musée du diocèse de lyon

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le Baptistère des Gaules

IVème s.

 

 

 

 

 

L’expression « baptistère des Gaules » pour qualifier l’Eglise de Lyon tend à signifier son ancienneté : par elle la foi chrétienne serait entrée en Gaule. Elle s’appuie sur plusieurs indices historiques.

 

-      Sans doute auparavant des chrétiens ont résidé dans d’autres cités comme Massilia (Marseille) ou Vienne. Mais les plus anciens récits, particulièrement Eusèbe dans son Histoire Ecclésiastique (H.E.), parlent en effet des premiers chrétiens en Gaule, ceux des Eglises de Lyon et de Vienne, martyrisés en 177. Ainsi a-t-on pu qualifier Lyon de « baptistère sanglant des Gaules » (COLSON, 1975, 1993).

 

La Gaule… a des métropoles remarquables qui l’emportent en célébrité sur leurs voisines : ce sont Lyon et Vienne, et l’une et l’autre sont traversées par le fleuve Rhône, qui arrose abondamment de son cours toute la région. Les très illustres églises de ces deux cités ont donc envoyé à celles de l'Asie et de Phrygie la relation écrite qui concerne leurs martyrs ; elles y racontent ce qui s'est passé chez elles de la manière suivante (je vais rapporter leurs propres expressions) : « Les serviteurs du Christ qui habitent Vienne et Lyon en Gaule aux frères de l'Asie et de Phrygie qui ont la même foi et la même espérance de la rédemption que nous, paix, grâce et gloire de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur... »

Γαλλα... ς μητροπλεις πσημοι κα παρ τς λλας τν ατθι διαφρουσαι βεβηνται Λογδουνος κα Βεννα, δι´ ν μφοτρων τν πασαν χραν πολλ τ εματι περιρρων οδανς ποταμς διξεισιν. Τν ον περ τν μαρτρων γραφν α τδε διαφανσταται κκλησαι τας κατ τν σαν κα Φρυγαν διαπμπονται, τ παρ´ ατας πραχθντα τοτον νιστοροσαι τν τρπον, παραθσομαι δ τς ατν φωνς : «Ο ν Βινν κα Λουγδον τς Γαλλας παροικοντες δολοι Χριστο τος κατ τν σαν κα Φρυγαν τν ατν τς πολυτρσεως μν πστιν κα λπδα χουσιν δελφος· ερνη κα χρις κα δξα π θεο πατρς κα Χριστο ησο το κυρου μν»...

(Eusèbe, H.E., V, 1/1-3)

 

-      L’influence du deuxième évêque de Lyon, Irénée, par ses écrits théologiques en particulier son Adversus Haereses, comme par la manière dont il invitait Victor, évêque de Rome, à davantage de « catholicité », ont conduit à donner à cet évêque un magistère de la foi et à considérer le siège lyonnais comme « première chaire des Gaules »  (COLSON, 1975).

 

Irénée portait vraiment son nom et par sa conduite il était pacificateur.

Ερηναος φερνυμς τις ν τ προσηγορίᾳ ατ τε τ τρπ ερηνοποις.

(Eusèbe, H.E., XXIV/18)

 

Cette diversité d'observances (à propos du jeûne) ne date pas d’aujourd’hui, mais est bien antérieure à notre époque ; nos prédécesseurs, qui ont, avec minutie semble-t-il, conservé cette coutume dans sa simplicité et ses particularismes, l'ont transmise après eux ; tous n'en vivaient pas moins en paix et nous aussi vivons en paix les uns avec les autres : la discordance sur le jeûne renforce la concorde sur la foi.

Κα τοιατη μν ποικιλα τν πιτηροντων ο νν φ´ μν γεγονυα, λλ κα πολ πρτερον π τν πρ μν, τν παρ τ κριβς, ς εκς, κρατοντων τν καθ´ πλτητα κα διωτισμν συνθειαν ες τ μετπειτα πεποιηκτων, κα οδν λαττον πντες οτοι ερνευσν τε κα ερηνεομεν πρς λλλους, κα διαφωνα τς νηστεας τν μνοιαν τς πστεως συνστησιν.

