Ligue des Femmes Françaises
1901
Tout au long du XIXème
siècle les milieux catholiques français ont été chahutés par les événements
sociaux et politiques ; ils se sont divisés sur l’attitude à adopter
vis-à-vis des régimes de gouvernement successifs : monarchie, empire,
révolutions de 1830 et 1848 ; avec l’avènement de la IIIème
République et de majorités législatives situées à Gauche à partir de 1877,
plusieurs lois visent à réduire l’influence de l’Eglise catholique en France
(enseignement public en 1882, divorce en 1884). C’est dans ce climat
d’anticléricalisme et de résistance de milieux catholiques
« intransigeants » qu’un projet de loi est mis en débat en 1899 à
propos des associations. En accordant la liberté de création d’associations, il
contraint la liberté d’action des congrégations religieuses.
Ces congrégations dirigent les
écoles catholiques, des cercles d’études, des groupes de prière... Elles vont
mobiliser les parents et particulièrement les femmes de l’Apostolat de la prière animé par des Jésuites.
Ainsi Mme Jeanne LESTRA, sous
l’influence du prêtre jésuite Antonin Eymieu, son confesseur, va-t-elle
accueillir dans son appartement de la rue Sainte-Hélène, à côté de la chapelle
et du collège des Jésuites, des réunions de femmes issus de « milieux
nobiliaires et de la bourgeoisie catholique traditionnelle » (DUMONS) ;
elles rédigent des tracts qu’elles font imprimer et vont ensuite distribuer.
Jeanne LESTRA rédige une protestation,
qu’elle présente le 23 janvier 1901 à l’approbation du cardinal COULLIE,
archevêque de Lyon, et qui est distribuée à partir du 31 janvier dans toute la
France. Cette pétition récolte 600 000 signatures et, par l’entremise de
Marie-Louise ROCHEBILLARD, fondatrice du premier syndicat féminin lyonnais, est
portée au Sénat le 15 juin par le sénateur lyonnais Antonin Gourju.
Des manifestations, des prières sont
organisées dans tout le pays. Jeanne LESTRA se déplace à Paris et dans
plusieurs diocèses pour mobiliser les femmes catholiques contre ce projet de
loi.
Le 24 juin la loi est votée.
Il est suggéré à Jeanne LESTRA de continuer
son action à l’approche des élections de 1902 pour amener une majorité plus
favorable aux intérêts des Catholiques.
Elle rédige un texte qu’elle propose au
Cardinal COULLIE et au Père Eymieu. Ainsi le 29 septembre 1901 paraît un appel
aux mères de famille catholiques de France qui fonde une ligue placée sous le
patronage du Sacré-Cœur et de Jeanne-d’Arc : la Ligue des Femmes Françaises (LFF). Il y a un comité à Paris et un
autre à Lyon (voir le texte de cet appel).
L’objectif est d’organiser la promotion
de candidats aux prochaines élections qui défendent la propriété contre le
socialisme, la patrie contre l’internationalisme et la liberté contre le
sectarisme, par la recherche de finances, le recrutement de militantes, la
propagande auprès des électeurs qui ne sont alors que des hommes.
Le bureau est constitué de Mme la
Comtesse Thomas de Saint-Laurent, présidente, Mme Ducreux, trésorière, Mme
LESTRA, secrétaire.
En mai 1902 les élections confirment
une majorité de Gauche.
Des divisions, prévisibles dès décembre
1901, se manifestent alors au sein de la Ligue. A Paris est fondée la Ligue Patriotique Des Françaises (LPDF)
de tendance orléaniste ; on soupçonne les lyonnaises d’être monarchistes
alors même qu’elles se disent non liées à un parti. Fin août le Père Eymieu est
écarté par sa hiérarchie. Mme LESTRA donne sa démission.
Le Cardinal COULLIE intervient
pour que la présidente poursuive son œuvre.
La LFF reçoit l’approbation du
Pape Léon XIII.
En décembre 1902 paraît le premier
numéro du mensuel de la Ligue, L’Appel à
la France chrétienne, qui précise que la LFF a une vocation spirituelle et
n’est inféodée à aucun parti politique.
La LFF soutient l’école catholique, la
bonne presse, les religieuses expulsées. Elle organise des pèlerinages.
Lorsqu’en 1905 la LPDF cherche à
s’implanter sur Lyon, Mme LESTRA est rappelée quelque temps au secrétariat de
la LFF.
