réunion
du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue au Collège de Tournon par le Pape Paul V
1607
Paul, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, au bien
aimé Official de Vienne,
salut et bénédiction apostolique.
Appelé au suprême degré de la dignité apostolique par
la volonté divine, en dépit de nos médiocres mérites, jour après jour nous
veillons avec empressement à ce que soient correctement soutenus les fidèles,
surtout ceux qui suivent un enseignement général dans les académies
universitaires, où ils étudient les Saintes Ecritures, qui éclairent le monde
et dont l’enseignement produit des fruits abondants dans le champ du Seigneur :
œuvres brillantes et vies exemplaires.
A ceux qui poursuivent ces études avec assiduité nous
accordons notre bienveillance, une aide et un secours efficaces autant qu’il
nous est donné d’En-Haut, répondant ainsi aux vœux des fidèles, nobles et
autres, qui nous demandent de veiller dans le Seigneur à leur accorder de
bonnes conditions d’études.
C’est pourquoi le prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, de
l’ordre de saint Benoît, au diocèse de Vienne, dans la province du Dauphiné,
que notre cher fils Antoine Portal, prêtre de Vienne et d’autre cité et
diocèse, possédait en commende par concession apostolique, Antoine aujourd’hui
le remet entre nos mains, de sa libre volonté, avec tout ce qui revient à ce
prieuré de droit, par décision de justice ou de toutes les manières possibles.
Et nous décidons qu’il nous soit remis sans plus attendre, puisqu’il est libre
de commende dès à présent.
Nous suivons en cela la requête qui nous a été faite
par nos bien-aimés fils, le noble Just-Louis de Tournon, comte de Roussillon et
seigneur de la ville fortifiée de Tournon, au diocèse de Valence, et Claude
Acquaviva, préposé général de la Société de Jésus, en ces termes :
Autrefois François, cardinal de la sainte Eglise
Romaine, et primat des Gaules, de bonne mémoire, ayant suffisamment de moyens,
érigea et institua l’académie universitaire d’études générales de Tournon, en
lui attribuant une dotation de biens et revenus.
Et ensuite ce même cardinal François donna la direction
et la gestion de cette académie universitaire aux Pères de la Société, car ils
inculquent de si bonnes mœurs à la jeunesse et d’amour des disciplines
générales qu’ils produisent des fruits abondants dans la vigne du Seigneur,
Cependant il s’avère que cette académie universitaire
n’est pas suffisamment dotée de biens et de revenus jusqu’à ce jour pour
suffire à l’entretien de leurs recteurs et des autres personnes qui ont la
charge d’enseigner les arts libéraux et les sciences supérieures, et à d’autres
charges qui leur incombent.
Il serait donc opportun que ce prieuré, avec toutes ses
annexes et dépendances, soit réuni et incorporé à cette académie universitaire
pour complément perpétuel de la dotation première, afin d’améliorer son
développement et l’entretien de son recteur, des directeurs et des autres
collègues, sans que cela ne porte préjudice à ce prieuré dans son office divin.
C’est ainsi qu’il nous fut humblement demandé par le
comte Just-Louis et le préposé Claude, que, étant donné que les ressources,
revenus et gains des dépendances de ce prieuré et de ses annexes ne dépassent
sans doute pas la valeur de 500 ducats d’or de Camère,
selon une commune estimation, et qu’Antoine Portal a suffisamment de quoi vivre
par ailleurs, nous estimions juste de réunir ce prieuré à cette académie
universitaire, jetant par là un regard bienveillant sur son passé.
Nous, qui avons voulu et ordonné récemment, entre
autres choses, que ceux qui demandent la réunion de bénéfices ecclésiastiques à
d’autres, s’appliquent à bien donner la vraie valeur du revenu annuel selon
l’estimation commune, sans quoi la réunion ne vaut rien, nous signifions par
les présentes, pour garantir leur effet et pour les autres
réunions qui auraient pu être faites à cette académie universitaire jusqu’ici,
ou le seraient, même en cas de réserve générale, que nous absolvons le comte Just-Louis, en tant que petit-fils et héritier
du frère du cardinal François, et le préposé Claude, ensemble et séparément, et nous voulons qu’ils
soient réputés absous de toute peine d’excommunication, suspense, interdit, et
autres sentences ecclésiastiques, censures et peines, de droit ou infligées par
quelqu’un ou par jugement, qu’ils auraient encourues.
Selon ce qui nous a été demandé, par ces écrits apostoliques
nous laissons à ta discrétion que ceux dont nous venons de parler prennent
l’habitude, en ce qui concerne ce prieuré, qui n’est pas un couvent électif
mais dépend pour le moment en titre et en commende du monastère Saint-Robert de
l’ordre de la Chaise Dieu, au diocèse de Clermont, de verser annuellement une
somme d’argent et de procurer une quantité de vin et de blé suffisante pour la
nourriture et l’habillement de 3 ou 4 moines résidents en ce lieu pour assurer
les offices divins, puisque la cure d’âmes est confiée d’ordinaire à un vicaire
perpétuel.
