Jansénisme
dans le diocèse de Lyon
au XVIIIème siècle
Plusieurs études sont
disponibles sur l’histoire du jansénisme et de ses figures les plus
représentatives au sein du diocèse de Lyon.
Portrait d’un janséniste
Le jansénisme vécu par
les fidèles et les prêtres du diocèse dans les années qui précèdent et suivent
la publication en 1713 de la bulle Unigenitus
Dei Filius, qui condamne les thèses jansénistes, est décrit dans un
portrait que l’abbé François JACQUEMONT trace de l’abbé CHAVANNE, avec lequel
il partage convictions théologiques, orientations pastorales et modes de vie :
Marcher
droit :
« Il condamnait
très sincèrement tout ce qui s’écarte de la règle, de la foi et des mœurs, et
ne recevait que ce qui est conforme à l’Evangile et à la doctrine de l’Eglise
catholique ».
Rester modeste :
« La nécessité
de la pénitence, de la retraite, de la mortification, l’obligation de porter la
croix, d’être pauvre d’esprit, doux et humble de cœur, charitable envers tout
le monde, sensible aux maux de ses frères et zélé pour leur salut, d’imiter la
simplicité, la candeur, l’innocence des enfants, étaient le sujet le plus
ordinaire de ses méditations ».
Prier beaucoup :
« Il répétait
sans cesse qu’il faut beaucoup prier, pour parvenir à l’intelligence et à
l’amour de la vérité, étant bien persuadé que celui qui plante et celui qui
arrose ne sont rien ; que c’est Dieu qui donne l’accroissement, et que
quand il n’amollit pas le cœur par l’onction intérieure de sa grâce, les
exhortations et les grâces extérieures ne servent qu’à l’endurcir
davantage ».
(BERGER G., 1993,
pp.41-42)
Le mouvement des convulsionnaires
Le mouvement des
convulsionnaires, qui se greffe sur le jansénisme théologique initial,
s’implante en 1778 dans le Forez avec Les
Amis de l’Œuvre des convulsions. A cette société, dirigée par de grandes
familles bourgeoises, adhèrent des familles d’origine populaire, et la
fréquentent l’abbé Jacquemont ou les abbés Claude et François Bonjour. Ces
derniers fondent en 1775 le groupe de Fareins dans les Dombes où eut lieu la
crucifixion d’une prophétesse locale.
Le cardinal MALVIN de MONTAZET (1758-1788)
Beaucoup d’auteurs
s’accordent à dire, ou répéter, que le jansénisme a pu se déployer dans le
diocèse de Lyon grâce à la bienveillance de son archevêque, le cardinal MALVIN
de MONTAZET, mais il n’est arrivé à Lyon qu’en 1758.
Certes, il est moins
hostile aux thèses jansénistes que son homologue de Paris ou ses prédécesseurs.
Il appuie l’action de
l’avocat Claude MEY (1712-1796).
Il confie aux Oratoriens,
plus sensibles aux thèses de Jansénius, le Collège de la Trinité tenu par les
Jésuites de Lyon jusqu’à leur interdiction en France.
Ils exigent des
Prêtres de Saint-Sulpice, qui dirigent le Grand Séminaire, de suivre les Institutions théologiques appelées
« Théologie de Lyon »,
rédigées, à sa demande, par l’abbé VALLA de l’Oratoire.
Il publie un Catéchisme du diocèse de Lyon en 1767,
resté en usage jusqu’en 1806 malgré les critiques faites aux tendances
jansénistes de l’édition de 1770 souvent rééditée.
Il fait montre de
tolérance envers les « Amis de
l’Œuvre des convulsions», à Lyon et Saint-Etienne, et envers les « prêtres appelants » (appelant les
fidèles à contester la bulle Unigenitus
du Pape Clément XI de 1713 condamnant le jansénisme), qui reçoivent le soutien
d’Oratoriens, dans le Forez, et de Dominicains, à Lyon.
