missions diocésaines
XVIè s.-…
(à compléter)
Pour
diffuser les idées du Concile de Trente (1545-1563) et contrer celles des chrétiens
issus de la Réforme, sont organisées des « missions » à destination
des laïcs pour les instruire de la foi catholique, parallèlement aux séminaires
qui forment des prêtres instruits. Animent ces missions des ordres religieux
rénovés comme les capucins, et des ordres nouveaux comme les jésuites, les
lazaristes, les oratoriens…
Une
mission se déroule ainsi : une paroisse accueille généralement pour un
mois un certain nombre de « missionnaires » qui viennent assurer des
instructions religieuses (les premiers leçons de catéchisme), de grands
sermons, des confessions privées, des cérémonies avec procession, des
communions solennelles, des installations de croix..., animées de cantiques en
langue française, de saynètes et peintures illustrant les mystères chrétiens.
*
Pour contrer l’Eglise constitutionnelle pendant la
Révolution, en l’absence de l’archevêque de Lyon demeurant à Paris, l'abbé
LINSOLAS organise en secret une soixantaine de « missions », chacune
regroupant environ cinquante paroisses sous la responsabilité de laïcs, hommes
sûrs désignés comme « chefs de paroisse » pour présider l’assemblée
en l’absence de prêtre, ou « catéchistes » pour assurer les liaisons
et l’accueil des prêtres « réfractaires », qui voyagent, sont
hébergés et célèbrent dans la clandestinité. Pour cela LINSOLAS s’inspire de
l’organisation des missions lointaines :
C'est par la ferveur et le zèle des catéchistes de la
Chine, du Tunquin et autres missions étrangères que
les missionnaires y soutiennent la catholicité au milieu des séductions
journalières, des persécutions fréquentes que le monde et le démon opposent de
concert aux progrès de la foi.
(instruction
du 8 février 1796)
*
Au XIXème
siècle, après le Concordat et surtout avec la Restauration, les diocèses connaissent
une ère de « rénovation spirituelle » par
l’essor des œuvres, le renouveau de l’art religieux, et en particulier des
missions paroissiales.
Dans
le triste état de désolation où se trouve la sainte Église, après un siècle d'impiété
où toute chair a corrompu sa voie, et l'irréligion pénétrée dans tous les lieux
et presque dans toutes les classes de la société, dont elle s'est comme
emparée ; car en ouvrant bien les yeux, qui ne juge pas que la société
entière est plutôt irréligieuse aujourd'hui que chrétienne ? Dans une si
pénible situation, qui, d'ailleurs, ne promet point si tôt d'heureuse fin, tant
le mal semble enraciné et l'opinion publique qui l'a protégé profondément
gâtée, que deviendront les choses, si la main toute-puissante d'une
miséricordieuse Providence n'amène bientôt parmi nous quelqu'une de ces œuvres
miraculeuses par lesquelles, plus d'une fois, le ciel a changé le inonde ?
(Pensée
Pieuse, in ZINDT, p.13)
C’est
dans ce contexte que naissent les « missions intérieures » en France,
et en particulier à Lyon.
*
Les Missionnaires
diocésains
Le Cardinal FESCH a le projet
d’une Maison qui abriterait des prêtres diocésains qui auraient à prêcher dans
tout le diocèse, à former des prêtres, à prêcher sur place des retraites
spirituelles, à prendre en charge la paroisse locale.
Après un premier essai en 1803
dans l’ancienne chartreuse de la Croix-Rousse, en 1807 il convainc l’abbé Rauzan de venir de Bordeaux constituer à Lyon les « Missionnaires de France » avec les abbés
Guyon, Miquel, Paraudier, Betemps,
Montagnier, Fauvette, Rodet, Pastre et Gagneur.
Une première mission se déroule
en la paroisse Saint-Just de Lyon qui s’achève par la pose d’une croix, devant
l’actuel lycée des Minimes, puis d’autres ont lieu sur sur
Lyon, à Bourg-en-Bresse, Feurs, etc.
