtres. Cela s'explique non seulement par le fait que la démarche synodale est récente chez ce dernier mais aussi par l'importance historique du rôle du clergé dans un diocèse dont les zones urbaines sont peuplées d'habitants venus avec son clergé des zones rurales au XIXème siècle avec l'essor des mines et manufactures. Nous dressons le tableau de ces différences et similitudes.

 

diocèse de Grenoble

diocèse de Saint Etienne

conclusions synodales

partage de responsabilités entre prêtres et laïcs

réorganisation de la pastorale territoriale entre relais, paroisses et zones

procédures

mobilisation de l'ensemble des fidèles, laïcs et prêtres

mobilisation des prêtres

axes forts de l'argumentation

la proximité avec les gens
la coordination entre structures

les fonctions des structures
la coordination entre structures

définition de la paroisse nouvelle

communion de communautés
avec ministère ordonné
avec conseils pastoral et économique

communion de communautés
avec ministère ordonné
avec conseils pastoral et économique

définition de la communauté

relais de proximité (quartier, aumônerie, mouvement...)

communauté-relais (lieu-clocher) communauté de base (équipe de mouvement, aumôneries)

eucharistie dominicale

sans lieu fixe
généralisation des ADAP

sans lieu fixe
généralisation des ADAP

Nous pouvons cerner quelques éléments dans les deux manières d'approcher la question de la restructuration des paroisses qui nous autorisent à problématiser des ecclésiologies pratiques.

Un compromis réaliste

Nous constatons dans les deux diocèses un compromis entre :

- la réalité canonique (la paroisse est une communauté stable avec un curé comme pasteur propre),
- la réalité organisationnelle (la diminution du nombre de prêtres pouvant être curé),
- la réalité sociale (la communauté s'appuie sur la proximité de lien social).

Le critère de proximité

Cette proximité est définie dans les deux cas de la même manière. C'est une proximité de :

- résidence, avec la structure de relais,
- de pensée, avec les mouvements,
- d'action, avec les aumôneries.

L'existant et l'innovant

Nous constatons dans les deux diocèses :

· aucune invention pastorale puisqu'il n'y a pas de projet (on part de l'existant des groupes et des lieux),

· aucune invention canonique puisqu'on s'en tient à la définition du clergé existant, homme et célibataire,

· une innovation organisationnelle puisque l'on officialise la pratique des rassemblements dominicaux non eucharistiques appelés "assemblées dominicales en absence de prêtres",

· une innovation ecclésiologique puisque l'on définit la paroisse comme une communion de communautés alors que le Droit Canon de 1983 la définit comme une communauté de personnes, réservant cette définition-là au diocèse, portion du peuple de Dieu constituée de paroisses, mouvements, institutions...

Avec ces restructurations on passe d'une ecclésiologie centrée sur l'eucharistie dominicale liée à la paroisse et à son curé à une ecclésiologie basée sur le groupe social lui-même indépendamment du ministère. L'ecclésiologie consacrée par le Droit Canon de 1917 fut l'adaptation de l'organisation ecclésiastique à l'organisation des communes : un curé par commune ou quartier de grande ville.

Celle qui prévaut aujourd'hui est toujours liée au prêtre mais doit s'adapter au nombre de prêtres : en conséquence on réduit le nombre de communautés eucharistiques stables et on invente des communautés non eucharistiques basées sur des liens sociaux de proximité qui n'est plus seulement résidentielle comme dans la "civilisation paroissiale" mais aussi sur de liens de proximité de pensée et d'action. Cette logique est poussée à son terme dans le diocèse de Saint Etienne où les paroisses nouvelles se présentent comme autant de petits diocèses à l'intérieur du diocèse. Les mouvements et aumôneries n'ont plus leur organisation propre ; ils doivent s'intégrer dans les paroisses nouvelles.

 

La question du "service ecclésial"

Ces innovations posent une question qu'avait résolue jadis l'organisation territoriale : l'accès de tous au "service ecclésial", aussi bien celui des baptisés aux divers services d'Eglise auxquels ils ont droit que celui des non baptisés à l'Eglise par l'initiation chrétienne.

Au moment où, en France, le service public tend à se rapprocher des gens en multipliant les offres de service (lieux de proximité), en décentralisant la décision (responsabilisation des agents publics), le service ecclésial tend à réduire l'offre en concentrant son organisation paroissiale et en sélectionnant les demandes traitées selon les cas par des prêtres ou par des laïcs.

Il y a tout lieu de penser que l'on s'oriente vers une Eglise à deux vitesses :

- l'une pour les catholiques avertis, proches du clergé, pouvant bénéficier du service ecclésial communautaire dans la diversité de ses dimensions (eucharistie pour les funérailles par exemple),
- l'autre pour les catholiques distants, accueillis et gérés par des laïcs, avec un service ecclésial minimum.

 

8. Suggestions

Nous pensons que la restructuration aurait pu s'organiser autrement tenant compte des réalités sociales et surtout mettant en oeuvre une ecclésiologie centrée sur le Christ et non sur l'institution ecclésiale elle-même, donnant droit à la vitalité spirituelle des personnes et des communautés, comme le suggère d'ailleurs le Droit Canon de 1983 qui parle de la communauté avant du ministère dans l'organisation de ses chapitres.

Les "projets pastoraux"

Une restructuration des paroisses pourrait s'appuyer sur des "projets pastoraux", à l'instar de la loi sur l'aménagement du territoire de 1995 comme de celle de 1999,qui promeuvent les "projets de pays" comme bases de nouvelles structures administratives à terme. Dans l'Eglise catholique ces projets se dessinent dans les communautés nouvelles, les mouvements, les aumôneries, des configurations locales, etc. Ces projets, qui associent des personnes dans une communauté d'objectifs, pourraient, une fois reconnus, être constitués en paroisses (communautés de personnes) avec un ministère ordonné et des conseils pastoral et économique, comme d'ailleurs le Droit Canon de 1983 le permet.

