Joseph
Rambaud
1849-1919
Joseph
RAMBAUD naît à Lyon en 1849.
Il est élève au collège
des Jésuites de Mongré puis obtient une licence de lettres et une licence de
droit.
En 1870, au moment
où les Etats pontificaux sont menacés, il s'engage comme zouave pontifical.
En 1872 il obtient
un doctorat en droit.
En 1876 il enseigne
le droit romain à la Faculté catholique de droit de Lyon.
En 1886 il inaugure
la chaire d'économie politique à cette même faculté.
Il est maire de
Vaugneray, conseiller général du Rhône.
Héritier de
propriétés rurales, il a une fortune à gérer : il est ainsi actionnaire et
administrateur de plusieurs sociétés industrielles.
Il est
membre de la Congrégation des Messieurs de Lyon, de l’Œuvre de Saint François
Régis, du Comité pour la défense des intérêts catholiques dans le diocèse de
Lyon, de la Société d'Economie politique de Lyon.
Joseph RAMBAUD décède à Lyon en 1919.
L’Economiste
et l’encyclique Rerum novarum
Pour lui les principes de l’économie appartiennent à la loi
naturelle voulue par Dieu et sont donc premiers par rapport aux lois de la société
civile. Il publie deux ouvrages :
1894 Eléments d’économie
politique.
C’est
son enseignement universitaire où il critique Les Principes d’économie politique du protestant Charles Gide et
les « idées catholiques-sociales »
des partisans de la démocratie chrétienne ; ces derniers tentent de
convaincre les autorités ecclésiastiques que ses principes contredisent
l’encyclique Rerum Novarum mais ne
parviennent pas à faire condamner l’ouvrage.
1899, Histoire des doctrines
économiques
Il
décrit diverses théories économiques et voit dans l’encyclique de Léon XIII la
répétition de « la doctrine libérale
tempérée par l’Evangile » (RASTELLO) et non point une nouveauté comme
certains l’écrivent ; il critique l’ouvrage Etudes sociales, précédées de l’Encyclique « Sur la Condition des
Ouvriers » (1897, cité aux pp.330 et 337) de l’abbé Elie BLANC,
enseignant à la Faculté de théologie de Lyon, en ces termes :
Il y est écrit, par exemple, que « l'extrême
richesse est mauvaise et que, fût-elle légalement acquise, la société aurait
encore le droit de s'affranchir et de sévir contre elle » ; puis, comme « il faut tomber
d'accord sur quelques réformes radicales (car les demi-mesures ne sauveront
pas) », il est nécessaire de «
poursuivre la ploutocratie jusque dans sa source, ... en assignant même un
maximum à la fortune individuelle, par le moyen de l'impôt progressif, etc.
C'est avec de pareilles réformes — y
est-il ajouté — que les candidats catholiques devront se présenter devant
le peuple. » Or, dans le domaine de la
pratique, les envies égalitaires et démocratiques travailleront avec succès à
élargir ces portes que l'on ouvre aux confiscations discrétionnaires ; et dans
le domaine de la théorie, nous trouvons, quant à nous, un sens tout différent
au passage de l'Encyclique Rerum novarum
du 15 mai 1891 par lequel Léon XIII, posant en principe que « le droit de
propriété privée émane de la nature et non pas des lois humaines », déclarait, à la même ligne,
que « tout ce que peut l'autorité publique, c'est de tempérer
l'usage de cette propriété et de le concilier avec le bien commun », et que cette autorité « agit contre la
justice et l'humanité quand, sous le nom d'impôts, elle grève outre mesure les
biens des particuliers ».
(p.495)
Le Patron du Nouvelliste
Il existe à Lyon plusieurs
publications catholiques conservatrices comme L’Echo de Fourvière, fondé par Joannès
Blachon secrétaire de la commission de Fourvière, Le Salut
public et La Décentralisation, qui
ont une diffusion réduite face aux publications laïques (Le Progrès de
Lyon fondé en 1859, Lyon républicain fondé en 1873).
Le projet de créer un journal populaire, conservateur, catholique, est soutenu par des membres de la Congrégation des Messieurs comme Joseph Blanchon ou Prosper Dugas, de l’Association des anciens élèves de Mongré, de l’Association catholique des Patrons de Lyon, de l’Union corporative de la Fabrique Lyonnaise... N’adhèrent pas directement à ce projet d’autres catholiques lyonnais comme Lucien Brun, président du Comité de défense des intérêts catholiques dans le diocèse de Lyon, Laurent Brac de La Perrière, doyen de la faculté catholique de Droit, ou encore Edouard AYNARD.
