lettre du Pape Grégoire X
(conflit entre l’Archevêque et le Chapitre)
1274
Grégoire Evêque serviteur des serviteurs de Dieu pour perpétuelle
mémoire.
Le souvenir que nous avons d'avoir été
nourris dans le sein de l'Eglise de Lyon, qui nous a traités avec honneur comme
l'un de ses enfants, lorsque nous en étions Chanoine, a toujours excité dans
nous une affection filiale envers une si bonne mère. Mais maintenant qu'il a
plu à Dieu nous élever à la dignité Apostolique, et que nous nous voyons le
Père de cette Eglise aussi bien que de toutes les autres, nous rappelons
agréablement le souvenir des-bons Offices qu’elle a souvent rendus au Saint
Siège, et ceux dont la mémoire est encore fraîche, nous portent à lui témoigner
une affection paternelle, qui s'augmente de plus en plus. C'est pourquoi en
connaissant bien l'état, nous voyons l'urgente nécessité de lui procurer de
tous nos soins la paix et la tranquillité. Ainsi pour apaiser les querelles qui
s’étaient levées entre notre Vénérable frère l'Archevêque Aymar d'une part et
entre nos bien aimés fils le Doyen et le Chapitre de Lyon, et en particulier
entre Hugues Sénéchal et Henry de Villars Chantre de la même Eglise, que ces
querelles touchaient plus immédiatement, nous avons jeté les yeux sur divers
articles qui avaient causé beaucoup de troubles et semblaient menacer de plus
grands maux, auxquels pour obvier, nous avons offert notre entremise, et donné
des avis efficaces, et de fortes remontrances. C’est pourquoi ayant reconnu que
la Justice séculière qui s'exerce dans la Ville était l’occasion de tous ces
troubles, nous servant de l’autorité de Père, après avoir mûrement considéré
qu'il était plus à propos d’employer cette autorité envers des personnes, que
nous aimons comme nos enfants, et qui nous sont liées et unies dans un même
corps d’Etat et de profession Ecclésiastique et d'assoupir tous ces différends
par des traités faits à l'amiable, que par des procès et par des formes de
Justice, qui laissent ordinairement de l'aigreur entre les parties, nous avons
voulu terminer toutes ces querelles, et toutes les prétentions qu'on pourrait
avoir de part et d'autre pour la juridiction haute et basse, comme ils
disent ; d'autant plus qu'ils se sont volontairement soumis les uns et les
autres à notre volonté, jugement et décision par les compromis qu'ils nous ont
donnés et qu'ils ont jurés en cette manière :
Nous Aymar par la miséricorde de Dieu,
Archevêque de l'Eglise Primatiale de Lyon, et nous Hugues Doyen, et Chapitre de
Lyon, craignant que les différends qui étaient entre nous, ne fussent des
semences de discorde, comme il n'arrive que trop souvent par l'instigation du
Démon quand il y a des intérêts communs à démêler entre des frères, qui doivent
s'aimer ; après une mûre délibération, nous avons jugé qu'il valait mieux,
sans nous engager dans de longs et fâcheux procès, terminer nos affaires entre
nous, par le jugement d'un Père commun qui veut établir la paix entre ses
enfants. Ainsi pour aller au-devant de toutes les poursuites contentieuses qui
aigrissent les esprits, nous avons choisi volontairement de nous soumettre de
bonne foi et avec serment à tout ce qu'ordonnerait notre saint Père le Pape
Grégoire dixième, et de nous en tenir à ses décisions, déclaration, sentence,
et interprétations, sur toutes les demandes, droits, prétentions, oppositions,
qui pourraient être entre nous conjointement, ou séparément, une ou plusieurs
fois, de gros en gros, et l'amiable, sans observer les formes ordinaires de
justice. En foi de quoi nous Archevêque, Chapitre, et Doyen, et nous Hugues
Sénéchal et Henry de Villars Chantre de l'Eglise de Lyon, promettons autant que
l'affaire nous touche, ou peut nous toucher, d'acquiescer et d’observer
ponctuellement tout ce qui sera ordonné, ce que nous avons autorisé par
l’apposition de nos sceaux.
Fait à Lyon dans l'Octave de saint Laurent
l'an 1274.
C’est pourquoi Nous, tant en vertu du pouvoir
que nous donne l'autorité Apostolique que de cette soumission, déclarons que la
juridiction temporelle dans la Ville de Lyon appartient à l'Archevêque, et pour
une partie au Chapitre, à raison du droit que le Chapitre a acquis du Comte de
Forez à titre de Comté ; mais, parce que jusqu’à présent à raison de cette
diversité de droits il y a eu diverses Cours dans la Ville, et que ce concours
de juridictions non seulement empêchait le cours de la Justice mais causait aux
sujets de grandes incommodités et multipliait leurs charges, quand il fallait
pour un même contrat ou pour le même crime ou excès commis paraître devant
divers tribunaux, être tirés en divers jugements, et donner en divers lieux des
gages ou des cautions, et enfin souffrir d'autres inconvénients, d'où naissent
des scandales, des guerres, des séditions, des meurtres, et autres semblables
périls. Nous, dis-je, voulant ôter ces occasions de troubles et d'inconvénients
fâcheux, et faire cesser les divisions qui pouvaient naître entre les parties
pour ce conflit de juridictions, et pourvoir au repos desdits sujets,
ordonnons, déclarons, et établissons qu'il n'y ait dorénavant qu'une seule Cour
séculière dans ladite Ville, et que l'exercice de cette juridiction soit
totalement à l'Archevêque qui sera pour lors.
