musée du diocèse de lyon

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Petite Eglise de Lyon

1801

 

 

 

 

 

L’archevêque De MALVIN De MONTAZET, jusqu’à sa mort en 1788, fait montre de tolérance envers le mouvement janséniste et tolère dans le diocèse les Amis de l’Œuvre de la Vérité et les Amis de l’Œuvre des convulsions, ainsi que les « prêtres appelants » (appelant les fidèles à contester la bulle Unigenitus du Pape Clément XI de 1713 condamnant le jansénisme et refusant de signer le Formulaire antijanséniste devenu obligatoire en 1730 pour prétendre à une bénéfice ecclésiastique), qui reçoivent le soutien dans le Forez d’Oratoriens, et à Lyon de Dominicains.

 

Beaucoup de ces fidèles jansénistes voient dans la Révolution la fin d’un monde, ou du monde pour ceux qui épousent les thèses millénaristes, et une punition infligée à l’Eglise de France qui s’oppose aux « Amis de la Vérité ».

 

En 1790 plusieurs prêtres refusent la Constitution civile du clergé, notamment ceux Amis de l’Œuvre de la Vérité et ceux de l’Œuvre des convulsions, et bien sûr la légitimité de Mgr LAMOURETTE (1791-1794) sur le siège épiscopal de Lyon. Mais ils sont aussi mis à l’écart par l’abbé LINSOLAS, vicaire clandestin de l’archevêque légitime résidant à Paris, Mgr MARBEUF, par une circulaire du 14 septembre 1794 et une ordonnance du 1er janvier 1797 qui interdit aux fidèles d’avoir recours à leur ministère (LESTRA, p.110)

 

En 1801 lors de la signature du Concordat entre le Consul Bonaparte et le Pape Pie VII est exigée la démission des évêques de l’Ancien Régime pour permettre la mise en place d’évêques sur les nouveaux diocèses. Vingt-neuf évêques donnent leur démission, trente-huit évêques s’y opposent, les autres tergiversent. Le siège de Lyon est vacant depuis la mort en 1799 de Mgr MARBEUF qui ne résida jamais dans son diocèse. L’oncle de Napoléon, Joseph FESCH, devient le nouvel archevêque.

 

En 1802 sont ajoutés par le gouvernement français les Articles organiques qui établissent de nouvelles règles, par exemple les dates des fêtes religieuses. Les fidèles sont souvent désorientés par ces changements ; des prêtres qui se sont opposés à la Révolution se sentent trahis.

 

Des évêques anticoncordataires s’exilent en Angleterre, des prêtres quittent la France, d’autres avec les fidèles entrent dans la clandestinité et refusent tout contact avec l’Eglise concordataire, considérant ses évêques et ses prêtres comme des « intrus » : ils sont appelés la Petite Eglise ; leurs prêtres reçoivent leurs « pouvoirs » des évêques exilés.

 

Dans le Forez l’abbé JACQUEMONT, qui a été démis de ses fonctions de curé de Saint-Médard-en-Forez en 1803, rend possible la fréquentation des concordataires par ses propres fidèles, appelés dès lors « communicants » ; il tente d’en convaincre les groupes de Lyon et du Beaujolais qui rejettent plusieurs fois ses propositions.

 

La Petite Eglise de Lyon (et du Beaujolais) est animée dans cette première période par des membres proches des convulsionnaires :

 

CHAIX Jean-Dominique (1745-1807)

Il est prêtre dominicain qui n’a pas eu à signer le Formulaire antijanséniste. Il fait partie de l’Œuvre des convulsions ; il correspond avec le groupe de Lyon ; il rejette la Constitution civile du clergé de 1790 ; il doit quitter la France jusqu’en 1797 où il revient s’installer à Lyon. En 1802 il écrit un Catéchisme sur le Concordat dans lequel il rappelle que le découpage des diocèses ne relève pas de l’autorité civile et ne peut contredire les décisions des conciles, que les nouveaux évêques et prêtres nommés sont des « intrus », que la fidélité à l’Eglise suppose un clergé non concordataire.

