musée du diocèse de lyon

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bulle du Pape Alexandre III

confirmant la permutation de 1173

1174

 

 

 

 

 

Alexandre, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre fils bien aimé Guy, comte de Forez, salut et bénédiction apostolique.

 

 

L’Eglise de Lyon ayant trop souvent souffert de votre part de grandes afflictions, enfin, pour le bien de paix, entre vous et Guy votre fils d’une part, et, d’autre part, notre vénérable frère Guichard, archevêque de Lyon, légat du Saint-Siège, et nos fils bien aimés les Chanoines de Lyon, s’est faite une transaction confirmée par votre serment, que nous transcrivons mot à mot, telle quelle, afin qu'elle soit inviolablement observée à perpétuité.

 

 

 

Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, pour établir une paix stable et perpétuelle entre le Seigneur Guichard, archevêque de Lyon, et l'Eglise de Lyon, et Guy, comte du Forez, du consentement des parties s'est faite une permutation en la forme suivante.

 

 

Le Seigneur Archevêque et l’Eglise ont cédé au Comte tout ce qu'ils possédaient, ou d'autres en leur nom, au-delà de la Loire, à savoir les obédiences de Nervieu et de Souternon, jusqu'à Amions et Urfé, et au-delà si ces obédiences y avaient quelque droit, et tout ce qu'ils possédaient d’Urfé jusqu'à Cervières, et de Cervières jusqu'à Thiers, les revenus de Saint-Jean de La Vêtre étant réservés, tout en cédant au Comte le domaine du château de Rochefort que le Seigneur de Thiers possède au nom de l’Eglise.

 

Ils ont aussi cédé tout ce qu'ils avaient de droit au château de Saint-Romain du Puy, et de là jusqu'au Puy et l'Auvergne.

 

Depuis Amions aux frontières nord, tout ce que l'Archevêque et l'Eglise comme le Comte possédaient, lui est revenu de telle sorte que dans le territoire du Roannais, au-delà et en-deçà de la Loire, autant que le domaine des Seigneurs du Roannais s'étend, l'Eglise ne pourra ni acquérir de place forte, ni en fortifier aucune, à moins de la remettre au Comte, qui la tiendra alors de l'Eglise. L'Eglise pourra acquérir des champs pour établir des chanoinies ou pour des aumônes, pourvu que cela se fasse sans échange d’argent, et recevoir sur ses obédiences dîmes, gardes, vicairies et toutes autres choses relevant de l’obédience.

 

Au-deçà de Loire ils ont cédé au Comte depuis Balbigny et Pouilly jusqu'à Ville-Chenève, qui est aux frontières du comté, tout ce qu'ils avaient de droit dans le mandement de Donzy jusqu'au mandement de Chamousset, et du mandement de Cornillon jusqu’au mandement de Saint-Symphorien, de sorte que Maringes et Meys restent dans les frontières du comté, tout ce que l'Archevêque et l’Eglise possèdent, du mandement de Saint-Symphorien en-deçà de la Loire vers la terre du Comte, et au-delà de la Loire d’Amions et Urfé, et de Cervières jusqu'à Thiers et de Thiers jusqu'au Puy a été pareillement cédé au Comte.

 

Saint-Héand aussi et tout ce que l'Archevêque avait à Chevrières ont été cédés au Comte.

 

Châtelus et Fontanès sont dans les frontières du comté, sauf l'obédience de Grandmont que l'Eglise se garde.

 

Le serment de fidélité de Saint-Priest, et ce que tenait au nom de l'Eglise Gaudemar de Jarez, elle l’a aussi remis au Comte de sorte qu’il tienne de l'Eglise le château.

 

Le château de Fougerolles, et ce que Guichard de Jarez devait pour ce château, et ce que Brian avait de l’Eglise dans le château de Grangent, elle l’a cédé au Comte, sauf les droits tant de l'Eglise que du Comte à Sorbiers. Saint Jean de Bonne-Fonds, Saint-Genis, Villars et Saint-Victor ont été laissés à la liberté de l’Eglise.

 

Il faut cependant noter qu'en tout cela, l'Archevêque comme l’Eglise se sont réservé les églises, cédant au Comte les droits, royaux ou autres, et pareillement se sont réservé les rentes foncières des églises, avec offrandes et sépultures, et tout ce que l’on détermine appartenir de droit aux chapellenies, cédant au Comte les propriétés et l’ensemble de leurs revenus, dîmes et autres, excepté ce qui appartient aux chapellenies.

