théologie d’Irénée de Lyon
Tradition apostolique
La prédication de l’Eglise s’affirme avec constance et
égalité, assise, comme nous l’avons démontré, sur le témoignage des prophètes,
des apôtres et de tous les disciples au commencement, au milieu et à la fin,
bref, à travers toute l’économie divine, à travers l’action qui fait
habituellement le salut de l’homme ; elle réside à l’intérieur de notre
foi, que nous avons reçue de l’Eglise et que nous gardons, qui en tout temps,
sous l’action de l’Esprit de Dieu, comme une liqueur de prix conservée dans un
vase de qualité, rajeunit et fait même rajeunir le vase qui la contient.
L’Eglise en effet s’est vu confier ce don de Dieu (Eph 2/8), comme le souffle à
la chair modelée (Gn 2/7), pour que tous les membres en reçoivent la vie ;
et dans ce don était contenue l’intimité d’union au Christ, c'est-à-dire
l’Esprit saint, gage d’incorruptibilité, affermissement de notre foi, échelle
de notre ascension vers Dieu. Car, dit Paul, « dans l’Eglise Dieu a établi
les apôtres… les prophètes… les docteurs » (I Cor 12/28) et tous les
autres effets de l’opération du Saint Esprit, auxquels ne participent pas ceux
qui ne courent pas vers l’Eglise, mais qui, par leurs doctrines mauvaises et
leurs actions détestables, s’excluent eux-mêmes de la vie. Car là où est
l’Eglise là est aussi l’Esprit de Dieu et là où est l’Esprit de Dieu là est
l’Eglise et toute sa grâce et l’Esprit c’est la vérité. C’est pourquoi ceux qui
ne participent pas à l’Esprit ne puisent pas au sein de leur Mère la
nourriture ; ils ne reçoivent rien de la source très pure qui coule du
corps du Christ (Apoc 22/1, Jn 7/37, 19/34) mais « ils se creusent à
eux-mêmes des citernes crevées » (Jer 2/13) dans les trous de la terre et
boivent l’eau infecte du bourbier ; ils fuient la foi de l’Eglise de
crainte d’être convaincus d’erreur et rejettent l’Esprit pour n’être pas
instruits.
AH III. 24/1
Ainsi tous ceux qui veulent voir la vérité peuvent
contempler en toute Eglise la tradition des apôtres manifestée dans le monde
entier. Et nous pouvons énumérer ceux que les apôtres ont institués comme
évêques dans les Eglises et leurs successions jusqu’à nous. (…) Mais comme il
serait trop long dans un ouvrage comme celui-ci d’énumérer toutes les
successions de toutes les Eglises, nous prendrons la très grande Eglise, très
ancienne et connue de tous, fondée et constituée à Rome par les deux très
glorieux apôtres Pierre et Paul ; nous montrerons que la tradition qu’elle
tient des apôtres et la foi qu’elle a annoncée aux hommes sont parvenues
jusqu’à nous par des successions d’évêques. (…) C’est avec cette Eglise de
Rome, en raison de sa plus forte primauté (propter potientiorem
principalitatem) que doit nécessairement s’accorder toute Eglise, c'est-à-dire
les fidèles qui viennent de partout, elle en qui a toujours été conservée par ceux
qui viennent de partout la tradition qui vient des apôtres. (… listes des
évêques…) C’est dans cet ordre et cette succession que la tradition qui est
dans l’Eglise depuis de apôtres et que la prédication de la vérité sont
parvenues jusqu’à nous. Et c’est là une preuve très complète qu’elle est une et
toujours la même cette foi vivificatrice qui, dans l’Eglise depuis les apôtres,
s’est conservée jusqu’à nous jours et s’est transmise dans la vérité.
AH III. 1-3
Incarnation
Il (le Christ) a fait adhérer et étroitement unir (…)
l’homme à Dieu, car si ce n’était pas un homme qui avait vaincu l’ennemi de
l’homme, la défaite de cet ennemi n’eut pas été juste, si, d’autre part, ce
n’était pas un Dieu qui nous avait donné le salut, nous ne l’aurions pas de façon
certaine, si, enfin, l’homme n’avait pas été constitué en réunion avec Dieu
(co-unitus), il n’aurait pu avoir part à l’incorruptibilité. Il fallait donc
que le Médiateur de Dieu et des hommes, étant de la maison des deux, rétablit
entre eux deux l’amitié et la concorde, et fit en sorte que, d’une part, Dieu
prît l’homme en charge et, d’autre part, l’homme se livrât à Dieu. Comment, en
effet, aurions-nous pu participer par l’adoption à sa filiation, si par le Fils
nous n’avions pas reçu de Dieu la communion avec lui, si son Verbe n’avait
communié avec nous en se faisant chair ?
