Défense
de la liturgie de Lyon par MM.***
Boué,
Bissardon, Vincent
En
1864 paraît l’ouvrage Défense
de la liturgie de Lyon par MM.***. Il est mis
à l’index dès le 30 avril sous la dénomination Défense de la liturgie de Lyon par MM.***, à propos d’un pamphlet
contre mmrr. les curés de Lyon…
En
effet cet ouvrage est une réplique à des ouvrages qui accusent le clergé
diocésain de refuser des modifications de la liturgie diocésaine. Il est écrit
par trois prêtres diocésains curés de paroisse sur Lyon :
- BOUE,
Saint-Martin-d’Ainay,
-
BISSARDON,
Saint-Bruno-des-Chartreux,
- VINCENT,
Saint-Pierre-de-Vaise.
Il
sort de l’imprimerie de Jean-François Chanoine, fondateur du journal
républicain Le Progrès en 1859.
L’OUVRAGE
Le
but de l’ouvrage est clairement défini dès le premier paragraphe :
La plupart des liturgistes anciens et nouveaux, simples
écrivains, évêques, souverains pontifes, ont manifesté combien ils redoutaient
les changements de liturgie, les regardant toujours comme chose difficile et
dangereuse. C'est ainsi que le savant pape Grégoire XVI dissuadait un
archevêque de France de quitter le rite de son diocèse pour prendre le romain
en face de certaines oppositions : « Et vous aussi, vous comprendrez
combien c'est chose difficile et ardue de déraciner un usage qui s'est fortifié
par une longue durée ; comme nous craignons qu'il résulte de là de graves
divisions, nous jugeons qu'il est convenable de ne pas presser la réalisation
de cette affaire.
Tu quoque intelligis quam difficile arduumque sit morem
illum convellere, ubi longo apud vos cursu insolevit, atque hinc nobis graviora
inde dissidia reformandibus, abstinendum in proesens visum est a re plenius
urgenda (Bref de Grégoire XVI à l’archevêque de Reims, 6 août 1842).
(p.1)
L’ouvrage
s’annonce comme une démonstration de la justesse de cette liturgie et une
supplique adressée au Pape au nom des diocésains.
On peut juger de la douleur profonde que ressentirait
l'église de Lyon de la perte de sa liturgie par le sentiment d'amertume qui
s'est emparé de toutes les âmes à la première crainte fondée de la substitution
d'une autre liturgie à celle de Lyon ; ce n'était pas une tristesse ; c'était
une désolation ! Depuis un an que la crainte dure, la désolation se propage et
s'aggrave ; ce sont les gémissements de Rachel qui pleure et qui ne veut pas
recevoir de consolation. (Saint Math. III.)
Lorsque tout à coup, sans ordre du Souverain Pontife,
sans décision connue de Mgr le cardinal-archevêque de Lyon, on vit une
commission chercher à se former pour composer un propre, comme font les
diocèses qui adoptent le romain, lorsqu'on sut que quelques directeurs du
séminaire diocésain commençaient à donner le bréviaire romain aux lévites
lyonnais, qu'ils le prenaient eux-mêmes, on crut à un mot d'ordre donné, et
parti, on ne savait d'où, pour opérer le plus promptement possible la
substitution de la liturgie romaine à celle de Lyon, sans bruit, sans
agitation, sensim ac sine sensu, comme on ne craignait pas de le dire.
Aussitôt un cri s'éleva de tous les coins du diocèse ;
le chapitre primatial, à la majorité de huit voix contre deux, fit acte
d'opposition canonique à toute mutation dans la liturgie lyonnaise. Les curés
de Lyon réunis en conférence sous la présidence de droit de Mgr l’archevêque et
sous celle de fait de son délégué ordinaire, s'adressèrent à Mgr l’archevêque
pour lui exposer ce qui se passait et le supplier
humblement de s'opposer à des actes si insolites, si étranges et si propres à
jeter le trouble et la confusion dans le diocèse. Les curés de Lyon firent
entendre les premières supplications comme étant les plus rapprochés de Mgr
l'archevêque ; les curés des autres parties du diocèse et tous les prêtres
exprimèrent la même pensée, manifestèrent la même douleur, se les communiquant
les uns aux autres de vive voix et par lettres.