L’héritage janséniste
Le jansénisme, au
sein du diocèse, évolue au fil des années au gré des personnalités, souvent des
curés, et de leur déplacement, au gré des manifestations religieuses comme les
miracles et convulsions ou l’essor du culte du Sacré-Cœur avec les jésuites, au
gré des événements politiques comme la Constitution civile du clergé ou le
Concordat…
Dans l’héritage on
note les Béguins de Digonnet (1846),
et à Lyon la Petite Eglise (1802),
avec la famille Berliet entre autres.
Certains de ces
« jansénistes » refusaient tout contact avec les autorités
catholiques, quand d’autres adoptaient l’attitude l’inverse ; ils étaient
appelés « communiquants ».
Plusieurs générations
de prêtres sont imprégnées de jansénisme par l’enseignement reçu au catéchisme
ou dans les séminaires, ou par divers échanges avec des autorités spirituelles.
Ainsi explique-t-on l’avènement de groupes effervescents ou d’une personnalité
comme Jean-Marie Vianney.
Des lieux
Lyon
A Lyon, les
sulpiciens du Séminaire Saint-Irénée ont la réputation d’être hostiles au jansénisme
qui influence l’enseignement dans les Séminaires Saint-Joseph et Saint-Charles.
Le cardinal MALVIN de MONTAZET exige d’eux qu’ils suivent ses instructions
contenues dans les Institutions
théologiques que certains disent « entachées » de jansénisme.
Les Oratoriens et une
partie des Dominicains dans leur enseignement et leur prédication permettent
aux thèses jansénistes de se développer dans la cité.
Fareins
Dans les Dombes, à Fareins, les abbés Bonjour fondent en
1775 un groupe de convulsionnaires dont les pratiques furent condamnées après
la crucifixion d’une prophétesse locale.
Les Couvents des Ursulines
Les couvents des
Ursulines de Montbrison comme de Charlieu avec l’abbé AS ont été des lieux de
diffusion janséniste au sud et au nord du département actuel de la Loire.
Notre-Dame de Grâce (Chambles)
L’implantation
janséniste dans le Forez a été beaucoup étudiée avec Notre-Dame de Grâce,
Saint-Médard-en-Forez ou Saint-Etienne.
Les Oratoriens du collège de
Notre-Dame de Grâce à Chambles et ceux du collège de Montbrison sont acquis aux
thèses jansénistes. Le collège resté en relation avec l’évêque Jean Soanen,
exilé à la Chaise-Dieu après son refus de se soumettre, doit fermer de 1729 à
1760 mais continue d’accueillir les réfractaires à la condamnation du
jansénisme de 1713. A sa réouverture des jansénistes stéphanois y
enseignent : ils sont enterrés au Crêt de Roch, dit « tombeau des
jansénistes ». Il reste de cette époque les mouvements mystiques des
Béguins en région stéphanoise.
(se reporter à l’histoire
de Notre-Dame de Grâce)
(voir les documents
déposés au Fonds
janséniste de la Bibliothèque de Saint-Etienne)
Saint-Jean-Bonnefonds
En 1786 le curé
Drevet commence à enseigner un jansénisme enflammé des
« convulsionnaires ». Il annonce la venue d’un nouvel Elie pour
« rétablir toutes choses » et entraîne plusieurs familles paysannes
dans sa vision. A la Révolution, bien qu’ayant prêté le serment civique, pour
atteinte à l’ordre public il doit quitter la commune. Les familles restées
fidèles à son enseignement se voient refuser les sacrements par les prêtres
nommé à sa place et vivent hors de la communauté paroissiale. Le nom de Béguin leur est attribué soit parce
qu’ils vivent regroupés en « béguinage » soit parce qu’ils restent
entêtés (« embéguinés »).
En 1846 arrive dans
le village Jean-Baptiste Digonnet. Ce père de famille mis en prison à
Saint-Etienne pour délire religieux avait connu là un « béguin » du
village. Il reprend ses prêches et est reconnu par les béguins comme Elie, celui que l’on attend ; certains le
considèrent même comme « leur petit bon Dieu». Il est à nouveau arrêté et
doit quitter le pays.
Un groupe reste
fidèle à cette vision chrétienne jusqu’à ce jour, en particulier au hameau du
Petit Culty à Saint-Jean-Bonnefonds.