Et voici la forme en laquelle nous ordonnons
que cette Cour soit réglée, à savoir que l'Archevêque institue un Courrier
Recteur ou directeur de la Cour, un Prévôt, ou de tel autre nom qu'il voudra le
nommer, Juge ou Juges, et un garde des sceaux, et qu'il les institue dans le
Chapitre de Lyon, après avoir requis le Conseil, le consentement de ceux qui
s'y trouveront après la convocation dudit Chapitre faite à la manière
ordinaire, s'ils veulent bien consentir à cette institution le jour que
l'Archevêque se transportera au Chapitre pour en faire la proposition, sinon
qu'il s'y rende un autre jour pour chacun des Offices de Courrier, de juges et
de garde des sceaux pour leur en présenter que le Chapitre agrée, ou le plus
grand nombre, et qui soient présentés à l'Archevêque pour les instituer dans le
Chapitre, dans l'espace de trois jours depuis la nomination de chacun de ceux
qui auront été présentés pour l'un de ces offices. Que s'il arrivait que
quelqu'un de ceux qui auraient été nommés par l'Archevêque vînt à n'être pas
présenté par le Chapitre, ou par le plus grand nombre des Capitulans, les trois
jours expirés, l'Archevêque pourra à sa volonté instituer ce jour-là même l'un
des trois qu'il voudra. Et l'on observera cette institution autant de fois
qu'il y aura changement ou nouvelle institution à faire. Lesdits Officiers
aussitôt qu'ils auront été pleinement institués jureront dans le Chapitre en présence
de ceux qui s'y trouveront, qu'ils exerceront fidèlement leurs Offices au nom
de l'Archevêque et du Chapitre, pour le bien commun, selon la forme et teneur
de leur Juridiction. Quant aux Bedeaux, et autres moindres Officiers,
l'Archevêque les instituera par lui-même, ou par le Courrier, et les Juges
comme bon lui semblera, et ils jureront pareillement d'exercer dûment et
fidèlement leurs Offices au nom de l'Archevêque et du Chapitre, tant pour eux
que pour le bien commun comme il a été dit à l'égard des Juges de la Cour.
A l’égard des émoluments de ladite Cour, nous
ordonnons par provision, décernons, et statuons que l'Archevêque à raison de la
partie qu'a le Chapitre dans ladite Juridiction, et, pour les émoluments de
cette partie, donne tous les ans audit Chapitre cent cinquante livres
Viennoises libres de toute charge, et sans en rien retrancher, quelque fort que
puissent avoir lesdits émoluments, lesquelles cent cinquante livres nous
défendons d'être assignées à titre de bénéfice à aucun particulier dudit
Chapitre. Mais nous voulons qu'à perpétuité elles lui appartiennent en commun,
pour les convertir au profit et besoins communs dudit Chapitre, comme il leur
semblera plus expédient. Nous voulons aussi, décernons et ordonnons que le même
Archevêque paie chaque année à notre bien aimé fils Hugues Sénéchal de Lyon à
titre de ferme perpétuelle durant sa vie et tant qu'il tiendra ladite
Sénéchaussée, la somme de cinquante livres Viennoises libres de toute charge,
et sans diminution, pour ce qu'il avait accoutumé de tirer sur les émoluments
de cette Cour, et que, lui venant à décéder ou à renoncer à ladite charge de
Sénéchal, elle demeure éteinte et supprimée pour toujours. Lesdites sommes
seront payées au Chapitre et au Sénéchal en cette manière : la moitié dans
l'Octave de la Nativité de Notre Seigneur, et l’autre moitié à la fête de la
Pentecôte. Pour tous les autres émoluments de la Cour, nous ordonnons que
l'Archevêque les ait seul pour en disposer à sa volonté, et qu'il en soutienne
aussi seul toutes les charges. Pour tout le reste ni le Chapitre ni le
Sénéchal, ni aucun autre à raison du droit acquis du Comte ou de quelque autre
manière, ne pourront y rien prétendre, ni quant à la Juridiction, ni quant aux
émoluments, ni avoir prison, ni sergents, ni exercer aucune Juridiction pour
cette dite partie. Cependant quant aux criées et publications elles se feront à
l'ordinaire au nom de l'Archevêque, du Chapitre, et du Sénéchal, tandis qu'il
tiendra la Sénéchaussée. Quant aux exceptions, et pour le maintien de la
justice, le Chapitre aidera l'Archevêque de ses conseils, et assistera à la
Cour quand il en sera requis. Et pareillement l'Archevêque sera tenu d'aider le
Chapitre de ses conseils et de le maintenir dans ses droits.
A l'égard des levées ou collectes nous
voulons et ordonnons que si l'Archevêque veut donner son aide aux levées
communes qui se feront dans la Ville, qu'il le fasse dans le Chapitre après
avoir demandé l'avis de ceux qui s'y trouveront ; pour les hommages et
fidélités des Seigneurs, l'Archevêque les recevra à la manière accoutumée, et
quand il se pourra faire commodément, il appellera quelques-uns du Chapitre
pour y assister.
Pour toutes lesquelles choses ci-devant
énoncées, nous nous réservons expressément le pouvoir d'interpréter, de
changer, d'ajouter, et sur les plaintes des parties d'ordonner, de pourvoir, de
définir et de statuer pleinement et librement comme il nous semblera plus
expédient.
Donné à Lyon l'onzième Novembre l'an
troisième de notre Pontificat.
DOCUMENTS
- Texte
traduit par MENESTRIER Claude François, 1696, Histoire
civile ou consulaire de la ville de Lyon, pp.333sq
- voir
notices sur AYMAR
ou ADHEMAR de Roussillon