lettre
de Leidrade à Charlemagne
IXè
s.
Au
grand empereur Charles,
Leidrade,
évêque de Lyon,
salut.
Notre
maître, empereur sacré et perpétuel, je supplie la bonté de Votre Altesse
d'écouter d'un visage serein ce bref avis, pour que son contenu puisse être
connu de votre très sainte sagesse, et que l’objet de ma requête soit rappelé à
votre bonté naturelle.
Jadis,
moi le plus humble de vos serviteurs, vous avez voulu me désigner pour diriger
l'Eglise de Lyon, bien que je sois ni digne et ni apte à cette charge. Mais
vous qui n’écoutez pas les mérites des hommes mais votre habituelle bonté, vous
avez agi avec moi comme il a plu à votre ineffable sainteté, sans aucun mérite
de ma part ; et vous avez daigné vous souvenir de moi pour que je dirige
toute mon attention vers cette Eglise et que les négligences qui y ont été
accomplies et portées à votre connaissance soient corrigées et évitées.
En
effet faisait défaut beaucoup de choses à cette Eglise, extérieurement et
intérieurement, tant pour les charges que pour les édifices et autres
ministères ecclésiastiques. Ecoutez ce qu'avec l’aide de Dieu et le vôtre, moi,
votre très humble serviteur, j’ai accompli depuis mon arrivée. Que le Seigneur
tout-puissant qui perce les consciences m'en soit témoin, si je vous fais
connaître ce que je vais dire ce n’est pas dans l’intention de m’en voir
attribuer les mérites, pas plus que je ne l’ai cogité pour en recueillir
quelque profit personnel, en fait c’est parce que je me dis chaque jour que je
vais quitter ce monde, vu mon état de santé, je me dis que je vais mourir sous
peu. En vérité je souhaite qu’après mon décès ne s’éteigne ni ne périsse ce qui
est porté ici à vos oreilles très bienveillantes pour être jugé avec bonté, si
vous pensez que cela a été bien accompli selon votre volonté.
Ainsi donc, après
avoir reçu cette Eglise sur votre ordre, je me mis au travail, de mes faibles
forces, pour obtenir, avec l’aide de Dieu, les
clercs qu’en
grande partie il me paraît nécessaire d’avoir. Et votre sentiment
du devoir religieux a permis que vous m’accordiez, à ma demande, de rendre ses
anciens revenus à l’Eglise de Lyon ; c’est ainsi qu’avec l’aide de Dieu et les
secours que vous nous avez consentis, dans l’Eglise de Lyon est instaurée une
façon de chanter les psaumes, qui semble suivre en grande partie, autant que
possible, le rite du sacré palais, en tout ce qu’exige le bon déroulement de
l’office divin. En vérité j’ai des écoles de chantres dont plusieurs sont si
instruits qu’ils peuvent instruire les autres. De plus j’ai des écoles de
lecteurs, qui non seulement s’acquittent de leurs charges de lecture mais
encore recueillent les fruits de l’intelligence spirituelle dans la méditation
des livres divins. Parmi eux quelques-uns peuvent aussi comprendre le sens
spirituel du livre des Evangiles et en vérité plusieurs ont l'intelligence
spirituelle des livres des prophètes ; pareillement, des livres de
Salomon, ou des livres des Psaumes et même de Job. Dans cette Eglise je me suis
aussi adonné tant que j’ai pu à la transcription des livres ; pareillement
j’ai veillé à l’habit et à l’activité des prêtres.
Je n’ai cessé aussi
de restaurer des églises, autant que j’en ai été capable, si bien que j'ai refait la couverture de
l’église majeure de cette ville, dédiée à saint Jean-Baptiste, et en partie
relevé ses murs ; pareillement j'ai refait la toiture de l'église de
Saint-Etienne ;
j'ai encore rebâti l'église
de Saint-Nizier ;
pareillement celle de
Sainte-Marie ;
sans parler des
restaurations de monastères, de maisons épiscopales : j’ai restauré et
recouverte l’une d’entre elles qui avait été presque détruite. J'ai construit
aussi une autre maison avec terrasse et une identique que je vous ai réservée
pour que vous puissiez y être reçu, si vous veniez dans la région. J'ai
construit un cloître pour les clercs dans lequel tous maintenant sont censés
demeurer sous le même toit. J'ai restauré encore dans cette cité d'autres
églises : l'une dédiée à sainte Eulalie, où se trouvait un monastère de
filles dédié à saint Georges, dont j’ai refait la couverture et reprendre en
partie les fondations des murailles. Une autre maison dédiée à saint Paul a
aussi été recouverte.
Et aussi le monastère de
filles dédié à saint Pierre, où est inhumé le corps du saint martyr Annemond,
évêque et martyr, qui l’avait lui-même fondé. J’ai restauré à partir des
fondations l’église et la demeure où maintenant vivent selon la règle instituée
des consacrées au nombre de trente-deux.
J’ai restauré le monastère royal de l'Ile Barbe
(*), réfection de la toiture et redressement d’une partie des fondations, où
maintenant vivent des moines selon la discipline de la règle au nombre de
quatre-vingt-dix. Nous avons donné à son abbé le pouvoir de lier et délier,
comme l'avaient eu ses prédécesseurs Ambroisius, Maximinus, Licinius, hommes
illustres qui ont gouverné ce domaine : ceux-là, Eucher, Loup, Genest et
les autres évêques de Lyon, lorsqu'ils faisaient défaut ou ne pouvaient être
là, les chargeaient de savoir si la foi catholique était correctement vécue, pour
que l’erreur hérétique ne se répandît point. A ceux-là était confié le soin, au
cas où l'Église de Lyon devenait veuve de son chef, d’être là pour diriger en
toutes choses et consoler, jusqu'à ce que l’Eglise fût par la grâce à Dieu
honorée d'un très digne pasteur. Nous avons donné pareillement ce pouvoir à
leurs successeurs. De plus, nous avons ordonné que les décrets des anciens rois
de France fussent exécutés, de sorte que ceux-là, de la même manière qu’ils
avaient pu acheter des édifices et agrandir leur domaine, possèdent pour
toujours sans contestation ce qu’ils ont actuellement ou pourront acquérir avec
l’aide de Dieu dans le futur.
(*) situé au milieu de la Saône, qui a été
édifié autrefois en l’honneur de saint André et de tous les Apôtres, maintenant
on découvre qu’il a été fondé aussi en l’honneur de saint Martin, sur l’ordre
de l’empereur Charles, qui y établit comme abbé Benoît, avec lequel il a organisé l’envoi ici de ses
livres.
DOCUMENTS
- MIGNE, Patrologia Latina, 99/871-873
- L'antiquité grecque et latine du moyen âge, Leidrade,
lettre à Charlemagne
- RUBELLIN Michel,
2003, Église
et société chrétienne d'Agobard à Valdès, pp.265sq
- voir les notices sur Leidrade,
les abbayes
de l’Ile-Barbe, Saint-Pierre,
les archevêchés, le Cloître Saint-Jean…