En 1809 les
« missionnaires » prêchent le carême à la cathédrale Saint-Jean.
En 1809 le décret de Schoenbrunn supprime les « missions intérieures »
et les sociétés de prêtres les assurant. Le Cardinal nomme l’abbé Gagneur curé
de la paroisse Saint-Bruno-des-Chartreux, et lui adjoint plusieurs vicaires,
les abbés Fauvette, Montagnier, Durand, pour poursuivre les prédications aux
Chartreux et sur Lyon.
En 1814, le Cardinal doit s’exiler
à Rome et demande à son vicaire général BOCHARD de reconstituer les
« missionnaires diocésains ». Le projet fait l’objet d’un fascicule
diffusé dans les séminaires sous le titre de Pensée pieuse. Et pour éviter que les
séminaristes susceptibles de prêcher ces missions n’entrent dans des
congrégations religieuses vouées à la même tâche, BOCHARD obtient du Cardinal
l’accueil dès le
6 octobre 1814 dans la Maison des Chartreux des 11 premiers séminaristes par
les abbés De La Croix d’Azolette et MIOLAND du Grand
Séminaire Saint-Irénée et deux professeurs du Petit Séminaire de L’Argentière,
qui rejoignent plusieurs prêtres, dont André COINDRE et Mayol de Lupé. Les « Chartreux »
mènent une vie de communauté, non religieuse, et prêchent retraites et missions.
Le 11 juin 1816 est fondée une société
de missionnaires sous le nom de « société
de la Croix de Jésus ».
La première mission est donnée en la paroisse de
Saint-Sauveur-en-Rue (du 7 décembre 1816 au 7 janvier 1817), puis à Belleville-sur-Saône,
Saint-Germain-Laval, La Guillottière sur Lyon.
En 1824, l’abbé BOCHARD étant parti, Mgr Gaston Des
PINS, le nouvel administrateur du diocèse, dissout la Société
de la Croix de Jésus
du diocèse.
En
1833, le 4 octobre il reconnaît une société de missionnaires diocésains sous le
nom de Pères associés de Saint-Irénée, appelés
souvent les Chartreux de Lyon, dont Jean Antoine BISSARDON est le
premier supérieur, qui poursuivent l’activité de prédication de « missions
paroissiales ».
*
Les
Missions paroissiales
Une mission
paroissiale se déroule ainsi : des prédications à but moral, des offices, des processions, et en conclusion l’érection
d’une croix de mission. Elle est
animée par des prêtres « missionnaires » soit diocésains (les « Chartreux ») soit religieux (capucins, lazaristes…). Elle est préparée par le clergé local et fait l’objet
d’un financement propre.
Une
mission exige des frais de toutes sortes, aussi une mission n'est-elle jamais
donnée qu'en suite d'une aumône charitable. Beaucoup de pieuses personnes,
témoins du bien causé par une mission, convaincues que les missions sont des
Œuvres vitales pour la conservation de la foi dans les paroisses, ont fondé des
missions. Fonder une mission, c'est verser d'avance un capital, dont les
intérêts accumulés de dix, ou douze, ou quinze ans permettent de faire face aux
frais nécessités par une mission, qui désormais se renouvellera pour cette même
paroisse tous les dix, douze ou quinze ans.
D'autres
personnes, soit parce qu'elles n'ont pas une raison spéciale pour s'intéresser
à telle paroisse plutôt qu'à telle autre, soit parce qu'elles sont guidées par
un motif plus délicat et plus surnaturel, fondent une mission sans désigner la
paroisse qui en bénéficie, laissant aux Supérieurs le soin de la désigner.
C'est une excelle manière de faire l'aumône aux paroisses nécessiteuses.
Les
conditions de fondation sont très variables; le chiffre de la population, le
nombre de missionnaires, le temps que durera la mission, le taux de l'intérêt de
l'argent sont autant de facteurs essentiels.