 

Pour tout ce que l’Archevêque et l'Eglise ont cédé au Comte, en retour, à l’occasion de cette permutation, le Comte Guy et son fils Guy, après avoir prêté serment, ont cédé à l’Eglise pour en jouir à perpétuité ce qui est détaillé ci-dessous.

 

C’est-à-dire tout ce que le Comte sur Lyon avait de droit, ou un autre possédait en son nom, et ce qui en dépendait.

 

Et aussi par-delà le Rhône tout ce qu'il possédait, ou un autre en son nom, de Vienne jusqu'à Anthon et Bourgoin, hormis la succession par droit d’héritage au nom des liens du sang, tout autre lien étant exclu.

 

Au-delà de la Saône, le château de Pérouges que Guichard d'Anthon possédait de lui en fief, et la moitié de Montaney que Pierre de Mont Luel avait de lui, et aussi Giry, qu’Hugues Le Déchaussé tenait de lui en fief, il les a cédés avec leurs fidélités.

 

En-deçà de la Saône, le château de Châtillon, et tout ce qu'il avait tant dans le château que dans le mandement, pour lequel le Seigneur du château doit hommage lige et serment de fidélité, le château d'Oingt jusqu'à Ville-Chenève et l'hommage et serment de fidélité qui sont dus. Chamousset aussi et le mandement, et hommage lige et sa fidélité, Iseron avec mandement et fidélité lige des Seigneurs.

 

Saint-Symphorien et le mandement restent dans les frontières de l'Eglise.

 

Grézieu et Argentière jusqu'au mandement de Meys, et aussi le fief du Seigneur de Riverie avec l'hommage et fidélité lige, il les a cédés à l'Eglise.

 

Le château de Riverie et le mandement, et tout ce qu’il contient jusqu'au mandement de Châtellus, est acquis dans les frontières de l’Eglise.

 

De l’Aubépin vers la terre du comté l’Eglise ne doit faire aucune fortification.

 

Pareillement Changy avec son mandement, et les deux forts de Saint-Ennemond avec ses mandements, sont dans les frontières de l’Eglise, sauf la route du Comte de la Croix du Mont-Violay jusqu’à Feurs.

 

Bérard de Pisaits et son domaine, il les a laissés à l’Eglise, à qui il doit hommage et fidélité. Tout ce qui est contenu du mandement de Rochetaillée jusqu'à Malle-Val est dans les frontières de l’Eglise, notament ce qu'Aymar de Fornay à Chavagnieu avait en fief du Comte, il l'a cédé à l’Eglise avec la fidélité.

 

Dans ces mêmes frontières le Comte a donné à l’Eglise le château de Montagny, et ce qu'il avait dans le mandement, et l'hommage lige et la fidélité, et ce qu'il avait à Félines, et tout ce que lui, ou un autre en son nom, possédait de droit dans ces frontières.

 

Or il faut savoir que dans les frontières de l'Eglise ainsi définies le Comte ne peut rien avoir ou acquérir ou fortifier, et, si par violence ou affront à l’Eglise il le faisait, cela deviendrait propriété de l’Eglise, et qu’il ne peut aider ou armer le bras contre l’Eglise d’aucun homme à lui demeurant dans les frontières de l’Eglise.

 

Pareillement l'Archevêque, ou l’Eglise, dans les frontières du comté ne peut rien fortifier ou acquérir, et ce qu’il acquérait ou édifierait deviendrait propriété du Comte, et cela au nom de l’Eglise, et l’Eglise, ou l’Archevêque, ne peut aider ou armer le bras contre le Comte d’aucun homme demeurant dans les frontières du comté, si ce n’est du glaive spirituel.

 

L'Eglise pourra acquérir sur les terres du Comte des champs à titre d'aumône ou au profit d’une chanoinie, mais sans déboursement d'argent.

 

Sur tous ces lieux l’Archevêque s’est réservé les droits archiépiscopaux.

 

Mais quiconque aura le château de Saint-Priest, ou de Rochetaillée, ou le Château-Roche, ou de Fougerolles, ou de Grangent, doit hommage lige & fidélité au Comte.

 

Pour ce que le Comte a donné à Brian dans le château de Saint-Ennemond et dans la plaine et le mandement, Brian le tiendra de l'Eglise et lui en rendra hommage et fidélité lige.