 

DESFOURS De La GENETIERE Charles (1757-1819)

(voir notice)

 

BERGASSE Alexandre (1754-1820)

(voir biographie)

 

GERMAIN Claude, diocésain (1750-1831)

Il naît en 1780 à Lacenas en Beaujolais. Prêtre du diocèse de Lyon, après avoir signé le formulaire antijanséniste il se rétracte. Il devient curé de son pays natal. Il appartient à l’Œuvre des convulsions. Après avoir accepté la Constitution civile du clergé de 1790 il se rétracte en 1792. Il doit quitter la France jusqu’en 1797 où il revient sur Lyon. Avec l’abbé CHAIX il dirige la Petite Eglise de Lyon et du Beaujolais et comme lui refuse tout rapport avec le clergé concordataire.

 

En 1810 dans son ouvrage Sur la conduite à tenir à l’égard du gouvernement actuel, l’abbé BERGASSE fixe le comportement à tenir.

 

En 1814, avec la Restauration, le Cardinal FESCH quitte le diocèse mais en reste l’archevêque jusqu’à sa mort en 1839 : c’est Mgr Gaston Des PINS qui dirige le diocèse en tant qu’administrateur apostolique durant toute cette période.

 

En 1817 un nouveau concordat se prépare entre Rome et Paris. Beaucoup des membres de la Petite Eglise sont déçus de l’attitude de six de leurs évêques qui adhèrent à ce concordat, qui ne sera d’ailleurs jamais ratifié ; de fait sont maintenues la plupart des clauses du Concordat de 1801.

 

L’abbé GERMAIN met en place une formation de séminaristes dans le Beaujolais, mais Mgr Thémines, seul évêque resté anticoncordataire, refuse en 1823 de les ordonner prêtres, jugeant leur formation trop liée à l’Œuvre des convulsions. Il ne parvient pas non plus à rallier à la Petite Eglise d’autres prêtres. A sa mort en 1831 il lègue à la communauté ses vignes beaujolaises dont les revenus permettent de financer les écoles privées. Avec lui disparaît le dernier prêtre de la Petite Eglise dans le diocèse de Lyon.

 

En 1832 l’abbé JACQUEMONT renouvelle encore une fois, et sans succès, sa proposition de prise de contact avec l’Eglise concordataire dans un texte intitulé Motifs de réunion, proposés à nos frères dissidents, par un ami de la vérité et des libertés de l’Eglise gallicane. Il continuera d’animer jusqu’à sa mort en 1835 des rencontres de jansénistes avec les Amis de l’Œuvre de la Vérité.

 

Maintenant dirigés par un laïc, Benoît Pont, de 1831 à 1853, les « lyonnais » refusent la profession de foi préparés par les vicaires généraux de Mgr Thémines, et ne bénéficient plus du ministère de prêtres venant d’autres diocèses ; ils refusent aussi les services de prêtres qui leur semblent suspects.

 

En 1848 les « lyonnais » demandent leur adhésion à l’Eglise janséniste d’Utrecht qui la refuse.

 

Laissés seuls à eux-mêmes, les membres de la Petite Eglise sont partagés : une partie des fidèles fréquentent les églises même si des prêtres concordataires leur refusent les sacrements ou qu’ils se refusent à les recevoir de leurs mains ; quelques-uns constituent des communautés à part, animées souvent par les « séminaristes » refusés aux ordres par Mgr de Thémines, donc sans clergé, et ne reconnaissant pas l’autorité des évêques et prêtres concordataires car « occupant injustement la place des pasteurs légitimes dépossédés » (CHOMEL), mais reconnaissant l’autorité du Pape sur l’Eglise universelle.

 

 

 

En 1869, deux délégués lyonnais, Marius DUC (1824-1895) et Jacques BERLIET (famille dont l’un des membres, Marius, fondera l’entreprise éponyme), sont envoyés porter aux évêques réunis en concile à Rome un mémoire sur leur situation d’anticoncordataires. Des débats ont lieu sur la question, mais aucune réponse n’est faite en raison de l’interruption du concile.

 

Le Cardinal CAVEROT (1876-1887) prend contact avec certains membres de la Petite Eglise.

 

En 1888, Mgr FOULON (1887-1893) rencontre la veuve de Jacques BERLIET. A partir de 1892 il entretient une correspondance avec Marius DUC. Il expose au Pape Léon XIII la situation des membres de la Petite Eglise, qu’il estime orthodoxes sur le plan de la foi, exemplaires sur celui des mœurs et désireux de recevoir les sacrements dont ils sont privés ; il lui demande d’avoir une attitude plus conciliante à leur égard. La réponse sera de rappeler le bienfait du Concordat signé par le Pape Pie VII.