(VACHET Adolphe, p.244)
Le nombre de « croix de mission » et de
plaques commémoratives permet de voir l’importance de ce type d’action
pastorale.
Les
missions sont un autre moyen largement employé pour approcher les adultes. Plus
d'une route de campagne est encore ornée aujourd'hui de croix ou de statues
posées à cette occasion, dont les plus récentes remontent aux années 1950.
Prêchées par des clercs étrangers à la paroisse, elles se déroulent sur
plusieurs jours, donnent lieu à des processions, à des journées de confessions
et laissent souvent derrière elles, outre quelques monuments commémoratifs, des
confréries, ou ce qu'on nommerait aujourd'hui des « groupes de
prière » plus actifs. Elles ont le grand mérite de présenter à des
communautés encore relativement fermées sur elles-mêmes un autre visage de
l'Église que celui de leur prêtre paroissial.
(HERVOUET, 2009, p.97)
Au XXème siècle ces missions qui réveillent
l’ardeur spirituelle des paroissiens et leur assiduité aux offices,
s’accompagnent de visites à domicile, de réunions de hameaux ou de
quartiers ; ainsi s’esquisse une pastorale plus « spécialisée »
adaptée aux différentes couches de la population.
*
Après la seconde guerre mondiale, les enquêtes de
pratique religieuse viennent aider à affiner cette pastorale visant des
populations plus ou moins éloignées de la foi chrétienne et de l’Eglise. Le
terme de « mission », à la suite de l’ouvrage de Daniel et Godin paru
à Lyon en 1943 France, pays de
mission ?, est employé non seulement pour définir la
« propagation de la foi » en Asie et Afrique, mais aussi dans les
banlieues urbaines : la « Mission
ouvrière » est une pastorale d’ensemble réunissant paroisses et
mouvements, comme la « Mission
rurale » dans les territoires non urbanisés.
*
Pour diffuser les idées du Concile du Concile de Vatican II (1962-1965)
on n’organise pas de « missions paroissiales » mais des conférences
données par les évêques et théologiens du concile dans les villes du diocèse,
en parallèle des sessions de « recyclage » du clergé ; on
instaure des services diocésains spécialisés (liturgie, œcuménisme…) qui
veillent sur la bonne application des réformes issues du concile.
*
A la fin du XXème siècle, sont à nouveau organisées, souvent
par des prêtres de « communautés nouvelles » prenant en charge les
paroisses, des « missions » paroissiales conçues comme des événements
qui cherchent à réveiller l’ardeur des fidèles en donnant une visibilité à
l’action des communautés.
DOCUMENTS
- DESGEORGES, 1871, La
Vie de Mgr MIOLAND
-
VACHET Adolphe, 1900, Lyon et ses œuvres, Missions
diocésaines
-
ZIND
Pierre, 1969, Les nouvelles congrégations
de frères enseignants en France de 1800 à 1830, thèse à l’Université de
Lyon (extraits)
- MAS Gabriel, 2007, Le Cardinal de Bonald et la question du travail (1840-1870), L’élite
intellectuelle du clergé et les proches collaborateurs de l’archevêque :
les “Chartreux”
et les vicaires généraux
- HERVOUET Thomas, 2009, Paroisse
et mission chrétienne en France à l’époque contemporaine, in MOENS Jean Luc (éd.), 2009, Paroisses et nouvelle évangélisation,
- Paroisse
Saint-Bruno-des-Chartreux, Le Cardinal
Fesch et la Maison des Chartreux à Lyon
- voir la notice de J.HOURS sur Les
Laïcs dans les Missions de Linsolas, 1796
- voir les notices sur le
cardinal FESCH, LINSOLAS,
Gaston Des PINS, BOCHARD, COINDRE, la Société
des prêtres de Saint-Irénée, , la Société de la croix de Jésus, les
Croix monumentales, les Croix du Forez
g.decourt