Ainsi, du côté de la conservation de la liturgie de
Lyon, environ quinze cents prêtres indigènes et la masse des fidèles ; du côté
de son abandon, deux prêtres bien connus et quelques autres qui se tiennent
plus à l'écart, presque tous étrangers au diocèse.
La crainte d'une substitution complète de la liturgie
romaine n'était pas imaginaire. La lettre du président de la Congrégation des
rites du 3 janvier 1863 l'atteste : « Il faut, dit-il, que dans le plus bref
délai possible la liturgie romaine, dans toute son intégrité, soit établie et
pour toujours consolidée dans le diocèse de Lyon.
Ut quantocius etiam in dioecesi lugdunensi, IN SUA
INTEGRITATE inducatur et constabiliatur liturgia sanctae ecclesiae romanae
(Lettre du cardinal Patrizzi, 3 janvier 1863).
La lettre d’un des deux prêtres qui pressent l’abandon
de la liturgie de Lyon ne le dit pas
moins énergiquement : « Le missel doit être brulé aussi bien
que le bréviaire, l’un n’étant pas moins entaché que l’autre » (Lettre du
chanoine des Garets, 1863).
(pp.3-4)
Dans
le climat de l’époque où s’opposaient ultramontains et gallicans, les auteurs
reconnaissent la primauté romaine mais doutent de la faisabilité d’une
uniformité rituelle « romaine ».
Pour nous, nous avons un but unique, celui de conserver
à l’église de Lyon son ancienne et précieuse liturgie !
Ce n'est pas une question de personne, mais de
principes que nous entreprendrons de traiter.
Nous venons établir que l'église de Lyon possède depuis
sa fondation une liturgie qui lui est propre ; qu'elle a pour cette liturgie un
attachement indicible, qu'elle a le droit de la conserver.
Ce qui porte le clergé de Lyon à supplier pour la
conservation de sa liturgie n'est pas assurément le manque d'amour pour
l'église de Rome, mère et maîtresse de toutes les églises…
Ce n'est pas de la répugnance pour la liturgie de Rome,
ce n'est pas une opposition à l’unité liturgique, que nous ne jugeons pas, que
nous ne repoussons point en théorie, mais que nous croyons bien difficile à
réaliser.
La seule chose affligeante pour nous, c'est la perte de
notre liturgie !! Trésor sans prix, richesse inestimable pour les enfants de
Potina et d'Irénée.
Nous adressons cet écrit au Souverain Pontife ;
prosternés à ses pieds, nous le supplions de nous entendre avec indulgence et
bonté. Nous sollicitons aussi l'indulgence des lecteurs, à cause surtout du peu
de temps que nous avons pu consacrer à ce petit travail.
(pp.5-6)
L’ouvrage
s’achève sur l’évocation de recours canoniques pour empêcher la disparition du
rite lyonnais.
Si la coterie composée de deux prêtres de Lyon et de
quelques prêtres étrangers continue son action fâcheuse dans le diocèse et à
Rome, nous ne demeurerons pas inactifs. Ce sera une cause engagée entre eux et
nous, auprès de la cour de Rome. Notre archevêque et son chapitre, qui tiennent
à notre rite, agiront selon leurs droits canoniques et selon leur sagesse ;
pour nous, simples prêtres à qui les saints canons n'accordent pas d'intervenir
officiellement dans les questions de changements de liturgie, nous ferons entendre
au père commun des chrétiens des supplications et des gémissements ; et nous
l'espérons, le vicaire de Celui qui se laissait vaincre par les prières de la
Cananéenne exaucera celles d'une église désolée et nous bénira !
(p.152)
La
démonstration de la justesse de la liturgie diocésaine se comprend à la simple
lecture de la table des matières :
1.