(Eusèbe, H.E., V, 24/13)

 

-      Le fait que l’évêque de Lyon parle ainsi au nom de ses frères semble indiquer qu’il exerçait un magistère sur les groupes de chrétiens en Gaule et a servi d’argument par la suite pour signifier la primauté du siège de Lyon sur les autres dans les Gaules.

 

des communautés, dont l'évêque était Irénée.

παροικιν, ς Ερηναος πεσκπει .

(Eusèbe, H.E., 23/3)

 

Irénée, il écrivit au nom des frères qu'il gouvernait en Gaule.

Ερηναος κ προσπου ν γετο κατ τν Γαλλαν δελφν πιστελας

(Eusèbe, H.E., 24/10)

 

-      La présence d’un baptistère au cœur du « groupe épiscopal » n’est pas propre à Lyon car il en subsiste de la même époque à Poitiers, Grenoble, Riez, Fréjus…, ou encore à Roanne, cité du diocèse de Lyon.

 

cuve baptismale octogonale

 

Conduites de 1973 à 1977 par Jean François Reynaud, des fouilles ont mis à jour trois édifices religieux distincts constituant le « groupe épiscopal » du IVème siècle :

 

-      Au Sud, la cathédrale primitive à l’emplacement de l’actuelle, mais sur une surface plus petite, sans doute édifiée sur une église plus ancienne sous l’épiscopat de Patient (451-491).

-      Au Nord, l’église Sainte-Croix, difficile à dater.

 

-      Entre les deux le baptistère.

Au IVème siècle sont construites une petite salle carrée avec une abside, et en son centre une cuve octogonale, une salle plus grande chauffée par le sol, et d’autres pièces.

L’ensemble est réaménagé aux VIème et VIIème siècles et devient l’église Saint-Etienne.

Au XIème siècle, il est remplacé par une petite église en forme de croix, qui sert aux offices célébrés par les chanoines-comtes de Saint-Jean.

 

La disposition architecturale de ce baptistère reprend donc celle du baptistère Saint-Jean du Latran à Rome. Il reste quelques vestiges des fondations de la première église Saint-Jean, de l’église Saint-Etienne et de l’église Sainte-Croix.

 

L’abside de l’église Saint-Etienne, qui englobait le baptistère, était décorée d’une peinture murale évoquant les Martyrs et l’Apocalypse d’après le « titulus » de FLORUS (795-860) qui l’accompagnait et dont le texte nous est parvenu, à moins que ce ne soit un titulus de l’abside de la première église dédiée à saint Jean-Baptiste.

 

En effet, à cette époque, pour éviter des erreurs d’interprétations ou le développement de cultes inappropriés, les personnages représentés étaient identifiés par une légende, appelée titulus, souvent rédigée en forme de poème.

 

L’Eglise latine ne subit pas la fureur des iconoclastes ; cependant on constate qu’au IXème siècle on redoute que des traditions païennes sans doute encore vivaces ne ramènent certains chrétiens à l’adoration des idoles. C’est pourquoi plusieurs traités sont écrits alors : les images religieuses, assurent-ils, ne sont là que pour évoquer l’histoire du passé et les saints, et pour embellir les murs, mais non pour être adorées.

(DESCHAMPS, THIBOUT, 1951, p.10)

 

Aussi ont-ils gardé les antiques images peintes ou sculptées des saints…, mais c’est pour des raisons historiques, pour se souvenir, non pour adorer.

Habuerunt namque et antiqui sanctorum imagines vel pictas vel sculptas… sed causa historiae, ad recordandum, non ad colendum.

(AGOBARD, Libra contra eorum superstitionem qui picturis et imaginibus sanctorum adorationis obsequium deferendum putant, §.32, in MIGNE J.P., 1851, S.Agobardi, Lugdunensis episcopi…, col.225)

 

La peinture que décrit FLORUS reprend des figures présentes dans d’autres églises, où on peut encore les voir, comme l’Agneau et les quatre fleuves dans les chapelles de Saint-Chef (Isère), l’Agneau et le Christ en gloire dans la crypte de Ternand (Rhône).

 

Florus de Lyon compose le titulus d’une abside où l’on voyait, au-dessus des images des martyrs, le Christ dans sa gloire, les symboles des Evangélistes, les quatre fleuves du Paradis, et Jérusalem avec l’Agneau.