 

Le Cardinal COULLIE (1893-1912) regrette la sévérité du jugement et parvient à convaincre Léon XIII de faire un geste : ne pas exiger de rétractation pour faciliter leur retour. Plusieurs familles réintègrent l’Eglise diocésaine, dont celle de Marius DUC en janvier 1894, en participant à un office.

 

Dans une lettre datée du 11 mars 1894 le Cardinal COULLIE écrit à son clergé au retour de la visite ad limina :

 

Animé d'une manière admirable de l'Esprit de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Léon XIII se préoccupe sans cesse de ramener au bercail les brebis égarées. Sa pensée, ses prières, on peut dire son cœur tout entier se dirige partout où il peut y voir schisme ou désunion. Aussi a-t-il été réjoui en apprenant que plusieurs membres de la Petite Eglise étaient revenus à la communion de l'Eglise universelle. Une bénédiction toute paternelle a répondu à cette démarche, et nous savons qu'elle n'hésitera pas à manifester publiquement cette joie, lorsque tous ses enfants, un instant séparés, se seront placés de nouveau sous sa suprême et douce autorité.

(cité par CHOMEL)

 

Par l’entremise de l’abbé Chomel, curé de la paroisse Saint-Augustin à la Croix-Rousse, le cardinal COULLIE propose au chef de la Petite Eglise de passage à Lyon de venir expliquer lui-même à la communauté les appels du Pape et la manière de revenir. Comme il ne reçoit pas de réponse, il charge l’abbé Chomel de s’informer : la réponse est envoyée au Pape pour lui dire qu’on ne peut répondre à quelqu’un dont on conteste l’autorité et lui demander une condamnation des injustices dues aux concordats.

 

Le Cardinal COULLIE décide alors de rédiger une lettre à chacun des chefs de famille. (voir lettres du cardinal COULLIE, document A)

 

Suite à sa lettre les retours sont limités.

 

A l’approche du vote de la Loi de Séparation, le Cardinal COULLIE estime le moment venu de proposer une réunification. Le 22 février 1905 il écrit à l’abbé Chomel en ce sens. (voir lettres du cardinal COULLIE, document B)

 

L’abbé Chomel attend la dénonciation du concordat par la loi avant d’entamer une démarche auprès des familles. Le 9 février 1907 il écrit dans la Semaine religieuse un article sur la situation ; il précise : « aujourd’hui le pouvoir civil a dénoncé le Concordat. La cause principale du schisme de la Petite Eglise n’existe plus. Il ne devrait plus y avoir d’anticoncordatistes ». Il demande aux lecteurs de lui transmettre les coordonnées des familles pour leur communiquer la lettre du cardinal.

 

Cet appel comme d’autres restent sans succès.

 

 

 

Dans la région lyonnaise les membres de la Petite Eglise sont regroupés en Beaujolais et à la Croix-Rousse principalement. Ce sont des groupes familiaux solidaires entre eux, avec leurs écoles, entreprises, bibliothèques, chapelles construites dans des propriétés privées, etc.

 

Les « chefs (qui) président leurs réunions et les funérailles, ondoient les enfants, administrent les biens de la communauté, veillent à l’instruction religieuse de la jeunesse, conservent avec soin les archives de la Petite Eglise et transmettent à leurs frères plus jeunes les traditions de leurs pères » (CHOMEL). Ils ne se considèrent pas du tout comme un clergé ; ils attendent que le Pape dénonce le concordat pour réintégrer pleinement l’Eglise catholique et recevoir les sacrements des prêtres.

 

Le Cardinal GERLIER fait dresser une listes d’adresses des anticoncordataires du diocèse afin de pouvoir leur écrire avant de partir au second concile du Vatican : sur 80 adresses 46 sont situées sur Lyon, dont 31 à la Croix-Rousse, et certaines dans le même immeuble. La réponse préparée par les membres de la Petite Eglise sera de dire qu’ils attendent toujours la réponse à leur demande formulée lors du premier concile du Vatican.

 

Après le concile de Vatican II, pour un anticoncordataire qui veut assister à la messe, on n’exige pas de rétractation ni de sacrement de confirmation : l’acte de baptême de sa communauté est reconnu. S’il demande à se marier à l'église, c’est l’archevêché qui traite la cause.