Saint-Médard en Forez
Saint-Médard reste
célèbre par son curé l’abbé JACQUEMONT (voir la notice sur Jean JACQUEMONT).
Saint-Etienne
Même s’ils n’étaient
pas totalement acquis au jansénisme plusieurs curés eurent des comportements
tolérants envers leurs collègues victimes des condamnations et souvent
appréciés des fidèles pour leur style de vie. Ainsi le premier curé de la paroisse
Saint-Ennemond à Saint-Etienne, Jean Louis Peurière, apporte-t-il son soutien
au Père Antoine Popin, janséniste expulsé de sa paroisse de Saint-Galmier, ou
d’autres acceptent-ils de célébrer les funérailles malgré les interdits
épiscopaux.
Il semble que des
divisions ont traversé les communautés catholiques de certains lieux du
diocèse. Lorsque le curé était remplacé par un autre jugé plus orthodoxe, des
paroissiens continuaient de suivre « leur » curé, et ce de manière
plus ou moins clandestine. Cette clandestinité devait d’ailleurs devenir un
mode d’appartenance à l’Eglise avec les événements révolutionnaires.
Le jansénisme en Forez a plusieurs histoires entremêlées qui parfois se
télescopent, se contredisent même en apparence. L'irrationnel de la religion
côtoie l'augustinisme le plus raffiné. Cette évolution demeure dominée par le
débat théologique et port-royaliste, ou par son souvenir, sur la grâce et la
prédestination. Les cantiques funéraires béguins rappellent l'austérité de la
vie sur terre mais aussi la toute puissance de Dieu et le bonheur éternel des
élus. Défait sur le terrain doctrinal, le jansénisme va s'affirmer sur le plan
moral par l'ascèse de vie de ses apôtres, de ses sectateurs et par un style de
spiritualité qui voulait restaurer les valeurs de l'Eglise primitive. Dans
l'histoire des religions, il a illustré un temps fort pour la revendication du
droit de libre examen et de la liberté de conscience et il a inauguré la quête
du salut individuel après le règne de la mystique d'appartenance au corps de
l'Eglise universelle.
(AVENTURIER Gérard, 1999)
Des personnalités
- DUGUET Jacques Joseph (1649- 1733)
Montbrisonnais,
professeur de théologie, il s’est exilé
(voir la notice sur DUGUET)
- FOURGON Benoît
(1687-1773)
Ecarté de la Sorbonne en raison de ses idées,
il est condamné et emprisonné à Lyon.
A partir de ses écrits son portrait est tracé
par GODART Justin, 1934 Le Jansénisme à
Lyon : Benoît Fourgon (1687-1773)
(recension in Revue
des questions historiques 1935/1
-
MEY Claude (1712-1796)
Né à Lyon, canoniste, avocat au Parlement de Paris, mort à Sens, auteur
en 1752 de Dissertation
dans laquelle on démontre que la Bulle Unigenitus n’est ni loi d’Eglise ni Loi
d’Etat
-
CHAVANE François
(1749-1804)
Né à Izieux, il fut curé
de La Tourette
(voir la notice sur CHAVANE)
-
BERGASSE
Alexandre (1754-1820)
Lyonnais,
recteur de l’Hôpital de la Charité, adhérent de la société janséniste Les Amis de la Vérité et de la Petite Eglise. Son portrait est tracé
par BERGASSE Louis, Un Janséniste Lyonnais : Alexandre Bergasse (1754-1820), Revue
d’histoire de l’Eglise de France, 1952/38/131, pp.5-51
-
JACQUEMONT François (1757-1835)
Montbrisonnais, curé de Saint-Médard en
Forez, il dut abandonner ce ministère.