En 1905, avec les Comités
catholiques, la LFF organise la lutte contre le projet de loi de séparation de
l’Eglise et de l’Etat.
En mars elle lance une pétition
qui reçoit 400 000 signatures par toute la France.
Le 3 juillet la loi est votée.
En
août, la LFF fait paraître dans la presse une protestation :
La Ligue des femmes françaises proteste au nom de
toutes ses adhérentes contre la loi de séparation de l'Église et de l'État qui
vient d'être votée. Elle met l'hommage de sa fidélité et de sa filiale
vénération aux pieds du Souverain Pontife. Fidèle à son programme du 29 septembre 1901, la Ligue combattra
jusqu'au bout, pour Dieu et pour la France, sous le drapeau du Sacré-Cœur. Elle
est catholique et française. Sur la douloureuse route du Calvaire, les saintes
femmes suivaient Jésus malgré les menaces des soldats ; l'une d'elles, c'était
une Gauloise, dit-on, parvint jusqu'au Divin Maître, et essuya sa face
adorable. Ce rôle de Véronique et de ses compagnes, nous le revendiquons dans
la persécution actuelle. Nous saurons lutter sans trêve et sans peur pour notre
sainte religion, pour aider ses ministres, pour relever tous les courages.
Rendre la France à son Roi Jésus, ramener notre patrie aux traditions qui l'ont sacrée Fille aînée de l'Église,
voilà notre but. Que les âmes de bonne volonté viennent se grouper autour de
nous. Mères chrétiennes, femmes françaises, bataillons pour l'Église, pour la
France.
Le 29 septembre, quatrième anniversaire de sa
fondation, la LFF renouvelle solennellement son appel de 1901 en présence du
cardinal COULLIE.
En 1906 les élections confirment
la même majorité de Gauche.
Lors de l’appel du Pape Pie X à
la reconquête spirituelle et sociale, la LFF est tout à fait prête à conduire
cette « concentration et défense
catholique » par la formation d’une élite catholique militante.
Comme la LPDF, la LFF est très
active pendant la guerre de 1914-1918 où elle organise l’aide aux familles et
aux soldats.
La LFF devient Ligue Catholique des Femmes Françaises
(LCFF).
En 1927 l’Appel à la France chrétienne devient bimensuel.
Le 25 mars 1933 en la basilique de
Fourvière, « comme la consécration à
la Sainte Vierge », est célébré sous la présidence du cardinal MAURIN
l’acte officiel de réunification des deux ligues sous le nom de Ligue Féminine d’Action Catholique Française
(LFACF), à la demande du « Saint-Père
(qui) nous appelle à travailler, sous le
contrôle de la hiérarchie, à l’œuvre d’évangélisation ». Sont
rassemblées 2 000 ligueuses représentant 32 diocèses. Les deux anciennes
présidentes assurent une présidence conjointe.
Il était naturel
que ce fût à Lyon, berceau de la première des Ligues catholiques féminines, que
fût célébrée cette grandiose manifestation qui avait attiré dans notre belle
basilique une foule immense de ligueuses ».
(Semaine religieuse,
7 avril 1933)
Le premier congrès de la LFACF a lieu à
Paris du 3 au 5 mai 1933 en la basilique du Sacré-Cœur manifestant ainsi le
désir des ligueuses de « se
consacrer solennellement au Sacré-Cœur ». (Semaine religieuse 19 mai 1933)
DOCUMENTS
- Assemblée Nationale, La loi
sur les associations
- COVA Anne, 1992, Femmes et catholicisme social :
trois mouvements nationaux d’initiative lyonnaise, in Cent ans de catholicisme social à Lyon et en Rhône-Alpes (DURAND
D., COMTE B, et alii (dir.)
- DUMONS Bruno, 2006, Les Dames de la Ligue des femmes françaises (1901-1914)
-
HOFFMANN Michael, Les catholiques français
et la Première Guerre mondiale. La rentrée dans la vie politique et sociale de
la République laïque
- DELLA SUDDA Magali, 2007, Une
activité politique féminine conservatrice avant le droit de suffrage en France
et en Italie. Socio histoire de la politisation des femmes catholiques au sein
de la Ligue patriotique des Françaises (1902-1933) et de l’Unione fra le donne
cattoliche d’Italia (1909-1919), thèse EHESS-Paris, La Sapientia-Rome
voir les notices
sur Jeanne LESTRA, Marie-Louise
ROCHEBILLARD
g.decourt