Léon Chaine
1851-1941
Léon
CHAINE naît à Lyon en 1851.
Il
mène une carrière d’avoué à Lyon.
Il
prend position en faveur de Dreyfus : il est membre du Comité Catholique pour la Défense du Droit.
Il écrit en 1902 une Lettre d’un
catholique lyonnais à un évêque sur l’affaire Dreyfus, où il reproche à la
Hiérarchie catholique ses erreurs à ce sujet. Il envoie cette lettre, datée du
27 novembre 1901, à son évêque et à quelques autres évêques, aux curés de Lyon
et à certaines personnalités. Elle paraît ensuite dans la revue La Justice Sociale du 29 mars 1902. Elle
est reproduite par certains journaux et critiquée dans d’autres.
Il
s’en prend au conservatisme des catholiques dans Les Catholiques français et leurs difficultés actuelles (1904) et Menus propos d’un catholique libéral
(1908).
Dès
l’origine il apporte son soutien à Pierre JAY dans la publication de
l’hebdomadaire Demain
« organe hebdomadaire de critique et d’action », « politique, social, religieux qui s’arrête lors de la
condamnation du modernisme par Rome.
Sans
aide-t--il à l’édition de Ce qu’on a fait
de l’Eglise, étude d'histoire
religieuse, avec une humble supplique à S.S.Pie X (1912). Il ne signe pas cet ouvrage dont
l’auteur reste anonyme et il dément en être l’auteur. Cet ouvrage est très critiqué par l’épiscopat et les courants conservateurs.
(voir la notice sur Ce qu’on a fait de l’Eglise)
Il
cesse définitivement d’écrire sur le catholicisme et se consacre à sa carrière
juridique.
Il
meurt à Caluire en 1941.
OUVRAGES
Les
Catholiques français et leurs difficultés actuelles (1904)
Cet ouvrage fait
suite à sa Lettre d’un catholique
lyonnais à un évêque sur l’affaire Dreyfus. L’auteur explique ses
difficultés à faire paraître sa lettre et sa réception dans les medias. Puis il
livre ses propres réflexions sur divers sujets où il lui semble que l’opinion
catholique s’écarte des vérités évangéliques. Pour cet adversaire du
militarisme et du nationalisme, l’usage de la force est contraire aux principes
chrétiens ; au contraire « le
Catholicisme est une Internationale sublime » (p.50). Il rappelle que
l’antisémitisme ne trouve aucune justification dans l’Evangile et que la
plupart des catholiques n’ont pas à être fiers de leur attitude dans l’affaire
Dreyfus. Il souhaite que les femmes puissent exercer des responsabilités
politiques. Il demande que la Hiérarchie catholique considère les baptisés
comme des êtres majeurs : il en appelle au « libre examen des catholiques en politique ».
Aussi vaudrait-il
que les catholiques bénéficient d’une meilleure éducation historique pour
découvrir la variété des situations que l’Eglise a connues et pour acquérir
plus d’audace intellectuelle, et de citer pour exemple la recherche
astronomique et Galilée ou les études bibliques du moment.
Il considère que la
modernité, que représentent les droits humains ou la démocratie, n’est pas
contraire à la fidélité à la Tradition. Pour lui, « un pape américain apporterait certainement (…) un souffle démocratique sur les divers services de cette immense administration
qui gouverne le monde catholique et qui enserre, comme en des mailles
invisibles, toutes les chrétientés de l’univers » (p.194). Il cite à
ce propos l’abbé Brugerette :
Non seulement la Déclaration des droits de l’homme est
en parfaite conformité avec la doctrine évangélique, elle est, de plus, la
stricte application de la divine doctrine de celui qui est venu proclamer que
tous les hommes sont frères, puisqu’ils ont tous le père commun dans le ciel.
(BRUGERETTE, La
Déclaration des droits de l’homme et la Doctrine catholique, p.113)
Il
se situe dans la lignée de Lacordaire et invoque une Eglise proche des
« hommes de bonne volonté », un « christianisme social ».
Menus propos d’un catholique libéral (1908).