Comme un bien est vacant de plusieurs manières :
libre résignation à la Curie romaine, ou hors d’elle, passée devant notaire
public et témoins, application de la constitution « Execrabilis »
du pape Jean XXII, notre prédécesseur d’heureuse mémoire, acquisition d’un
autre bénéfice ecclésiastique réuni par l’usage, et comme ce prieuré est vacant
depuis tant de temps que sa réunion est légitimement dévolue au siège
apostolique, d’après les statuts du Concile Latran, celui-ci entre donc dans la
réserve spéciale du Siège Apostolique, ainsi que la cure d’âmes
juridictionnelle, et nous voulons aussi que soit expressément établi par les
présentes qu’il reste en attente, à condition qu'au moment de la date des présentes,
personne n'ait acquis un droit spécial
sur lui.
Avec l’accord de Nicolas de Neuville, abbé
commendataire du monastère, nous voulons que la cure d’âmes, attachée au
prieuré, soit séparée en totalité du prieuré et transférée dès maintenant à un
vicaire perpétuel, avec annexes, droits, juridictions, dîmes, cens, biens et
dépendances, et que ces réunions, annexions et incorporations de par notre
autorité à jamais servent, en complément de dotation à cette académie
universitaire, à l’entretien du recteur, des lecteurs et des collègues qui
résident en ce lieu, de sorte que, si cette réunion, annexion et incorporation,
grâce à toi s’accomplissait par la force des présentes, après leur réalisation,
le recteur et les collègues, puissent, par lui-même ou d’autres personnes,
entrer en possession corporelle, réelle et actuelle du prieuré, des annexes,
des droits et dépendances, et jouir en propre et librement dès maintenant de
ces biens à jamais, et de leurs ressources, revenus, récoltes, droits, juridictions,
dîmes, cens, et percevoir obventions et émoluments de
ces biens où qu’ils soient, les réclamer ou les diminuer, s’en servir pour eux
et pour l’usage et le profit de cette académie universitaire, sans avoir à
demander la permission au Siège diocésain ou à quiconque.
Le recteur et les collègues auront à s’acquitter
annuellement de 300 livres en monnaie de Tours, ou bien d’une somme de cent
écus d’or environ, pour l’établissement de deux maîtres nommés par le recteur
et les collègues au château de Saint-Sauveur, au diocèse de Vienne, pour
assurer sans discontinuer l’enseignement de la grammaire, des lettres et des
rudiments de la foi aux enfants du lieu, pour l’entretien convenable des
moines, qui résident au prieuré pour y assurer les offices divins, et
pareillement verser au vicaire perpétuel une portion annuelle de pas moins de
cent ducats, et s’acquitter des autres charges habituelles et coutumières de ce
prieuré.
Le recteur, les collègues et les personnes de cette
académie universitaire doivent trouver chaque année 300 livres en monnaie de
Tours, par l’achat, toutes les fois qu’ils le jugeront bon, de biens propres ou
de quelque source de revenu fixe annuel avec l’argent économisé par
l’exemption, la libération et la suppression de taxes, et ainsi constituer avec
tout autre bien sûr de quoi verser ces 300 livres.
De par notre autorité nous décidons que les présentes
lettres ne soient jamais inclues dans des révocations, suspensions,
limitations, dérogations de grâces, semblables ou différentes, ou en d’autres
dispositions contractées, mais qu’elles en soient toujours exceptées, et que toutes les fois où elles seront publiées
elles restent dans leur état premier et souverain, mais aussi qu’elles soient
réinscrites, replacées et réintégrées entièrement dans toute donation
postérieure que les recteurs et collègues n’importe quand choisiraient de
faire, et qu’elles ne puissent être soumises aux décisions de justice de juges
ordinaires, d’auditeurs délégués des causes du Palais apostolique ou de cardinaux
de l’Eglise romaine.
Nonobstant la volonté et les dispositions
du dernier concile du Latran, prohibant les démembrements perpétuels, si ce
n’est dans les cas prévus par le droit, et
celles du pape Boniface VIII notre prédécesseur de pieuse mémoire ;
nonobstant les autres normes fixées dans des conciles universels, provinciaux
et synodaux, des édits spéciaux ou des constitutions générales, même si cela
est confirmé par serment, du monastère et de son
ordre, par confirmation apostolique ou quelque autre confirmation ;
nonobstant les statuts, coutumes, privilèges, indults et lettres apostoliques
de supérieurs hiérarchiques, sous quelques
teneurs, formes et clauses, même dérogatives ou plus
efficaces et inhabituelles ; nonobstant aussi d’autres décrets en général
et en particulier qui iraient à leur encontre.