 

Que si, à l’occasion de cette permutation, on cherchait querelle ou guerre à l'une ou à l'autre des parties, celles-ci doivent se prêter un secours mutuel à leurs propres frais, sans réparation des dommages, de bonne foi et selon leur pouvoir ; et de toutes les manières elles doivent empêcher que, pour tout ce que contient cette permutation, le Comte ne soit excommunié ou sa terre soumise à interdit.

 

Il faut aussi savoir que le Seigneur Archevêque a promis au Comte et à ses héritiers d'observer exactement cette permutation, et que les Chanoines ont aussi prêté serment qu'à l'avenir ils ne recevront aucun chanoine qu'il n'ait prêté ce même serment, et qu’ils ne feront hommage et fidélité au futur archevêque qu’ils n’aient promis d’observer fermement tout cela.

 

En outre il faut savoir que le Comte doit foi et hommage lige à l’Archevêque, et qu’il est tenu à l’hommage et fidélité pour ce fief-ci : le Château de Fougerolles, la moitié de Grangent, le Château de Saint-Priest, Saint-Héand, Chambost, Poncin, Ville-Dieu, Nervieu, avec les dépendances. Et quand le Comte ou ses héritiers rendent à l'Archevêque foi et hommage, ils doivent promettre sous serment d'observer fermement tout ce qui est contenu en cette convention.

 

Le Comte pourra donner pour le repos de son âme les dîmes des lieux et des personnes religieuses du fief de l'Eglise, mais s'il les vendait à un autre, il doit recevoir de l'Eglise un fief équivalent à sa terre.

 

Le domaine de l'Eglise ne peut être séparé du comté.

 

Les chapellenies ne peuvent être réduites par les obédiences.

 

Entre Saint-Ennemond et La Tour, et Saint-Ennemond et Saint-Priest, ni l’un ni l’autre ne peut faire de fortification.

 

Nous voulons que soit connu de chacun qu’outre ce qui vient d’être dit, pour cette permutation, l'Eglise a donné au Comte onze cent marcs d'argent.

 

 

Fait l'an de l’Incarnation de notre Seigneur onze cent soixante-treize, sous le gouvernement du Pape Alexandre III, l’empire de Frédéric Empereur des Romains, le règne de Louis très pieux Roi de France.

 

 

 

Et donc, comme cette transaction a été faite du consentement des parties, nous la ratifions et la confirmons de notre autorité apostolique, et par ce présent écrit la plaçons sous notre patronage, ordonnant que nul homme n'ose altérer ou enfreindre cette page, ni s'y opposer. Que si quelqu'un présumait y donner la moindre atteinte, qu'il sache qu'il encourrait l'indignation du Dieu tout puissant et des Bienheureux Apôtres, Pierre et Paul.

 

Donné à Anagnie le premier avril.

 

 

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

-      PARADIN Guillaume, 1571, Mémoires de l’histoire de Lyon, ch. XXXVIII, pp.130sq, D’une permutation faicte, entre Guychard archevesque, & l’eglise & chapitre de Lyon, avec Guygue comte de Forest

 

-      LAMURE Jean Marie de, 1671, Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon…, p.307sq, Bulle du Pape Alexandre III (texte latin)

 

-      MENESTRIER Claude François, 1696, Histoire civile ou consulaire de la Ville de Lyon, Preuves, p.37, Bulle du Pape Alexandre III (texte latin, traduction française)

 

-      POULLIN De LUMINA Étienne Joseph, 1770, Histoire de l'Eglise de Lyon, pp.239sq

 

-      BRIAL Michel Jean Joseph, 1808, Recueil des historiens des Gaules et de la France, tome XV, document CCCLXXI, Lettre du Pape Alexandre à Guy, comte du Forez (texte latin)

 

-      FISQUET H., 1867, La France pontificale (Gallia christiana), Archidiocèse de Lyon, pp.247sq

 

-      voir notice sur la permutation de 1173

 

 

 

GLOSSAIRE

 

-      Chanoinie : bénéfice d’un chanoine

-      Chapellenie : bénéfice d’un chapelain

-      Fidélité : serment d’un protégé (vassal) à son maître (seigneur)

-      Fief : propriété concédée par le seigneur à son vassal

-      Hommage : devoir personnel du vassal envers son seigneur

-      Lige : exclusif de tout autre

-      Mandement : territoire sur lequel le seigneur exerce sa juridiction

-      Obédience : domaine dépendant d’un seigneur

 

 

(les orthographes choisies pour les noms de lieux évoquent les orthographes actuelles, pour autant que ces lieux soient identifiables ; Saint-Ennemond est l’actuel Saint-Chamond)