La charge du "service ecclésial"

Au lieu de supprimer les paroisses locales, on pourrait reconnaître des communautés de proximité (relais locaux, mouvements, aumôneries, communautés diverses...) comme communautés chargées du service ecclésial ordinaire à certaines conditions à convenir : un type de service qui respecte les choix des personnes et ne les oblige pas à partager toutes les vues des communautés ; c'est d'ailleurs ce qui existe lorsque, comme dans certains pays, des moines assurent le service paroissial, ou lorsqu'en France la Mission ouvrière prend en charge tout un secteur géographique.

Une ecclésiologie plus communautaire

Nous pensons que le seul critère de ces restructurations a été de fait d'adapter l'organisation pastorale au nombre de prêtres définis selon les critères actuels : des hommes célibataires. Une adaptation basée sur la communauté de fidèles permettrait la continuité du service ecclésial au lieu de sa réduction. En effet, une ecclésiologie qui voit dans la paroisse une communauté de personnes offrirait l'opportunité de reconnaître comme paroisses les communautés constituées selon les trois types de lien de proximité : résidence, pensée et action ; ce qui est fait en ce qui concerne la communauté territoriale paroissiale, rarement pour la communauté de pensée (sauf quelques exceptions, d'ailleurs assez théoriques, comme la Paroisse universitaire en France). Au lieu de réduire le nombre de paroisses, on pourrait non seulement maintenir ou adapter aux réalités sociales les paroisses territoriales liées aux communes et aux quartiers urbains, mais encore instituer comme paroisses des mouvements, des aumôneries...

Une rédéfinition du ministère

Avec ces différents types de paroisse, on allègerait et diversifierait la tâche de pasteur des communautés. Au lieu d'avoir un ministère ordonné à trois degrés (évêque, prêtre, diacre), on pourrait s'orienter vers la reconnaissance d'une plus grande variété de ministères ou de tâches d'Eglise : catéchèse, prière, charité, accueil..., ne pas confier au ministère de "curé" l'ensemble de ces tâches mais le recentrer sur le principe hiérarchique catholique : c'est le ministère qui rappelle à la communauté que son principe, son objet et sa finalité ne sont pas en elle-même (elle ne tire pas son existence de sa volonté propre) mais dans le Christ, unique Seigneur de son Eglise. L'exercice de l'autorité pastorale (juridiction) lié à ce ministère (ordre) ne pouvant s'exercer aujourd'hui en dehors de la communauté, il conviendrait d'instituer des règles synodales plus claires dans le gouvernement paroissial, ce que suggère la création de conseils paroissiaux .

Une meilleure représentativité du ministère

Pour que ce ministère assure effectivement sa tâche, il ne faut pas qu'il soit confondu avec un mode d'exercice de l'autorité, comme nous venons de le dire, ni avec un genre (masculin) ni avec un statut (célibataire). On ne peut rappeler aujourd'hui le principe hiérarchique dans les communautés catholiques par ses déterminants historiques. Il conviendrait dès lors d'envisager d'ordonner des prêtres plus proches des gens et plus représentatifs de la diversité des fidèles : des hommes et des femmes, des plus âgés et des plus jeunes, des célibataires et des mariés.

La redéfinition des tâches et du ministère permettrait par ailleurs de ne pas confondre le ministère avec une profession : des bénévoles pourraient assurer ces ministères et non seulement des permanents professionnalisés qui ont toujours tendance dans toutes les institutions (vie associative, vie politique...), à prendre en charge l'ensemble des tâches, à exercer l'autorité au détriment des membres du groupe social, à se constituer en "caste" au sein de la société (civile ou ecclésiale).

Le Christ en son Eglise

La restructuration des paroisses pourrait être l'occasion de mettre en oeuvre une ecclésiologie plus centrée sur le Christ que sur l'Eglise elle-même : une Eglise "à peine épiphanique", modeste, proche des personnes et discrète, tâchant de mettre en exergue le Christ, unique objet de son témoignage, et non pas de se donner en spectacle pour inviter à la rejoindre.

La restructuration, au lieu de traiter des agrégats (chercher le nombre adéquat d'individus pour constituer une paroisse par exemple) pourrait reposer sur les liens entre les personnes qui constituent la base de toute communauté, que ce soit des liens de résidence, de pensée ou d'action communes, sur la capacité de ces personnes à faire vivre des projets ecclésiaux et à prendre des initiatives, c'est-à-dire la reconnaissance de la vitalité de l'Esprit.

La communication "ad extra" de cette restructuration, vu les conditions dans lesquelles elles se réalisent, ne pourra, à notre avis, dire aux gens une parole pertinente sur le mystère du Christ. En effet, chaque acte d'Eglise doit rendre témoignage au Christ : c'est la seule justification de son existence. Telle qu'elle est présentée à l'heure actuelle dans les diocèses de France, cette restructuration risque fort de faire accroire que Dieu abandonne son Eglise en ne suscitant plus les vocations nécessaires à sa vitalité, alors que ce sont les lois mêmes que l'Eglise s'est données qui contraignent l'accès aux ministères de ceux et celles que Dieu ne manque pas d'appeler à chaque génération pour le bien de son peuple.

La question n'est donc pas d'adapter les structures au nombre de prêtres existants, mais de permettre aux communautés de personnes de vivre la plénitude de la foi et du témoignage au Christ dans la réalité sociale d'aujourd'hui, qui diffère d'ailleurs d'un pays à un autre.

Georges Decourt, 01 mars 1999