But de cet écrit
2.
Origine de la
liturgie de Lyon
3.
Depuis saint
Irénée, Lyon a toujours gardé sa liturgie
4.
Lyon n'a jamais
suivi la liturgie gallicane
5.
L'église de Lyon
n'a pas reçu la liturgie romaine du temps de Charlemagne
6.
Il n'y eut pas
unité de liturgie dans l'Eglise avant le concile de Trente et la bulle de saint
Pie V
7.
Le concile de
Trente n'a pas commandé l'unité liturgique
8.
La bulle de saint
Pie V Quod a nobis est le premier acte qui milite en faveur de l'unité
liturgique
9.
Quel effet
produisit dans l'Eglise la bulle de saint Pie V ?
10.
Les principes sur
la diversité de liturgie ne furent point changés par la bulle de saint Pie V
11.
Les évêques ont-ils
le droit de régler la liturgie dans leur diocèse ?
12.
Quel fut le
mouvement liturgique en France pendant les deux siècles qui suivirent la bulle
de saint Pie V, et quelles en furent les causes ?
13.
Que fit l'Eglise de
Lyon après la publication de la bulle Quod a nobis de saint Pie V, et
qu'a-t-elle fait à l'époque du mouvement liturgique eu France ?
14.
Quels changements
Mgr de Montazet fit-il à la liturgie de Lyon ?
15.
L'acte de Mgr de
Montazet a-t-il enlevé à l'église de Lyon son droit à son ancienne liturgie ?
16.
De droit, Lyon n'a
pas été dépouillé de son bréviaire et de sa liturgie par l'acte de Mgr de
Montazet
17.
Des éditions du
bréviaire et du missel de Lyon, depuis la bulle du concordat
18.
Le pape Pie IX
désire l'unité liturgique ; Lyon ne doit-il pas céder de son droit à cause du
désir du Souverain Pontife ?
19.
L'unité liturgique
est-elle demandée par le besoin de l'Eglise et spécialement par le bien de
l'église de Lyon ?
20.
L'unité s'opère en
France, on espère qu'elle deviendra générale, pourquoi une exception pour Lyon
?
21.
Les motifs qui
portent certains hommes en France, à pousser ardemment l'église de Lyon dans
l'uniformité liturgique ne sont pas uniquement ceux de la gloire de Dieu et du
bien de l'Eglise
22.
Autre motif qui
porte les ennemis de la liturgie de Lyon à la détruire, étranger à la gloire de
Dieu
23.
Le projet
d'insinuer peu à peu le romain dans le diocèse de Lyon est le plus fâcheux
qu'on puisse mettre en œuvre
24. Causes secondaires qui militent en faveur de notre
liturgie
LES AUTEURS
BOUE Jean
Jean BOUE naît à Sury-le-Comtal en 1791.
En 1813 il est ordonné prêtre du diocèse de
Lyon.
Il est alors nommé vicaire à la paroisse
d’Amplepuis.
En 1817 il est nommé vicaire à la paroisse
Saint-Jean de Lyon.
En 1823 (1828) il devient curé de la paroisse
Saint-Just, dont il fait restaurer l’église. Il participe alors à l’accueil des
victimes des inondations de 1840 à Vaise.
En 1840 il participe à l’ouvrage Notes historiques et archéologiques sur les
cryptes de Lyon.
En 1844 il publie une Notice sur une chasuble de St-Rambert-sur-Loire.
En 1844 il est nommé curé de la paroisse
Saint-Martin-d’Ainay. Il fait restaurer l’église
abbatiale : façade, clocher, abside, autel,
dallage…
En 1851 il publie un écrit sur l’Autel d’Avenas
considéré au point de vue historique, et en 1852 des Notes sur une mosaïque récemment découverte
sous le maître-autel d’Ainay et représentant le pape Paschal II, qui sacra cette église en 1506.
En 1852 est installé dans l’absidiole de Saint-Benoît
un autel conçu par FABISCH.
En 1855 sont accrochés dans l’abside les
tableaux d’Hippolyte FLANDRIN.
