Pierre Jay
1868-1947
Pierre
JAY naît dans l’Isère en 1848. Il est le neveu de Mgr SERVONNET archevêque de
Bourges.
Après
ses études littéraires, il entre comme journaliste au journal Salut Public, quotidien républicain,
conservateur mais libéral, selon la terminologie de l’époque, où il tient des
chroniques littéraires et artistiques, aux côtés de Joseph SERRE.
En
1897 ses prises de position en faveur de Dreyfus lui occasionnent quelques
heurts avec sa direction.
En
1903 il défend Loisy menacé de condamnation par Rome. Cette année-là il est
nommé rédacteur en chef.
Il a
des convictions républicaines libérales, qui sont jugées à l’époque
incompatibles avec des convictions catholiques à la fois par les anticléricaux
(Le Progrès à Lyon) et par les
catholiques intransigeants (Le Nouvelliste
de J.Rambaud à Lyon). Il veut la réconciliation de la pensée catholique avec la
pensée moderne marquée par les sciences.
De
par son expérience au Salut Public il
estime qu’un quotidien est trop soumis à des impératifs économiques pour être
le moyen approprié à la défense de telles convictions et mener le débat d’idées
qu’il souhaite.
Avec
des lyonnais de sensibilités proches des siennes, il a l’idée d’éditer une
revue hebdomadaire qui situerait les catholiques dans les débats de société de
leur temps non point comme partisans ni comme victimes, mais comme citoyens de
plein droit, libres de penser et d’agir, de dialoguer avec tous, de défendre
les plus pauvres face aux pouvoirs, de dire leur foi chrétienne et leur
attachement à leur Eglise. C’est sur ces bases qu’il va trois ans durant animer
Demain « organe hebdomadaire de critique et
d’action », « politique,
social, religieux », tout
en assumant ses responsabilités au Salut
public dans une période politique très tendue.
Lors
de la discussion de la loi de Séparation, il espère que des amendements seront
possibles grâce à un dialogue entre le Gouvernement et la Hiérarchie
catholique. Une fois la loi votée, il estime qu’elle ne constitue pas une
déclaration de guerre à l’Eglise mais modifie « les conditions d’existence extérieure du culte » (Le Salut Public, éditorial du 1er
février 1906).
Durant
ces années-là il se dépense sans compter, au risque de sa santé, comme le
signale à plusieurs reprises la revue.
L’interdiction
de Pie X de discuter avec le gouvernement français de l’application de la loi
de séparation de l’Eglise et de l’Etat et sa condamnation des « thèses
« modernistes » seront ressenties par lui comme des échecs.
En
1907 il arrête la parution de la revue qu’il ne parviendra jamais à rééditer.
Fatigué,
il cesse en 1917 ses fonctions au Salut
Public.
Il
quitte Lyon pour s’occuper de son entreprise agricole iséroise et revenir à ses
goûts premiers : les activités littéraires et artistiques.
Il
écrit à Léon CHAINE le 13 décembre 1935 :
Nous avons allumé un petit feu au cœur d’une vieille
forêt. (…)
Combien de chaires dans les séminaires et les
universités catholiques, combien de sièges épiscopaux, je n’en dis pas plus, sont
occupés aujourd’hui par nos anciens lecteurs, nos fidèles abonnés ?
Nous avons vécu un printemps et deux automnes. C’était
assez. Il nous fallait expier la faute de ceux qui naissent un quart de siècle
trop tôt et mourir pour l’avoir proclamé.
Tout est bien ainsi. La germination s’est faite en
toute tranquillité.
(cité par
BRUGERETTE, 1938, pp.267-268)
Il
meurt chez lui en 1947.
DOCUMENTS
- BRUGERETTE Joseph,
1935, Le Prêtre Français et la Société
Contemporaine. Vers la Séparation de l’Eglise et de l’Etat (1871-1908)
-
BRUGERETTE
Joseph, 1938, Le Prêtre Français et la
Société Contemporaine. Sous le régime de la séparation. La reconstitution
catholique (1908-1936)
-
POULAT Emile, 1969, «
Modernisme » et « Intégrisme ». Du concept polémique à l'irénisme critique,
Archives des sciences sociales des
religions,
27, pp. 1-28
- MAYEUR Jean-Marie,
1972, Catholicisme
intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne, Annales, Économies, Sociétés, Civilisations,
27/2, pp. 483-499
- COMTE Bernard,
1974, Un rassemblement de catholiques libéraux : la naissance à Lyon de la
revue « Demain », Les
Catholiques libéraux au XIXème siècle, pp.239-280
- WEILL Georges,
1979, Le
Catholicisme libéral en France (1828-1908) (texte intégral)
- FOUILLOUX Etienne,
1997, «
Intellectuels catholiques » ? Réflexions sur une naissance différée, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 53,
pp. 13-24
- PIERRARD Pierre,
1998, Les
Chrétiens et l’affaire Dreyfus, p.184sq (texte intégral)
-
SORREL Christian, 2003, Libéralisme et modernisme Mgr Lacroix (1855-1922). Enquête sur un
suspect
recensions par : Chauvin Charles, Esprit & Vie 2003/95 ; Perrin Luc, Archives des Sciences Sociales des Religions 2004/128 ; Laplanche François, Revue de l’Histoire des Religions 2005/2
- SORREL Christian,
2006, 1905–2005.
La séparation des Églises et de l’État en France entre mémoire et histoire, Université Lyon II.
- voir la notice sur Demain « organe hebdomadaire de critique et d’action », « politique, social, religieux
g.decourt