AH III. 18/7
Esprit
C’est pourquoi le Seigneur, Lui aussi, nous a promis
d’ « envoyer le Paraclet » (Jn 15/26, 16/7) : c’est pour nous
adapter à Dieu. Car, comme la farine sèche ne peut sans eau devenir une seule
pâte, un seul pain, ainsi nous tous nous ne pouvions non plus devenir un dans
le Christ jésus sans l’eau qui vient du ciel. Et, comme la terre aride, si elle
ne reçoit l’eau, ne donne point de fruit, ainsi nous-mêmes, qui étions d’abord
du bois sec, nous n’aurions jamais
portés des fruites de vie sans la pluie librement donnée d’en-haut (Ps 67/10).
Car nos corps par le bain ont reçu l’unité qui les rend incorruptibles, mais nos
âmes l’ont reçue par l’esprit. C’est pourquoi l’un et l’autre sont nécessaires,
car l’un et l’autre procurent la vie de Dieu.
AH III. 17/2
Récapitulation
Lorsqu’il s’est incarné et qu’il est devenu homme, il a
récapitulé en lui-même la longue série des hommes et nous a procuré le salut en
raccourci (compendium), de sorte que ce que nous avions perdu en Adam,
c'est-à-dire le fait d’être « à l’image et à la ressemblance de
Dieu » (Gn 1/26), cela même nous pourrions le recouvrer dans le Christ
Jésus.
AH III. 18/1
Vision de Dieu
Ainsi dès le commencement le Fils est le révélateur du
Père, puisqu’il est dès le commencement avec le Père : les visions
prophétiques, la diversité des grâces, ses ministères, la glorification du
Père, tout cela, à la façon d’une mélodie bien composée et harmonieuse, il l’a
déroulé devant les hommes, en temps voulu, pour leur profit. En effet, où il y
a composition, il y a mélodie, où il y a mélodie, il a temps voulu, où il y a
temps voulu, il y a profit. C’est pourquoi le Verbe s’est fait le dispensateur
de la grâce du Père pour le profit des hommes, pour lesquels il a accompli de
si grandes économies, montrant Dieu aux hommes et présentant l’homme à Dieu,
sauvegardant l’invisibilité du Père pour que l’homme n’en vînt pas à mépriser
Dieu et qu’il eût toujours vers quoi progresser, et, en même temps, rendant
Dieu visible aux hommes par de multiples économies, de peur que, privé
totalement de Dieu, l’homme ne perdît jusqu’à l’existence. Car la gloire de
Dieu c’est l’homme en vie, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu :
si déjà la révélation de Dieu par la création donne la vie à tous les êtres qui
vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe
donne-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu.
AH IV. 20/7
De même que Dieu n’a besoin de rien, de même l’homme a
besoin de la communion avec Dieu. La gloire de l’homme, c’est de persévérer
dans le service de Dieu.
AH IV.14/1
Paix
Parmi eux (les évêques qui écrivent à Victor) se trouvait
aussi Irénée, écrivant au nom des frères qu’il dirigeait en Gaule : il
établit d’abord qu’il faut célébrer seulement le dimanche le mystère de la
résurrection du seigneur ; puis il exhorte Victor, de manière fort conciliante, à ne pas écarter des Eglises de Dieu tout
entières, qui gardent la tradition d’une ancienne coutume ; et, entre
autres choses il ajoute ceci en ses propres termes :
La discussion n’est pas seulement sur le jour, mais
aussi sur la manière de jeûner. Les uns pensent en effet qu’il leur faut jeûner
une seule journée, d’autres deux, d’autres encore davantage ; certains
comptent quarante heures jour et nuit. Une telle diversité d’observances ne
s’est produite maintenant, de notre temps, mais longtemps auparavant, sous nos
prédécesseurs qui (…) ont conservé cette coutume dans sa simplicité et sa
particularité et l’ont transmise après eux. Tous ceux-là n’en restaient pas
moins en paix et nous restons aussi en paix les uns envers les autres : la
différence du jeune confirme l’accord de la foi. (…) Irénée portait bien son
nom, car il était pacificateur par son nom comme par sa conduite : c’est
ainsi qu’il exhortait et négociait pour la paix des Eglises.
Eusèbe HE V. XXIV
DOCUMENTS
- Editions
des Sources Chrétiennes
- voir biographie, Irénée aux XXème
et XXIème siècles, Propre de Lyon (1932),
« la différence confirme l’unanimité de la foi »