Les 11-17 ans et la société française, avril 2001

(notes pour le service jeunesse du diocèse de Lyon)

thème

Entrée dans la vie adulte

sources

 

■ GALLAND, Olivier,

divers ouvrages

 

■ Economie & Humanisme,

Fiches d’expériences analysées dans le Rapport du Commissariat au Plan sur la politique de la jeunesse, 2001.

 

La vie adulte se caractérise généralement dans nos sociétés par une vie professionnelle et secondairement aujourd’hui par une vie maritale. La première fiche de paie et les premiers rapports sexuels, surtout pour les garçons, constituaient un passage à un autre âge de la vie.

 

En 1964, 30.2% des jeunes de 14 ans étaient au travail contre 0% en 1991, 59.2% des jeunes de 16 ans contre 1.5%, 81.4% des jeunes de 18 ans contre 18.4%. La crise de l’adolescence n’a plus la limite visible qu’était le travail professionnel. L’école devient leur lieu de travail durant 12 ans pour la plupart.

 

La perspective d’être reconnu comme un adulte est lointaine pour les adolescents, puisque que ce n’est plus vers 16 ans que l’on commence à le devenir mais plutôt vers 18 ou 20 ans. Ce retard ne les incite pas à se «dépêcher de grandir ».

 

Les relations sexuelles dans cette configuration n’apparaissent pas plus comme l’entrée dans une vie d’homme et de femme, mais comme un type de relation de leur âge.

 

Les «ado » en viennent à constituer une classe d’âge qui pèse de tout son poids dans la société, avec ses goûts, ses habitudes, ses produits, ses émissions médiatiques…

 

L’apprentissage de la responsabilité prend désormais d’autres formes que l’apprentissage d’un métier à cet âge. Ainsi ce sont dans des conseils de classe et des conseils d’enfants et de jeunes que certains d’entre eux sont considérés à l’égal d’adultes. En dehors de quelques structures de ce type, ils n’ont pas l’occasion de «mûrir » aux yeux des adultes. Un certain nombre de récits d’expériences existent de groupes d’adolescents réussissant un projet et par là-même exerçant leur sens des responsabilités. Ce sont les enseignants et les animateurs d’institutions de proximités (mouvements, MJC, centres sociaux…) qui deviennent les tuteurs de cette classe d’âge.

thème

Relation avec les adultes

sources

 

■ DUBET, F.,

Les lycéens, 1991, Seuil

 

■ FIZE, M.,

La démocratie familiale : évolution des relations parents-adolescents, 1990, Presses de la Renaissance

Relation avec les parents

 

Les parents constituent les personnes les plus proches de leurs enfants. Les observateurs ne notent pas de disparition du dialogue intra-familial, contrairement aux idées généralement reçues de relations conflictuelles. 81% des jeunes disent parler à leurs parents de leurs problèmes de santé, 55% de problèmes de drogue, la majorité disent préférer se confier à leur mère.

 

Lorsque le dialogue n’existe pas entre parents et enfants, il y a peu d’adultes qui peuvent les remplacer. C’est le cas d’adolescents séparés de leurs parents. C’est aussi le cas des adolescents qui vivent une rupture culturelle avec leurs propres parents : le seconde génération de l’immigration. Les animateurs sont parfois considérés comme des «aînés », mais la relation intime intra-familiale semble difficile à remplacer.

 

Les grands-parents en revanche semblent plus proches des petits-enfants, dont ils ont souvent assuré une part de l’éducation dans les moments de garde.

 

Relations avec le personnel scolaire

 

C’est à l’école que les adolescents peuvent rencontrer d’autres adultes que leurs parents. Ainsi le personnel scolaire assure parfois des rôles substitutifs pour les jeunes qui ne peuvent pas discuter avec leurs parents (infirmière, surveillant…).

 

Mais le rôle de l’école a beaucoup changé. La prolongation de la scolarité était considérée comme le moyen d’une promotion sociale avec l’obtention de diplômes. La crise économique depuis les années 70 a contrecarré cette espérance pour les classes populaires. Si l’enseignement n’est plus perçu par beaucoup comme indispensable pour réussir, le rôle des professeurs est alors critiqué.

 

L’intérêt de l’école pour beaucoup d’adolescents est de constituer un lieu de dialogue entre jeunes d'abord et avec quelques adultes n’appartenant pas à leur famille. L’école est un lieu de sociabilité juvénile.

thème

Sexualité des adolescents

sources

 

 

tous les ouvrages généraux sur l’adolescence

 

BOZON, M.,

in Le comportement sexuel des français, 1993

Une double différence semblerait caractériser les comportements sexuels des adolescents : le genre (garçon/fille) et le milieu social (populaire/aisé).

 

Dans les milieux populaires les rôles sexuels seraient davantage marqués avec des comportements virils forts, alors que les jeunes de milieu aisé seraient plus égalitaires à ce niveau. On explique cela par le fait que ces derniers vivent plus longtemps le temps de l’adolescence, temps de l’indécision. Les étudiants, issus de milieu aisé, connaissent davantage les relations d’amitié amoureuse.

 

Depuis une vingtaine d’années l’âge moyen du premier rapport sexuel est stable : 17 ans chez les garçons, 18 chez les filles. Ces moyennes supposent de la précocité chez certains et du retard chez d’autres. Pour les deux genres ce premier rapport n’est pas tant lié à un projet de vie à deux qu’à une expérience à connaître.

