institution de l’aumône
1123
Chaque fois que nous veillons à ce quelque chose de
digne reste bien ancré dans la mémoire de la postérité, nous ne connaissons pas
de manière plus appropriée à cela que de le noter par écrit.
C’est pourquoi Moi Humbald,
un évêque de l’Eglise de Lyon, avec les chanoines de cette Eglise et les
membres de cette Eglise qui résident généralement au chapitre de Lyon, je veux
que soit connu de tous les fils de la sainte Eglise de Dieu qu’alors que nous
traitions des besoins matériels dans un entretien très salutaire est venue,
sous l’inspiration de la grâce divine croyons-nous, la question de l’usage de
l’aumône.
Pour la raison qu’en ce temps présent une famine
soudaine et violente amaigrissait vraiment les pauvres du Christ, le clergé
aussi bien que le peuple de Lyon faisait des dons, sans modération, en espèce
et en nature, à Dieu pour qu’il l’adoucisse.
Prévoyant donc la venue d’une colère de Dieu égale à
celle-ci ou plus grave encore en raison des péchés des hommes, d’une commune
délibération des Frères et d’un identique désir, nous établissons que tous ceux
qui avaient alors ou auraient dans le futur des « honneurs »
d’Eglise, qu’on appelle Obéance, devront procurer la
nourriture au réfectoire avec l’obéance due aux
Frères, autant de jours que de mesures de froment, dites de mortantet,
ici de mornantet, ils verseront sans exception chaque
année pour la fête de Saint-Michel à l’aumônier institué en commun par
l’Eglise ; et de plus nous et nos successeurs, pour tout ce qui nous concerne,
devons-nous assurément appliquer notre zèle de manière plus spontanée à l’aumône,
aussi bien que nous menons à terme nos entreprises, sans dissimulation.
Que l’aumônier garde l’aumône reçue des Frères en
l’augmentant et l’augmente en la gardant ; que l’aumône ne soit dépensée,
en partie ou en totalité, pour quelque autre usage sans quelque nécessité,
mais, mise de côté avec confiance et dévouement, soit distribuée aux pauvres du
Christ en temps de famine.
Aussi pour que cette institution salutaire ne risque
pas à l’avenir d’être supprimée à l’occasion, ou modifiée, pour qui attenteront
à ce bienfait nous promulguons une sentence d’anathème ; pour qui le
garderont nous souhaitons un déluge de bénédictions confiant en la miséricorde
de Dieu.
La constitution de cette réserve reçoit un tel
assentiment des Frères que tous ceux qui étaient présents sous ma présidence
jurent la mettre fidèlement en œuvre et ceux qui l’ignoraient s’y emploient de
la même façon dans les sept jours après en être informés.
Est aussi établi que les futurs chanoines, dans le
serment de la fidélité à l’Eglise, jureront qu’ils garderont cette même manière
de faire.
Cette charte est actée d’un commun accord ratifié à
Lyon, en l’année 1123 depuis l’Incarnation du Seigneur, indiction 1.
Sous le règne du très glorieux roi Henri empereur
romain. En l’année 5 du pontificat de seigneur pape Calixte II.
De la main du chancelier Jean.
NOTES
obéance, bénéfice lié à une lourde charge (aumône,
etc.), qui s’avère donc plus honorifique que lucratif, appelé pour cela « honores ecclesiae »
aumône : obligation d’entretenir les pauvres qui
sont classés ainsi en pauvres religieux, veuves, orphelins, pupilles, pauvres
honteux et mendiants ; on distingue la « petite aumône »
quotidienne ou hebdomadaire et la « grande aumône » exceptionnelle
confiée à la garde d’un « aumônier »
DOCUMENTS
- Texte latin
o
MENESTRIER
Claude François, 1696, Histoire
civile ou consulaire de la ville de Lyon, Preuves xxiij
- DELARUE, 1790, Mémoire
historique et raisonné pour les bénéficiers perpétuels de l'Eglise de Lyon, p.142
-
COLLOMB Pascal, 1995, Les
statuts du chapitre cathédral de Lyon (XIIe-XVe siècle) : première
exploration et inventaire, Bibliothèque
de l’Ecole des Chartes, 153/1, pp.5-52
- voir Charte
de fondation de l’Eglise de Lyon (1251, XXI)
Il est aussi établi que tous ceux qui ont ou auront des
« honneurs » de l’Eglise, appelés obéances, doivent nourriture au réfectoire sur l’obéance due aux Frères, autant de jours qu’ils doivent
fournir de mesures de seigle, appelées mornantets, pour
la petite aumône déboursée chaque jour aux pauvres, et autant de mesures versées
chaque année sans exception à la fête de saint Michel à l’aumônier institué en
commun par l’Eglise ; l’aumônier doit fidèlement garder cette collecte, pour qu’elle
soit déboursée pour les pauvres en temps de famine, et pas dépensée pour un autre
usage, en partie ou en totalité. Et qui ne paye pas au temps institué par
l’Eglise soit exclu du chœur et du Chapitre.