(voir la notice sur JACQUEMONT)
- BAROU Jean-Joseph
(1772-1855)
Successeur de
l’abbé Jacquemont à Saint-Médard en Forez, antijanséniste, il fut vicaire
général de Lyon. Son portrait est tracé dans :
Un grand vicaire
de Lyon originaire de Chalmazel. Jean -Joseph Barou (1772 -1855), Village de Forez, 1981/5
DOCUMENTS
-
MEY Claude, 1752, Dissertation
dans laquelle on démontre que la Bulle Unigenitus n’est ni loi d’Eglise ni Loi
d’Etat
-
VALLA Joseph et alii,
1780…, Institutiones Theologicae, tome 1, tome
2, tome
4, tome 5, tomes 7 et 8
- PEY Jean, 1785, Observations
sur la Théologie de Lyon
-
1801, L'Œuvre
de ténèbres, ou les Abominations du jansénisme dévoilées par MM. les
grands-vicaires du diocèse de Lyon
- JACQUEMONT François,
1831, Vie de M. F. Chavane, curé
de la Tourette
- PLUQUET François
André Adrien (édition augmentée, MIGNE), 1863, Mémoires
pour servir à l’Histoire des égarements de l’Esprit humain Dictionnaire des
hérésies, des erreurs et des schismes, tome 2, Index
Librorum Prohibitorum, p.906-1234
- DADOLLE Pierre, 1891, Le jansénisme
à Lyon au XVIIIe siècle : Mgr. de Montazet et le séminaire Saint-Irénée
- GODART Justin, 1934, Le Jansénisme à Lyon : Benoît Fourgon
(1687-1773)
(recension
in Revue
des Questions Historiques, 1935/1)
- BERGASSE Louis, 1952, Un
Janséniste Lyonnais : Alexandre Bergasse (1754-1820), Revue d’histoire de l’Eglise de France, 1952/38/131, pp.5-51
- GADILLE Jacques, 1975, Le Jansénisme populaire. Ses
prolongements au XIXè siècle : le cas du Forez, in Aspects de la vie religieuse en Forez, Volume 7, Centre
d’Etudes Foréziennes, pp.157sq
- Village
de Forez,
1981/5, Un
grand vicaire de Lyon originaire de Chalmazel. Jean -Joseph Barou (1772 -1855)
- HOURS Henri, 1983, Le
jansénisme et ses adversaires. Le jansénisme, in GADILLE Jacques (dir.), Le
Diocèse de Lyon, p.166 et pp.180sq.
-
BERGER Gérard, 1993, Jansénisme,
intolérance et raison d’Etat : regards sur l’apostolat de François
Chavane, curé de La Tourette (1749-1804) , Etudes d’Histoire, Université de Saint-Etienne, pp.39-53
- CHANTIN Jean-Pierre,
1994, Les Amis
lyonnais de l’Œuvre de la Vérité : une permanence des Jansénistes
convulsionnaires du XVIIIe siècle à nos jours, thèse
d’histoire, Université Jean Moulin-Lyon
(recension par Christine Lamarre, Chrétiens et Société, 1995/2)
- CHANTIN Jean-Pierre, 1996, Le Jansénisme
- CHANTIN Jean-Pierre, 1998, Les Amis de l’œuvre de la Vérité : Jansénisme, miracles et fin du monde au XIXème siècle (texte intégral)
(recension
par Bernard Chédozeau,
Archives de Sciences Sociales des Religions 2000/112)
- AVENTURIER Gérard, 1999, Histoire du Jansénisme en Forez (conférence)
- VIDAL
Daniel, 2001, Expériences de fin du
monde : un jansénisme en convulsion, un calvinisme en prophétie, Archives de Sciences Sociales des Religions 2001/114, pp.21-37
- CASTAGNETTI P., MOREAU P., AVENTURIER G., COLLET A., 2004, Le Jansénisme en Forez au XVIIIème siècle, Entretemps n°3, Université de Saint-Etienne
-
CHOPELIN Paul, 2005, Le journal des convulsionnaires de Charlieu (1780-1783). Analyse
critique et perspectives de recherche
- VALLIN
Pierre, 2009, Le curé
d’Ars en un temps de révolutions,
1ère éd. 1988
(recension par Paul Chopelin, Chrétiens et Sociétés n°16)
- Accès au Fonds janséniste de la Bibliothèque Municipale de Saint-Etienne : par culture.fr, par mémoiresetactualité.org fonds janséniste
- ForezInfo,
Histoire
de Notre-Dame de Grâce
- voir la notice sur le cardinal MALVIN de MONTAZET
- voir la notice sur DUGUET
- voir la notice sur CHAVANE
- voir
la notice sur JACQUEMONT
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