 

Si dans les années d’après guerre, une des barrières psychologiques pouvait venir de la peur de donner la vie, avec les années SIDA ce fut celle d’attraper la mort. Ce n’est donc pas dans le même état d’esprit que peut se vivre le rapport sexuel dès cet âge. La confiance dans le partenaire devient une question de vie et de mort et non de vie seule.

 

Les parents acceptent que leurs enfants commencent à avoir des rapports sexuels de plus en plus tôt même avec celui ou celle qui ne partagera pas leur vie. Il y a moins de clandestinité des enfants par rapport aux parents. Mais il existe ici ou là des comportements plus rigoureux de parents et ce dans tous les milieux : bourgeoisie rigoriste, certains milieux immigrés.

 

Notons que les enquêtes sont toujours difficiles à conduire avec les jeunes de cet âge qui tiennent souvent un discours différent de leurs pratiques ou le discours convenu en fonction de leur interlocuteur. En revanche les enquêtes menées auprès des travailleurs sociaux signalent de plus en plus de violence dans ces rapports, ce qui ne signifie pas qu’autrefois ce n’était pas le cas.

thème

Rôle du quartier

sources

 

 

DUBET, F.,

La galère, jeunes en survie, 1987, Fayard

 

DUPREZ, D.

Le mal des banlieues ?, 1992, L’Harmattan

 

LAPEYRONNIE, D.,

L’exclusion et le mépris, 1992, Les Temps modernes n°545-546

Les plus jeunes qui grandissent dans certains quartiers d’agglomération voient des modes de vie et d’organisation sociale qu’ils considèrent comme la norme de toute la société.

 

Les revenus des ménages ne sont pas forcément ceux du travail professionnel. Il existe des revenus clandestins liés à des trafics ainsi que des revenus salariaux précaires liés aux incertitudes de l’économie : emplois à durée déterminée, stages de formation, chômage, absence de revenus… Les revenus sociaux de remplacement sont considérés comme des moyens de vivre semblables aux revenus professionnels. Beaucoup de jeunes ne font pas de différence entre les types de revenus.

 

Dans la mesure où les jeunes nés de parents immigrés connaissent une rupture entre la vie intra-familiale et la vie extra-familiale, ils apprennent la vie sociale principalement en dehors du foyer. Le quartier devient pour eux le lieu d’apprentissage principal, comme ce fut le cas pour d’autres générations dont les parents étaient absents en raison de leur travail. L’absence de travail conduit à l’oisiveté de beaucoup de leurs aînés et de leurs propres pères. Le temps passé dans l’entreprise ne peut trouver d’équivalent : il n’y aura jamais de structures de remplacement pour offrir des occupations à défaut de travail.

 

Le train de vie de certains jeunes adultes peut devenir pour certains adolescents un exemple de réussite, quels qu’en soient les moyens. La relative impunité des moyens illégaux qui assurent ces réussites peut donner l’idée aux plus jeunes que toute la société fonctionne ainsi : combine, débrouillardise, trafic… La dénonciation médiatisée de la corruption dans les sphères économiques et politiques ne peut qu’accréditer cette représentation de la société.

 

Le sentiment d’être exclus du système social basé sur la réussite scolaire et professionnelle est compensé par le sentiment de pouvoir réussir autrement. Mais la «galère » est devenue un mode de vie qui ne réussit qu’à quelques-uns. La grande majorité des jeunes des banlieues espèrent s’en sortir, mais ils n’ont pas les codes sociaux qui leur permettent de comprendre comment.

thème

Culture

sources

 

 

JEUDY, H.P.

plusieurs ouvrages sur la fête et la musique

Des produits culturels visent précisément les adolescents avec les équipements appropriés.

 

Les produits musicaux, depuis quelques décennies, ont trouvé là une clientèle. Hier transistor pour les émissions radiophoniques, aujourd’hui walkman pour les CD-ROM, télévision pour certaines chaînes ou feuilletons, permettent aux jeunes de s’isoler du reste de la famille sans être seuls mais au contraire de s’agréger à une «tribu » caractérisée par des goûts et des comportements identiques.

 

Les concerts sont l’occasion de visibiliser ces proximités et de renforcer les liens entre chacun et les modèles qui les attirent. Les uns sont attirés par le style amical (genre Goldman) ou violent (hier le rock de Halliday, aujourd’hui tendance Métal). Ce sont des moments de communion intenses particulièrement bien adaptés aux désirs de cet âge.

 

Dans l’entre-deux guerres c’étaient les stratèges idéologiques qui avaient su tirer profit, pour le meilleur et pour le pire, des tendances adolescentes avec de grand rassemblement politiques ou religieux, autour de leader charismatique, séducteur des foules. Depuis quarante ans ce sont les stratèges économiques qui ont pris le relais et depuis vingt ans reviennent les rassemblements à but idéologique, qu’il soit religieux ou humanitaire.

 

L’intensité du moment vécu est pour les jeunes le but recherché et pour les organisateurs le moyen de faire passer des messages : de consommation (produits dérivés…), d’engagement pour des causes (Resto du cœur, lutte antiraciste, attachement au Pape…).

 

C’est ainsi que le souvenir de tels événements est entretenu par les traces qu’ils laissent : disques, tee-shirts, pétitions, adhésions, vidéo… La démarche marketing se poursuivra à partir de ces éléments pour maintenir le contact, jusqu’au prochain événement. Il conviendra dès lors aux organisateurs d’attirer une nouvelle génération sans perdre ceux qui ont vieilli.