transaction entre comte de Forez et archevêque de Lyon
1167
Parce ce que les
actes sont facilement livrés à l’oubli, nous avons consigné par écrit l’acte de
transaction entre les clercs de l’Eglise de Lyon et Guy comte de Forez.
Que soit donc connu
de tous que, sous la présidence de l’archevêque de Tarentaise, par attestation
sous serment de Guillaume de Saluces, Guillaume de Talaru
sacriste, Aymon de Rovery pénitentier, Salomon
prêtre, Albon Le Gras et Durant Follier,
les droits du comte de Forez et de l’archevêque de Lyon, dans les limites de la
cité de Lyon qui vont de la croix de Saint-Irénée jusqu’à la croix de
Saint-Sébastien et de la rivière Charavay jusqu’à la
Porte-Vieille, furent déclarés par volonté du seigneur Pape de cette
façon :
Les péages, sur
terre comme sur eau, sont communs à l’archevêque et au comte de Lyon.
Pareillement la monnaie est commune, excepté la dîme qui appartient
spécialement à l’archevêque. Au sujet des propriétés il est dit que
l’archevêque ne pourra acquérir une propriété du comte, ni le comte l’une des
siennes. Les leydes du marché et des foires
communes ; les criées et bans communs, excepté pour les clercs et leurs
domesticité.
Si ces derniers se
rendent coupables, ils devront passer devant la justice ; la domesticité
du comte est tenue à la même loi. De la Porte du Palais jusqu’à la Porte des
Frères, si une faute est commise, elle doit être punie en commun. Dans les
maisons cependant rien n’est à rechercher, excepté voleurs, adultères,
homicides et utilisateurs de fausses mesures.
L’archevêque et le
comte ont en commun, à travers toute la cité, excepté le cloître, crédit sur la
nourriture et la boisson, excepté sur ce qui est destiné à la vente par les
étrangers, à condition de payer leurs créances en quatre fois dans l’année.
Mais s’ils refusent de payer, ils perdent le crédit jusqu’à ce qu’ils paient. Et
s’ils tardent à en payer la totalité, que l’archevêque exige du comte ou des
siens, qu’il paie ; et le comte pareillement de l’archevêque ou des siens.
Si un officier du
comte arrête un coupable, sans la présence d’un officier de l’archevêque, il ne
peut le juger ni le libérer. Il en est de même des officiers de l’archevêque.
S’ils l’arrêtent tous les deux, celui-ci doit passer devant la justice du
Sénéchal, en présence des officiers de l’un et l’autre. Ceux qui méritent
punition corporelle sont jugés devant l’archevêque, en présence du comte ou de
ses officiers.
Le pont sur la
Saône est commun. Si sur les rives du fleuve ou sur les places était fait un
édifice, l’investison appartient à l’un et l’autre,
l’édifice demeurant à celui sur le terrain duquel il était.
Les clercs
spirituellement relèvent de l’archevêque.
Rues, places, rives
du fleuve et abords sont communs.
Les maisons des
clercs desservant les églises de Sainte-Croix, de Saint-Etienne et de
Saint-Jean, qu’ils habitent personnellement, tant qu’ils les possèdent, et
pareillement les maisons des clercs des abbayes qui desservent les églises,
usent du même droit que les maisons du cloître.
Les chanoines
vivant continuellement ensemble ont crédit comme l’archevêque et le comte, aux
conditions juridiques susdites.
Une discorde
survenue entre le comte et les clercs se clôt légalement devant l’archevêque ;
de la même façon, si entre l’archevêque et le comte une discorde survient, elle
se clôt légalement devant les chanoines en chapitre.
Ce document est
fait et rempli en l’année MCLXII. Indiction XV, épacte XXVIII, Concurrent VI,
Férie I, ides d’octobre, lune XXVIII, sous le règne du roi Louis, Frédéric
étant empereur, du vivant du souverain pontife Alexandre.
NOTES DE TRADUCTION
G. de Sal. : Guillaume de Saluces ; G. de Talaru :
Guillaume de Talaru ; selon MENESTRIER
Abonis Crassi : Albon le Gras ; Duranni Solerii : Durant Follier ; selon PARADIN
leydes : taxes sur
les marchandises des foires et marchés
credentia : traduit ici créance (suivant PARADIN). Un maître
peut acheter à crédit selon certaines règles : ici 4 paiements à l’année
credentiam ammittant : traduit ici
« ils perdent leur créance »
en suivant PARADIN
puniendi corpore : traduit ici
« ceux qui méritent punition
corporelle » en suivant PARADIN
investison :
remblai marquant les limites de propriété ; PARADIN traduit ainsi :
« l’investizon
en appartient à tous deux »
indiction : période de 15 années à compter du
l’an ; l’indiction XV indique la quinzième année de l’indiction en cours
depuis l’année 312, date du début de ce type de datation : 312 + (15x56) +
15 = 1167
épacte,
concurrent, lune :
sont des modes de définition de l’année basés sur les calendriers solaire et
lunaire (voir
définitions de
l’épacte, du concurrent par le CNRTL)
férie I : désigne le
dimanche ; les ides en octobre
sont le 15 du mois
le roi régnant est Louis
VII ; l’empereur Frédéric Ier Barberousse ; le pape vivant
Alexandre III
pour les limites de la cité : voir GAUTHIEZ ; pour les portes :
voir la notice sur le Cloître Saint-Jean
TEXTE LATIN
- LAMURE Jean Marie
(de), Histoire
des ducs de Bourgogne et des comtes de Forez, tome 3, preuve n°34,
éd. 1868
- MENESTRIER Claude
François, 1696, Histoire
civile ou consulaire de la ville de Lyon
- BERNARD Auguste,
1835, Histoire
du Forez
-
ACHERY Luc (d’), 1669, Veterum aliquot scriptorum qui in
Galliae Bibliothecis maxime Benedictinorum latuerant Spicilemium,
Volume 9
- MONTFALCON Jean
Baptiste, 1855, Lugdunensis historiae Monumenta
- PARADIN Guillaume,
1573, Mémoires
pour l’histoire de Lyon, tome 2, chapitre 37, p.128sq (traduction
française)
Cette charte annule
la Bulle
d’or de Frédéric Barberousse de 1157 ; elle constitue la première
transaction entre le comte et l’archevêque ; difficile à appliquer, elle a
été remplacée en 1173 par une autre transaction appelée permutation,
confirmée par le pape Alexandre III en 1174
DOCUMENTS
- DUFOUR J.E., 1946, Dictionnaire
topographique du département de la Loire
- GALLAND Bruno, 1989, Le
rôle politique d'un chapitre cathédral : l'exercice de la juridiction séculière
à Lyon, XIIe-XIVe siècles, Revue d'histoire de
l'Église de France,
75/195, pp. 273-296
- GAUTHIEZ Bernard, 1994, La
topographie de Lyon au Moyen Age, Archéologie
du Midi médiéval,
12/12, pp. 3-38
- FAVREAU Robert, 1999, La
datation dans les inscriptions médiévales françaises, Bibliothèque de l'Ecole des chartes, 157/1, pp. 11-39
-
Grand Lyon, 2014, Étude historique pour le diagnostic patrimonial et
environnemental. Lyon 1er
- voir notice sur le cloître
Saint-Jean et le groupe épiscopal en 1165