La préface de la
première édition date de Noël 1907, soit trois mois après l’encyclique de Pie X
condamnant le modernisme. La bonne réception de l’ouvrage précédent a encouragé
l’auteur à poursuivre ses réflexions en dix chapitres :
I |
De
quelques réformes de Pie X |
II |
De
l’Action des laïques dans l’Eglise et du Pouvoir temporel du pape |
III |
De
l’ignorance religieuse de certains catholiques et du catholicisme d’esprit
large |
IV |
Nouveautés
nécessaires |
V |
Des
Evêques et des Cardinaux |
VI |
Le
Syllabus de Pie X et l’encyclique Pascendi |
VII |
Motifs
d’Humilité et Motifs d’Espérance |
VIII |
Le
Président Fallières et l’abolition de la peine de mort |
IX |
Les
Moines |
X |
Le
Collège d’Oullins et les Dominicains enseignants |
On
appelait « Syllabus de Pie X »
le décret Lamentabili du Saint-Office
daté des 3 et 4 juillet 1907 condamnant 65 thèses « modernistes ».
L.CHAINE insiste
sur la nécessité de :
- séparer les
pouvoirs spirituel et temporel pour la hiérarchie catholique : « le pouvoir temporel des papes a été l’un des
graves impedimenta qui ait alourdi la marche de l’Eglise à travers les siècles
et le plus souvent il n’a fait qu’entraver son action divine » (p.39),
- reconnaître une
autonomie des épiscopats nationaux par rapport à Rome : il est « contre l’intervention de la Curie romaine
dans la politique d’un pays » (p.37),
- « améliorer les méthodes d’instruction
religieuse » (p.81) en faisant appel à la pédagogie, aux sciences,
etc.,
- modifier les
processus de nomination, d’une part, des évêques en recourant à davantage de
consultations des catholiques, et, d’autre part, des cardinaux pour en élargir
la « catholicité », au sens de diversité d’origine.
Il prend position
pour l’abolition de la peine de mort. Il trouve injustifiable l’interdiction
des congrégations religieuses contemplatives.
Pour réfuter les
critiques des catholiques « intransigeants » qui lui reprochent de
faire le jeu de anticléricaux, il cite Jehan de Bonnefoy, pseudonyme de l’abbé
Brugerette : « Jésus le premier
des anticléricaux » (Les Leçons
d’une défaite ou la fin d’un catholicisme, 1907») (pp.44-45).
DOCUMENTS
- BRUGERETTE Joseph,
1935, Le Prêtre Français et la Société
Contemporaine. Vers la Séparation de l’Eglise et de l’Etat (1871-1908)
-
BRUGERETTE
Joseph, 1938, Le Prêtre Français et la
Société Contemporaine. Sous le régime de la séparation. La reconstitution
catholique (1908-1936)
-
POULAT Emile, 1969, «
Modernisme » et « Intégrisme ». Du concept polémique à l'irénisme critique,
Archives des sciences sociales des
religions,
27, pp. 1-28
- MAYEUR Jean-Marie,
1972, Catholicisme
intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne, Annales, Économies, Sociétés, Civilisations,
27/2, pp. 483-499
- COMTE Bernard,
1974, Un rassemblement de catholiques libéraux : la naissance à Lyon de la
revue « Demain », Les
Catholiques libéraux au XIXème siècle, pp.239-280
- WEILL Georges,
1979, Le
Catholicisme libéral en France (1828-1908) (texte intégral)
- FOUILLOUX Etienne,
1997, «
Intellectuels catholiques » ? Réflexions sur une naissance différée, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 53,
pp. 13-24
- PIERRARD Pierre,
1998, Les
Chrétiens et l’affaire Dreyfus, p.184sq (texte intégral)
-
SORREL Christian, 2003, Libéralisme et modernisme Mgr Lacroix (1855-1922). Enquête sur un
suspect
recensions par : Chauvin Charles, Esprit & Vie 2003/95 ; Perrin Luc, Archives des Sciences Sociales des Religions 2004/128 ; Laplanche François, Revue de l’Histoire des Religions 2005/2
- SORREL Christian,
2006, 1905–2005.
La séparation des Églises et de l’État en France entre mémoire et histoire, Université Lyon II.
- voir la notice sur Demain « organe hebdomadaire de critique et d’action », « politique, social, religieux
g.decourt