Le Sillon
dans le diocèse (1905-1910)
Dans toute la
France, depuis la parution des encycliques du Pape Léon XIII, Rerum Novarum (1891) sur la nouvelle doctrine sociale de
l’Eglise et Inter innumeras sollicitudines
sur le ralliement des catholiques français à la République (1892), se sont mis
en place des groupes qui font appel aux uns et aux autres pour des
conférences : Albert de MUN (Ligue
de Propagande catholique et sociale) est à Saint-Etienne en 1891 puis 1892,
l’abbé GARNIER (Union nationale) à
Saint-Etienne en 1894 avec un groupe à Roanne en 1895, Marius GONIN (La
Chronique des Comités du Sud-Est), Marc SANGNIER (Sillon), etc. Ces groupes se dénomment
« cercles d’études », « cercles d’études sociales »,
« cercles ouvriers », etc., et selon les personnalités et les lieux
se reconnaissent dans un courant ou l’autre, dans un courant et l’autre parfois
aussi.
Ainsi
la Chronique et le Sillon organisent-ils ensemble des
congrès nationaux de ce qu’ils nomment des « groupes de formation de la jeunesse catholique ». Des
divergences apparaissent bientôt qui aboutissent à une séparation. Le « troisième Congrès national des Cercles
d’études et des Instituts populaires », qui se tient à Lyon en février
1904, réunit pour la dernière fois le Sillon
et la Chronique. Dans les mois qui
suivent, Marc SANGNIER et quelques sillonnistes
organisent un pèlerinage à Rome et obtiennent une audience du nouveau Pape Pie
X.
Le
portrait d’un sillonniste est dressé en ces
termes :
Il avait bien le tempérament des sillonnistes,
leur désintéressement, leur confiance dans les méthodes de liberté et de
persuasion, leur optimisme foncier, leur idéal de fraternité, leur volonté de
mettre l’unité dans leur vie par l’accord de leur action et de leur foi.
(CARHLIAN, 1953,
p.272)
Les groupes de Lyon
Plusieurs groupes d’études ou d’action sociale existent sur Lyon.
On note un cercle d’hommes à Perrache, un autre aux Terreaux, rattachés au
courant sillonniste.
C’est
en 1905 qu’il est fait mention dans le journal Le Sillon d’un groupe lyonnais. Le 20 décembre de cette année-là
Marc SANGNIER passe à Lyon. La fondation du groupe lyonnais est attribuée à Victor
CARLHIAN, ou, selon les sources, celui-ci est invité par les sillonnistes à présider leur groupe et à coordonner
l’action des différents groupes du diocèse.
Une
association « Le Sillon
lyonnais »» est déclarée en Préfecture le 6 mars 1908, en tant que
« société d’éducation et
d’instruction populaire » ayant pour objet « l’instruction et l’éducation démocratique de ses membres et du public »,
pour siège un appartement loué par CARLHIAN au 21 rue Vieille Monnaie (actuelle
rue René Leynaud). Son conseil d’administration se
compose ainsi : président Victor CARLHIAN, vice-président Raymond
THOMASSET, secrétaire Elie VIGNAL, trésoriers Joseph VITTE et Aimée CARDON.
C’est un « Sillon local »
circonscrit à la ville de Lyon.
On
compte parmi ses adhérents : Alfred VANDERPOL, Joseph SERRE, les parents
REMILLIEUX, les abbés FATISSON, Jean et Laurent REMILLIEUX, Joseph LAVARENNE...
Il
existe le Cercle féminin du Sillon, avec Emilie REMILLIEUX, la sœur des abbés,
V.LABEYE, et vers 1909 Marie de MIJOLLA qui épouse Victor CARLHIAN en 1912.
Un bulletin du Sillon
lyonnais, appelé L’Aiguillon, paraît du 15 août 1908 à septembre
1910.
Il existe bientôt un « Sillon des vieux » composé des « anciens », une
« école de formation des jeunes »,
des « cercles de gosses ».
Les groupes lyonnais organisent le congrès
du Sillon à Lyon de 1909.
Le groupe de Saint-Chamond – Izieux
Des
jeunes des écoles catholiques découvrent le mouvement du Sillon lors de l’Assemblée des œuvres de la jeunesse catholique de
la région stéphanoise de 1902 à Saint-Etienne.
En
1903 ils lancent un premier Cercle d’études sociales lié au Sillon. En 1904 leur groupe est reconnu
comme membre du Sillon et se nomme
« Le Sillon izieutaire ».
Ils organisent
des réunions publiques, diffuse l’Eveil
démocratique, journal sillonniste lancé en
1905 ; ils impulsent des initiatives comme les Jardins Ouvriers, en
liaison avec ceux de Saint-Etienne, ou le syndicalisme, rural et industriel,
dans la vallée du Gier.
On
note les noms de trois leaders : Joannès
LASSABLIERE, Victor NANTAS et Pierre VANEL.
Louis de MIJOLLA, originaire de Saint-Chamond adhère au Sillon
lyonnais en tant qu’étudiant. Aux vacances, il fréquente le Sillon izieutaire.
En 1912 l’une de ses sœurs épouse Victor CARLHIAN.
En
1911 le groupe, qui s’est dissous, continue sous le nom de Cercle d’études sociales.
Le
mouvement Jeune République, fondé par
SANGNIER, se structure rapidement : en 1920 son congrès départemental se
tient à Saint-Chamond.
