sociétés de prêtres
avant 1792
Caractéristiques
C’est dans des paroisses de l’Ouest du diocèse de Lyon
qu’est mentionnée la présence de « sociétés
de prêtres ».
Celles-ci sont constituées de prêtres qui,
- sont tous nés et baptisés (« nés et renés ») dans la même
paroisse,
- demeurent toujours dans celle-ci,
- n’ont généralement
pas de bénéfices attachés à une fonction curiale (curé, vicaire),
- vivent d’honoraires de messes (fondations pieuses),
- partagent les revenus
de ces fondations,
- sont souvent régis
par des statuts
- vivent dans leur
famille d’origine ou en groupe.
Certains
vivent sans autre confrère et n’appartiennent à aucune société proprement dite.
C’est le cas dans de petites paroisses.
La dénomination
de ces sociétés de prêtres varie selon les provinces. Ainsi parle-t-on de familiarités en Franche Comté, de méparts en
Bourgogne (GENEVRIER, 2008, p.95), de prêtres
du Purgatoire ou purgatoriers
dans le midi de la France, d’enfants-prêtres
dans les diocèses de Bourges et de Toul, de prêtres
filleuls ou prêtres communalistes
en Auvergne (GOMIS, non daté, p.2).
Leur caractéristique
principale est donc d’être des prêtres issus des familles locales (des natifs,
des enfants du pays), qui souvent vivent dans leur famille et sont, de ce fait,
très proches des gens.
Missions
La Réforme tridentine
va élever leur niveau de formation, pauvre jusque-là en comparaison de celle du
clergé nommé par l’évêque. Celui-ci va souvent les doter de statuts pour
préciser les relations avec l’autorité (curé), les conditions d’admission
(formation entre autres), les tâches (offices paroissiaux…), la gestion
économique, la tenue vestimentaire, etc.
Leur mission essentielle
est la prière :
- célébration de messes
pour les défunts des familles et de messes de dévotion (intention
particulière), avec des degrés de solennité différents (les
« classes » des rituels) nécessitant plus ou moins de prêtres pour
assurer les fonctions liturgiques (diacre, sous-diacre) et les chants,
- liturgie chantée des
Heures (trois offices en journée).
Ils sont appréciés
des gens pour deux raisons principales :
- la solennité de leurs
offices
Les
filleuls et les communalistes, plus encore les seconds que les premiers,
constituent véritablement un clergé apprécié lorsqu’il s’agit de célébrer le
culte. Par la solennité qu’ils apportent à la célébration du culte, ils
répondent parfaitement au souci de dignité que réclame le concile de Trente.
Pas question cependant qu’ils se substituent aux bénéficiers en titre. Ils sont
là pour rehausser la qualité de la liturgie. On leur demande ainsi de remplir
des fonctions dévolues, dans certaines églises cathédrales et collégiales, aux
jeunes clercs.
(GOMIS, non daté, p.8)
- leur proximité de vie
Les
fondations pieuses montrent combien les fidèles ont foi dans la prière et dans
l’intercession des saints. Or, qui mieux que les prêtres de leur paroisse peut
se charger de dire des messes pour le salut de leurs âmes. Ils sont natifs de
la paroisse, baptisés sur les fonts baptismaux de l’église paroissiale. Ils
sont aussi, et peut-être surtout, leurs fils, leurs frères, leurs neveux.
Intercéder pour les vivants et les morts, telle est la mission fondamentale du
prêtre filleul.
(GOMIS, 2003, pp.199-200)
Puis, le nombre de messes diminuant,
ces prêtres deviennent souvent, en plus, auxiliaires de la paroisse,
confesseurs et visiteurs de malades, mais aussi instituteurs dans les écoles.
Une autre fonction de ces sociétés de
prêtres est économique.
-
Elles reçoivent des paroissiens des
dons pour célébrer des messes, souvent sous forme de biens fonciers ou
immobiliers, ou de rentes.
-
Elles mettent en commun ces dons et ces
biens, et disposent ainsi d’intérêts, de revenus partagés.
-
Elles peuvent alors prêter de l’argent
aux paroissiens, à des taux moindres que les usuriers du temps.
Suppression
Ces sociétés meurent avec l’Ancien
Régime.
La Révolution
mit définitivement un terme à l’histoire séculaire des communautés de prêtres.
La Constitution civile du clergé, adoptée par l’Assemblée nationale le 12
juillet 1790, permet encore aux communautés de subsister et de percevoir leurs
revenus, mais elle leur interdit tout recrutement. Jusqu’en août 1792,
celles-ci vont donc survivre, leur existence étant ponctuée par plusieurs
décrets. Parmi les plus importants, ceux des 10 et 18 février 1791 ordonnent
que les immeubles réels des fondations de messes et autres services établis
dans les églises et succursales, seront vendus, selon les mêmes formes et aux
mêmes conditions que les biens nationaux. Toutefois, ils assurent aux
communalistes le paiement d’une indemnité représentant 4% du produit de la vente.