 

 

 

 

 

Dans la Petite Eglise on retrouve des hommes et des femmes d’inspiration janséniste, avec des nuances dans leur sensibilité au miracle, à la transe, la prophétie, la fin du monde…, et leur relation avec l’Eglise « officielle ».

 

Lyon s’institue ainsi, au travers de ces hommes de foi et de science, de spasme et d’invasion prophétique, cité livrée à l’exploration des ombres du siècle.

ces figures emblématiques qui composent l'univers lyonnais où spasme et menées anticoncordataires, prophéties et appel aux nations juives salvatrices, viennent à convergence. Réseau de fidèles que l'on a dit de plus grande culture que la plupart des églises protestataires, infidèles à la République et au Consulat. Le « génie du lieu », sans doute, s'y prêtait. Quelques exemples furent évoqués : Pierre Willermoz et Joseph de Maistre, Martinez de Pasqually et Saint-Martin, Bergasse et Gilibert faisant cortège à Antoine Mesmer, Ballanche, sa mélancolie, son exaltation doloriste, son amitié avec Chateaubriand, Bredin, magnétiste à ses heures, ses relations avec Ampère, etc. Tous acteurs métissant en un seul horizon de connaissance aventures spirituelles, inventions à toutes fins pratiques de choses positives et mesurables, et nécessités philosophiques. Tissu culturel propice aux discordances religieuses, dont le Petite Eglise de Lyon témoigne de plus éclairante leçon.

(VIDAL, 1994, pp.42-43)

 

 

 

CHANTIN, 1998, reconstitue les filiations des mouvements religieux traversant la Petite Eglise dans le schéma suivant :

 

Jansénisme

 

 


Œuvre des Convulsions (1727)

 

 

 


Mouvement de l’abbé Pinel                                          Œuvre des convulsions en Forez (1770)

 

 


                                                           Amis de l’Œuvre des convulsions

                                                               de Lyon et de Saint-Etienne

 

 

 


                                                       Mouvement de l’abbé Bonjour                     Petite Eglise            Jansénistes communicants

 

 

 

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

 

-      Notice sur Desfours de la Genetière, L’Ami de la religion et du roi, Samedi 21 Novembre 1829. (N° 1595) tome LVII, pp.33-38

 

-      Notice sur l’abbé Jacquemont, Ami de la religion et du roi, 26 septembre 1835, n°2555

 

-      CHOMEL A., La Petite Eglise à Lyon et la dénonciation du Concordat, Semaine Religieuse du diocèse de Lyon, 9 février 1906, pp.303-307

 

-      LATREILLE Camille, 1903, Un membre de la Petite Eglise à Lyon : Claudius Prost, Revue d’Histoire de Lyon, t.II, pp.206-222

 

-      LATREILLE Camille, 1911, La Petite Eglise de Lyon

 

-      LESTRA Antoine, 1967, Histoire secrète de la Congrégation de Lyon (édition posthume)

 

-      MAISONNEUVE H., 1986, «Petite Eglise», in Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, t.XI, fascicule 49, col.63-80

 

-      VIDAL Daniel, 1994, La Morte-Raison : Isaac la juive, convulsionnaire janséniste de Lyon, 1791-1841, p.43

 

-      CHANTIN Jean-Pierre, 1998, Les Amis de l’Œuvre de la Vérité. Jansénisme, miracles et fin de monde au XIXè siècle

 

-      VIDAL Daniel, 2001, Expériences de fin du monde : un jansénisme en convulsion, un calvinisme en prophétie, Archives de sciences sociales des religions, 114, pp. 21-37.

 

-      CHANTIN, CALLEBAT, 2003, Pérennité du mouvement anticoncordataire: deux siècles plus tard, les fidèles de la "Petite Eglise" persévèrent. Entretien avec Bernard Callebat et Jean-Pierre Chantin, Religioscope

 

-      CHANTIN Jean-Pierre (dir.), 2005, 1905. Séparation des Eglises et de l'Etat. La réception de la loi à Lyon, en France et en Europe

 

-      SORREL Christian, 2005, Le cardinal Coullié, le diocèse de Lyon et l’Eglise de France à l’heure de la Séparation, in CHANTIN Jean-Pierre (dir.), 1905. Séparation, pp.89-107

 

-      Marius Berliet, Fondation Berliet

 

-      voir notices sur le Jansénisme dans le diocèse, JACQUEMONT, MALVIN de MONTAZET

 

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