Puis en 1860 il inaugure le tympan et des
statues, œuvres de FABISCH, et en 1966 la chaire, les fonts baptismaux…,
toujours de FABISCH.
Il organise l’infirmerie Saint-Martin et
diverses œuvres caritatives dans sa paroisse.
Il y décède en 1868.
BISSARDON
Jean Antoine
Jean-Antoine BISSARDON naît à Aveize en 1798.
En 1818, séminariste, il entre au noviciat de la Société de la Croix de Jésus
qui vient d’être fondée et dont le supérieur est le Père MIOLAND, supérieur des
Chartreux.
Il dirige un temps le Séminaire d’Alix.
En 1838 il succède au Père MIOLAND à la tête de la Société des prêtres
de Saint-Irénée (Chartreux).
En 1856 il est nommé curé de la paroisse Saint-Bruno-les-Chartreux.
Il décède en 1864.
VINCENT Joseph Antoine
L’abbé VINCENT naît
en 1801 à Givors.
Il commence par
travailler dans les entreprises de ses frères à Vienne puis à Lyon.
C’est vers vingt ans
qu’il entre au Petit Séminaire de Meximieux. Il poursuit ses études
philosophiques au Séminaire d’Alix, alors dirigé par l’abbé Bissardon, puis de
théologie chez les Chartreux.
En 1828 il est
ordonné prêtre.
Il est nommé
économe et enseignant au Séminaire d’Alix.
En 1835 il devient curé à Irigny. Il y organise
le sauvetage de plusieurs habitants lors des inondations de 1840.
En 1843 il devient curé à Vaise où il doit
construire l’église Saint-Pierre avec le peu de moyens mis à sa disposition par
l’Etat et la Ville.
En 1858 il est nommé chanoine d’honneur de la
Primatiale.
Il fait partie de la délégation envoyée en
février 1864 à Rome pour plaider, en vain, la cause de la liturgie lyonnaise, avec un autre curé de Lyon, deux de
Saint-Étienne et un de Montbrison.
En 1864 il publie Compte-rendu de la députation envoyée à Rome par le
clergé du diocèse de Lyon au sujet de la liturgie : février 1864. La même année il publie Liturgie
lyonnaise : résumé analytique des débats.
En 1872 il tombe malade et décède l’année
suivante.
M.
Vincent occupait une grande place dans le clergé de Lyon ; ses relations
étaient nombreuses, et tous ceux qui ont pu l'approcher savent avec quelle
facilité gracieuse il exerçait l’hospitalité. Pour les pauvres, M. le curé de
Vise a su allier deux conditions qui devaient féconder ses œuvres, l’ordre et
la générosité : l’ordre qui accroît les ressources et les empêche de
s’égarer, et la générosité qui gagne les cœurs. Prêtre d'une simplicité
antique, il ne connut pas l'entrainement de notre époque vers le bien-être, il
ne convoita jamais le luxe et resta étranger à toute superfluité ; il avait
appris divin Sauveur la loi du renoncement à son propre cœur, et tout ce qu’il
se retranchait à lui-même était autant d'ajouté au budget de la charité.
(nécrologie, Revue
du Lyonnais)
DOCUMENTS
- 1841, Le
Clergé français pendant les inondations de 1840
- 1864, Défense
de la liturgie de Lyon par MM.***
- 1864, nécrologie Jean Antoine
Bissardon, Revue du Lyonnais
- 1868, nécrologie Jean Boué, Revue du Lyonnais
- 1873, nécrologie abbé Vincent, Revue du Lyonnais
- ZIND Pierre, 1969, Les
Nouvelles Congrégations de Frères
Enseignants en France de 1800 à 1830 (extrait)
- DE BUJANDA Jesus Martinez, 2002, Index
librorum prohibitorum : 1600-1966,
volume 11
- voir les notices
sur FLANDRIN,
FABISCH,
Rituels
lyonnais, PEYRON,
les mises
à l’Index
g.decourt