De propre mouvement, de science certaine
et par la plénitude de la puissance apostolique, pleinement, spécialement et
expressément, pour cette fois seulement et pour l’effet des présentes et la
validité de tout ce qui précède, nous dérogeons aux privilèges, indults et
lettres apostoliques, accordés par tout supérieurt et
autret personnet, d’une
manière générale ou particulière, sous quelques teneurs, formes et clauses,
même dérogatives et autres plus efficaces, très
efficaces et inhabituelles, mais aussi aux décrets d’annulation et autres
contredisant ce qui précède, même rendus consistorialement, approuvés,
confirmés et renouvelés qui seraient contraires à tout cela. Et, bien que pour
une dérogation suffisante il fallût faire non une mention générale en termes
généraux équivalents, mais une mention spéciale, expresse et complète de toutes
leurs teneurs, et quoiqu’il y eût une autre expression à employer et une autre
forme particulière à observer, nous considérons ces teneurs comme pleinement et
suffisamment exprimées dans les présentes, comme si elles y avaient été
insérées en entier et mot à mot, pour qu’elles conservent toute leur force,
quand bien même une mention spéciale dans ces mêmes lettres serait exigée pour
quelque autre indult, général ou particulier, qu’elle qu’en soit la teneur,
qui, faute d’être cité ou inséré en entier dans ces présentes lettres pourrait
en empêcher ou retarder l’effet.
Nous voulons qu’en raison de cette réunion, annexion et
incorporation, quand celles-ci s’accompliront telles qu’il vient d’être dit,
grâce à toi et par la force des présentes lettres, le nombre des moines et
ministres assurant à l’ordinaire le culte divin dans ce prieuré ne soit en
aucune manière diminué, mais que les charges habituelles du prieuré soient
convenablement assurées.
Nous déclarons dès à présent nul et non avenu ce qui a
été dit ci-dessus, s’il arrivait qu’une quelconque autorité, sciemment ou par
ignorance, parvenait à modifier ces décisions.
Donné à Saint-Pierre de Rome, en l’année de
l’Incarnation du Seigneur 1607, le treizième jour des calendes de mai, la
seconde année de notre pontificat.
TEXTE LATIN
- CHARPIN-FEUGEROLLES,
GUIGUE M.C., 1881, Cartulaire de
Saint-Sauveur-en-Rue
comprenant des chartes de 1061
à 1281, des documents extraits de la
Copie des liasses du Chartier de Saint-Sauveur de 1258 à 1607, une notice
historique et la vie de saint Robert
(texte lacunaire, transcription parfois
imparfaite, avec des locutions juridiques propres à la Chancellerie ► traduction
incertaine)
DOCUMENTS
- BONIFACE VIII,
1301, bulle Ausculta filii au roi Philippe IV le Bel
- JEAN XXII, 1317,
bulle Execrabilis (et non pas Exorabilis comme il est
transcrit)
- CASTEL Pérard François, NOYER Guillaume, 1693, Traité
sommaire de l'usage et pratique de la Cour de Rome pour l’expédition des
signatures et provisions des bénéfices de France
- EVENNETT Henry
Outram, 1936, Pie
IV et les bénéfices de Jean Du Bellay. Etude sur les béénéfices
français vacants en curie après le concordat de 1516, Revue d'Histoire de l'Église de France,
22/97, pp.425-461
- CAILLET Louis, 1975, La
papauté d'Avignon et l'Église de France : la politique bénéficiale du pape Jean
XXII
- voir notice sur le
cardinal François
DE TOURNON
NOTES
- vicaire perpétuel : prêtre
desservant une église dont le curé, dit curé
primitif, est une communauté religieuse ; est nommé par le curé primitif qui le rémunère ;
reçoit de l’évêque diocésain le pouvoir juridictionnel de la cure d’âmes ; est inamovible
contrairement au vicaire ordinaire.
- collegialis : personnel du
collège, traduit ici par collègue
- obvention : bien dont le revenu sert couvrir les
besoins ordinaires sans enrichissement
- disciplines libérales : grammaire, rhétorique,
dialectique, arithmétique, musique, géométrie, astronomie
- livre en monnaie de Tours : une livre
de Tours, ou tournois, vaut environ 3 écus d’or
- Just
Louis de TOURNON (1568-1617) :
est fils de Just II, petit-fils (et non arrière comme il est transcrit avec pronepos) de
Just I, frère de François de TOURNON (appelé dans la transcription sanctae Romanae ecclesiae cardinalis de Camus)
- Claude Acquaviva, préposé général de la Société de Jésus de 1581-1615
- Nicolas de Neuville (Neufville
de Villeroy) est fils du secrétaire d'État du roi
Henri IV qui le nomme abbé commendataire de l’abbaye de la Chaise-Dieu en 1597
- le treizième jour des calendes de mai: les calendes de
mai débutant le 1er mai, avril ayant 30 jours, le 13ème
des calendes est le 19 avril