Le 14 mai 1879, RAMBAUD et ses associés créent la Société anonyme du Nouvelliste de Lyon qui a son siège social 37
place Bellecour.
Pour rassembler le plus de lecteurs
possibles (bientôt 40 000 exemplaires), le journal ne prend pas de
positions extrêmes et cherche à rassembler les catholiques lyonnais : des augmentations
de capital se succèdent.
En 1883 est fondé L'Express (65 rue de la république) dans lequel se reconnaissent
davantage des catholiques libéraux comme Edouard AYNARD. Le Nouvelliste se radicalise en prenant des positions plus
conservatrices.
L’entreprise, devenue une réussite
économique, achète en 1886 l’imprimerie qui l’édite rue Sala ; en 1889
elle achète deux immeubles 16-18 rue François-Dauphin près de Bellecour, et y
installe son imprimerie.
Un bureau parisien (26 rue Feydeau)
est créé qui sert d’agence d’information et de support à des journaux
provinciaux de même orientation politique et religieuse.
En 1891 à travers son journal Joseph RAMBAUD soutient le Comité
lyonnais de l'Union de la France chrétienne jusqu'à ce que le Pape Léon XIII en
1892 appelle les catholiques français à se rallier à la République.
En 1893 c’est contre Le
Nouvelliste, qu’il estime « rallié
du bout des lèvres » à la République, que François Ignace Mouthon
fonde La France Libre, journal lié
aux cercles ouvriers et à la Ligue d’Union nationale de l’abbé Garnier, avec
lequel il organise le congrès de la démocratie chrétienne de Lyon en 1896.
En 1897, RAMBAUD demande au Cardinal COULLIE de réagir contre ces catholiques qui pensent être libres de leur organisation politique
sans en référer à l’épiscopat. Celui-ci lui répond qu’« en dehors des circonstances où l’obéissance
s’impose, je laisse et laisserai à chaque journal son indépendance au sujet des
questions si délicates et si difficiles qui agitent les esprits. Evêque et
ministre de la Paix, avec le Souverain Pontife, je prie pour l’union des âmes
dans la charité et dans la liberté ». (cité par MAYEUR, 1962, pp.190-191)
Homme
de tradition et de vertus solides, il a incarné la résistance aux attaques du
laïcisme anticlérical aussi fermement qu'à la contre-attaque du catholicisme
social. Il n'a jamais pensé que le droit divin dont se prévalait la monarchie
absolue fût passé à l'entreprise capitaliste, ni qu'a la loi du sang avait
succédé la loi du marché. A l'aveuglement d'une économie naturelle, il a
toujours opposé sa régulation par une instance supérieure au vouloir humain.
Corrélativement, ce qu'il attendait de celle-ci excluait qu'il remit à l'Etat
le destin des plus faibles dans la société. Son expérience l’avait trop
persuadé qu'on est chacun — individu, famille ou nation — ce qu'on se fait
soi-même sans vous, personne ne peut rien pour vous, et ce que vous pouvez,
pour vous comme contre vous, dépend d'abord de vous. Et ce que vous attendez de
l'Etat commencera par le nourrir avant de se retourner contre vous.
(POULAT, p.178)
DOCUMENTS
- RAMBAUD
Joseph, 1899, Histoire des doctrines
économiques
- MAYEUR,
1962, Les
Congrès nationaux de la "Démocratie chrétienne" à Lyon
(1896-1897-1898) , Revue d’histoire moderne et contemporaine,
-
RASTELLO
M.J., 1992, Joseph Rambaud et l’Encyclique Rerum
Novarum, in DURAND J.D., COMTE B., et alii
(dir.), Cent ans de catholicisme social à
Lyon et en Rhône-Alpes
-
FOURNIER Alexandre, 2000, Les
réseaux conservateurs à Lyon, à la fin du XIXe siècle (1880-1900)
- POULAT Emile, 1982, Modernistica. Horizons. Physionomies. Débats, Une Famille
traditionaliste. Les Rambaud, pp169sq
- Bibliothèque
Municipale de Lyon, 2007 , L’Esprit d’un
siècle : Lyon 1800-1914
-
voir notices sur Cardinal
COULLIE, Elie
BLANC, Congrès
de la démocratie chrétienne à Lyon…
g.decourt