(DESCHAMPS, THIBOUT, 1951, p.12-13)

 

 

Flori Lugdunensis Carmina XX, Titulus absidiae

 

Martyribus subter venerabilis emicat aula

Martyribus supra Christus Rex praesidet altus.

Circumstant miris animalia mystica formis,

Nocte dieque hymnis trinum inclamantia nomen.

Adstat Apostolicus pariter chorus ore corusco

Cum Christo adveniet certo qui tempore judex.

Vivaque Hierusales, agno inlustrante refulgens,

Quattuor uno agitat paradisi flumina fonte.

Pignoribus sacris clarus Baptista Joannes

Altare inlustrat, poscentia pectora purgat.

En dessous des Martyrs se dresse le sanctuaire,

Au dessus des Martyrs préside le Christ Roi.

L’entourent les Vivants aux allures merveilleuses,

Qui nuit et jour par des hymnes acclament le Nom trinitaire.

Le chœur des Apôtres se tient d’un coeur tremblant

Près du Christ qui au temps fixé viendra en juge.

Et la Jérusalem de vie, resplendissant de l'Agneau lumineux,

De la source du paradis fait sortir quatre fleuves.

Jean Baptiste étincelant de gages de sainteté

Illumine l'autel, purifie les cœurs implorants.

 

(in Monumenta Germaniae historica, Pœtæ latini ævi carolini, t. II, p. 548)

 

 

 

Le thème du baptême est encore présent avec, au centre de la place Saint-Jean, face à la Primatiale, une fontaine qui abrite une sculpture, réalisée en 1844 par Jean-Marie Bonnassieux, représentant Saint-Jean-Baptiste baptisant le Christ.

 

 

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

 

-      Flori Lugdunensis Carmina XX in Monumenta Germaniae historica, Pœtæ latini ævi carolini

 

-      De COLONIA Dominique, 1730, Histoire littéraire de la ville de Lyon, avec une bibliothèque des auteurs sacrés et profanes, volume 2, pp.151-152

 

-      BOITEL Léon, 1838, Lyon ancien et moderne

 

-      BARD Joseph, 1842, Statistique générale des basiliques et du culte dans la ville de Lyon, p.8, p.18

 

-      MIGNE J.P., 1851, S.Agobardi, Lugdunensis episcopi…,

 

-      DONNADIEU Alphonse, 1950, Le baptistère de Riez (Basses-Alpes), ses dispositions intérieures et les influences orientales de sa coupole, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 94/2, pp.159-167 

 

-      DESCHAMPS Paul, THIBOUT Marc, 1951, La peinture murale en France. Le Haut Moyen Age et l'époque romane

 

-      EYGUN François, 1964, Le baptistère Saint-Jean de Poitiers, Gallia, 22/1, pp.137-171

 

-      REYNAUD Jean François, 1975, Le groupe épiscopal de Lyon : découvertes récentes, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 119/4, pp.475-490

 

-      COLSON Jean, 1975, Lyon, baptistère des Gaules

 

-      PREVOT Françoise, 2003, La cathédrale et la ville en Gaule dans l'Antiquité tardive et le Haut Moyen Âge, Histoire urbaine 1/7), pp.17-36

 

-      COLSON Jean, 1993, Saint Irénée: Aux origines du christianisme en Gaule

 

-      Fouilles 1994, Groupe épiscopal de Marseille

 

-      REYNAUD Jean François, 1998, Lugdunum christianum, Documents d’archéologie française, vol.69, résumé, sommaire

 

-      INfoBretagne, La Cathédrale du VIème siècle et le Baptistère de Nantes

 

-      Inventaire général du patrimoine culturel, Le baptistère de Fréjus

 

-      MORENON Jean, Le Baptistère de Riez, pp.14-16

 

-      Musée de l’ancien évêché, Le Baptistère de Grenoble

 

-      ZeVisit, Aux origines de la chrétienté, document audio

 

-      Lyon historique, Le parc archéologique Saint-Jean

 

-      Vieux Lyon, Jardin archéologique

 

-      Google, Fontaine place Saint-Jean, Lyon

 

-      voir les notices sur PATIENT, FLORUS, Primatiale Saint-Jean, Baptistère de Roanne, Prieuré de Ternand

 

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