Enfin, dernier acte, la loi du 18 août 1792, en supprimant les congrégations
séculières, signe la mort légale des communautés.
(GOMIS, 1999, p.240)
La Constitution
civile du clergé, au titre I, article 24, prévoit ainsi leur fin :
Les fondations de messes
et autres services, acquittés présentement dans les églises paroissiales par
les curés et par les prêtres qui y sont attachés, sans être pourvus de leurs
places en titre perpétuel de bénéfice, continueront provisoirement à être
acquittées et payées comme par le passé, sans néanmoins que dans les églises où
il est établi des sociétés de prêtres non pourvus en titre perpétuel de
bénéfice, et connus sous les divers noms de filleuls, agrégés, familiers,
communalistes, mépartistes, chapelains ou autres, ceux
d'entre eux qui viendront à mourir ou à se retirer puissent être remplacés.
Le Droit Canon de
1917 précisera plus tard les règles des honoraires de messes (« fondées » ou « confiées ») au canon 826 :
§ 1 Les honoraires de messes donnés par des fidèles par dévotion propre de
la main à la main ou en vertu d’une obligation même perpétuelle faite par le
testateur à ses propres héritiers, sont appelés manuels.
§ 2 A L’instar de manuels sont les honoraires de messes fondées, qui ne
peuvent être appliqués dans le lieu propre ou par ceux qui devraient le faire
selon les tables de fondation et qui dès lors, en vertu du droit ou par indult
du Saint-Siège, sont transmis à d’autres prêtres pour que ceux-ci y
satisfassent.
§ 3 Les autres honoraires qui sont prélevés sur des revenus de fondations
sont appelés messes fondées.
Localisations
Avant la réforme
administrative mise en œuvre sous la Révolution plusieurs paroisses de l’Ouest de
l’actuel diocèse de Lyon font partie des diocèses d’Autun, de Clermont ou du
Puy, où les historiens notent une forte présence de ces sociétés. Cette
situation explique la présence de sociétés de prêtres dans les paroisses
voisines de ces diocèses limitrophes. Mais on en trouve aussi ailleurs.
On signale ainsi la
présence de prêtres sociétaires à Villerest, Saint André d’Apchon, Roanne,
Amplepuis, Beaujeu, Châtillon-sur-Chalaronne, Saint-Chamond,
Chazelles-sur-Lyon, Saint Symphorien-sur-Coise, Boën, Sainte Foy de Cervières,
Saint-Etienne avec des sociétaires connus comme Jean Chapelon ou Antoine
Thiollière. Plusieurs de ces sociétés ont davantage
été étudiées.
Voir :
- Société de prêtres de Saint Bonnet
le Château
- Société de prêtres de
Saint-Just-en-Chevalet
- Société de prêtres de Sury-le-Comtal
DOCUMENTS
- DECREAU Jean, 1941, Le
« mépart » de Paray-le-Monial, Revue d'histoire de l'Église de France, 27/111, pp. 73-78
-
WELTER Louise,
1949, Les
communautés de prêtres dans le diocèse de Clermont du XIIIe au XVIIIe siècle, Revue
d'histoire de l'Église de France, 35/125, pp. 5-35.
- GOMIS Stéphane, non daté, Les
communautés de prêtres dans la France du XVIIIème siècle : un clergé en dehors
de la norme ? Paris Sorbonne
-
GOMIS Stéphane, 1999, La
survie d’un ancien type de carrière cléricale. Les communautés de prêtres,
in DOMPNIER Bernard, Vocations d’Ancien
Régime. Les gens d’Eglise en Auvergne aux XVIIe et XVIIIe siècles.
-
GOMIS Stéphane, 2003, Les
communautés de prêtres. Une autre façon de célébrer l’opus Dei aux XVIIe et
XVIIIe siècles, in DOMPNIER Bernard (dir.), Maîtrises et Chapelles aux XVIIe et XVIIIe
siècles. Des institutions musicales au service de Dieu.
-
GOMIS Stéphane, 2006, Les
« enfants prêtres » des paroisses d’Auvergne, XVIe-XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal. Recension par DELSALLE Paul, Bulletin EHESS 2007/3
- GENEVRIER Frédéric, 2008, La
Communauté de prêtres, desservant l’église paroissiale de Gray, d’après leur
comptabilité et les archives de la paroisse de Gray (1486-1530), in THEUROT
J., BROCARD N. (dir.), La ville et l'Eglise. Regards croisés
entre Comté de Bourgogne et autres principautés
g.decourt