L’autorité dans
l’Eglise
Les
transformations de l’autorité dans les communautés ecclésiales peuvent
s’analyser à partir des figures d’autorité, des formes d’exercice du pouvoir et
des modalités de désignation de leur détenteur. Autant d’éléments qui
participent d’une ecclésiologie et, sans doute, d’une christologie.
Les
figures de l’autorité
Au
gré des circonstances et des lieux, les figures d’autorité ont varié au sein
des communautés ecclésiales. On peut en évoquer quelques-unes :
-
le chef à la tête de ses troupes en démonstration de force contre l’adversaire,
usant de sa capacité de mobilisation,
-
le gérant d’une multitude d’activités, éducatives, sportives, culturelles,
sociales, catéchétiques, liturgiques…, au sein de la cité catholique,
-
le développeur qui sait mettre en mouvement les fidèles et susciter les
initiatives missionnaires,
-
le réformateur avec son art de transformer les mentalités, les structures et
les usages,
-
l’animateur insufflant une dynamique commune aux groupes dont il coordonne
l’action,
-
le leader qui entraîne à sa suite par sa force de conviction et de persuasion,
-
le manager et son équipe performante, en vue de renouveaux,
-
etc.
Les
formes de l’autorité
En
conséquence, « l’acte d’autorité » revêt diverses
formes : décrets, consignes, orientations, recommandations, suggestions,
souhaits…, précédés, pour ce faire, de synodes, conciles, conférences,
conseils, consultations, enseignements, prières..., qui font appel plus à
l’écrit ou à l’oral, au travail individuel ou collectif.
Pour
aider au gouvernement des communautés ecclésiales, récemment plusieurs
instances ont été créées, dont l’usage dépend des figures d’autorité auxquelles
le décisionnaire s’identifie. Par exemple, on demande au :
-
Conseil presbytéral, qui est « comme le sénat de l’évêque »,
de tendre à l’unanimité, de mettre à jour des différences, d’approuver les
décisions épiscopales…,
-
Conseil pastoral, auquel revient d’« étudier, réfléchir et évaluer
l’activité pastorale », de recueillir les doléances, de travailler sur
des orientations, de confronter des idées…,
-
Conseil des affaires économiques, de rédiger des « directives »
pour la gestion des biens, d’entériner le budget que lui présente l’économe, de
le préparer, d’en suivre attentivement l’exécution…,
-
Synode diocésain, de faire le point sur une question, d’esquisser des réformes,
de fédérer les énergies…
-
etc.
Les
modes de désignation de l’autorité
La
figure de l’autorité et son exercice sont façonnés, en particulier, par le mode
de désignation des responsables de communautés. Ainsi :
-
une congrégation religieuse procède régulièrement à des élections par voix de
chapitre et porte à sa tête le représentant d’une majorité,
-
une association de fidèles s’approche de ce fonctionnement, en conciliant
respect des fondateurs et désirs des nouveaux adeptes,
-
un diocèse ou une paroisse, a fortiori une aumônerie, reçoivent leur
responsable, après consultation ou non.
A
défaut d’être désigné par un processus plus ou moins consensuel de sa
communauté, l’évêque et le curé doivent donc se faire accepter, et c’est
peut-être là qu’il y a difficulté aujourd’hui lorsque les figures d’autorité,
qu’ont en tête les uns et les autres, ne coïncident pas totalement. Ce n’est
pas tant la foi ou la bonne volonté des clercs et des laïcs qui sont en jeu,
que des mentalités différentes, héritées d’une histoire propre à chacun.
Par-delà les figures bibliques du « serviteur » et du « maître »,
l’autorité en Eglise s’interroge, ou est interrogée, sur sa « juste »
place.
Aussi
la question actuelle semble-t-elle moins « qui décide ? »
que « comment se prend la décision ? », et moins « par
quel processus ? » que « sur quels critères ? ».
En effet, une décision apparaît « bonne » non seulement
lorsqu’elle est acceptable ou acceptée, mais encore lorsqu’elle est vérifiable
et donc discutable. Pour cela, elle doit être accompagnée d’une argumentation.
Tout le monde en convient d’ailleurs, des « progressistes »
qui contestent le retour du rite tridentin aux « traditionalistes »
qui en regrettaient l’abandon. Tous demandent que l’on justifie les décisions
et non plus qu’on les impose avec plus ou moins de doigté. Le nécessaire temps
du débat et de la concertation, certes, retarde le moment de la décision, mais
garantit une mise en œuvre plus efficace.
Dans
ce contexte-là une figure semble ressurgir, celle du « sage »,
qui « fait autorité » en alliant capacité d’écoute et sens de
l’à-propos, compétence et probité, profondeur de vue et ouverture d’esprit.
Georges Decourt
prêtre à Lyon et sociologue
auteur de Conduire
une action pastorale, Cerf, 1977
paru
dans La Croix, 26 septembre 2008,
p.13