Il
se peut qu’il existât un groupe à Izieux et un autre
à Saint-Chamond, mais le plus certain est un seul groupe identifié sous l’un ou
l’autre nom par les historiens, une fusion étant survenue plus tard en 1964 des
communes d’Izieux et de Saint-Chamond.
Le groupe de Roanne
En
1903 Francisque GAY, originaire de Roanne, participe au Congrès national des
« Cercles d’études » à
Lyon. Il adhère alors aux idées de Marc SANGNIER et fonde une antenne du Sillon à Roanne. Il collabore à Démocratie, publication du mouvement.
Après des études dans des institutions catholiques du Roannais (chez les
Maristes de Charlieu) et Lyon (chez les Lazaristes), il entre au Grand
Séminaire en 1905 qu’il quitte à sa fermeture en décembre 1906.
Le Sillon de Roanne est dirigé par Pierre
MOREL, qui est par ailleurs membre du bureau de l’Union générale de la jeunesse catholique française du Roannais,
affiliée à l’Action Catholique de la
Jeunesse Française en 1903.
L’abbé
REMILLIEUX, professeur à l’Institution Saint-Joseph de Roanne, soutient le
groupe sans l’approbation de ses supérieurs.
En 1912
Pierre MOREL met en place Jeune
République.
Le groupe de Saint-Etienne
En
1901 Marc SANGNIER vient pour la première fois à Saint-Etienne donner une
conférence.
Deux
cercles d’études naissent ensuite sur Saint-Etienne.
Plusieurs
« cercles d’études sociales »
dans le sud de la Loire se relient au mouvement du Sillon, outre ceux d’Izieux et de
Saint-Chamond, il y a ceux de Montbrison, Bourg Argental,
Saint-Jean Bonnefonds, Feurs, Terrenoire.
Un
congrès départemental du Sillon se
tient à Saint-Etienne en 1909.
Le groupe du Grand Séminaire Saint-Irénée
En
1906, Francisque GAY parle d’un groupe de huit ou neuf séminaristes
sympathisants du Sillon.
Ceux-ci
fréquentent les paroisses lyonnaises où des cercles proches du Sillon se sont constitués, dans lesquels
parfois ils donnent des exposés.
Ils
participent aux conférences publiques organisées par le Sillon jusqu’aux mises en garde et bientôt interdictions prononcées
par l’archevêché.
Le Cardinal COULLIE
L’archevêque
de Lyon, le cardinal COULLIE, comme cinq autres cardinaux archevêques de
France, manifeste son soutien au congrès qu’en 1903 organise le Sillon, considéré alors comme l’un des
courants de réflexion et d’action qui se situe dans la ligne de Rerum novarum.
Après
les changements survenus dans l’administration vaticane (1903), la loi de
Séparation (1905), l’ouverture du Sillon à
des non-catholiques (1906) et la condamnation par le Pape Pie X des thèses
modernistes (1907), les mises en garde se font plus précises vis-à-vis du Sillon.
En
1907 a lieu un congrès du Sillon à
Lyon sur le thème de la coopération ; le cardinal COULLIE demande aux
séminaristes et aux prêtres de « ne
prendre aucune part aux travaux ou réunions de ce congrès ».
Le
20 août 1909, la Semaine Religieuse
du diocèse publie un communiqué de l’archevêque renouvelant l’interdiction
faite au clergé de participer aux rencontres du Sillon. L’archevêque ne va pas plus loin dans sa condamnation, à l’instar
de son attitude vis-à-vis du journal moderniste Demain en 1907.
L’attitude des sillonnistes est
semblable à celle des membres de la revue Demain :
ils obéissent et acceptent la condamnation du Sillon par le Pape Pie X.
Victor CARLHIAN écrit une lettre au
cardinal COULLIE lui indiquant sa soumission et lui demandant sa bienveillance
vis-à-vis des « groupes d’éducation
populaire » (les groupes du Sillon)
qu’il souhaite voir intégrer l’organisation diocésaine.
Le bulletin mensuel L’Aiguillon
de groupe lyonnais cesse immédiatement.
Il semble qu’en
1910 il y ait eu 4 cercles sillonnistes sur Lyon, 10
dans tout le diocèse (PONSON, p.153).
Après 1910
Marc SANGNIER fonde la Ligue
de la Jeune République qui tient son premier congrès le 27 octobre 1912.
C’est une « formation non
confessionnelle » qui se veut en « référence à la morale sociale chrétienne ».
Pierre MOREL présente au bureau national de fin 1913 un rapport
sur l’activité du groupe de Roanne où « il évoquait les « amis » portés au découragement et enclins à
la passivité, qui avaient refusé de s’engager dans les activités
militantes ».
DOCUMENTS
- Pie X, 1910, Notre
charge apostolique, lettre du Pape Pie X aux archevêques et évêques
français
- CARLHIAN Victor,
1953, Un précurseur : Alfred Vanderpol, La Chronique sociale, pp.272-273
- PONSON
Christian, 1979, Les catholiques
lyonnais et la chronique sociale : 1892-1914
- NIZEY Jean, Jeunes sillonnistes de la Loire : le Sillon izieutaire, in CHOLVY G., COMPTE B., FEROLDI V., (dir.), 1991, Jeunesses
chrétiennes au XXème siècle, pp.31-93
- DURAND Jean Dominique, et alii (dir.), 1992, Cent
ans de catholicisme social à Lyon et en Rhône-Alpes: la postérité de Rerum novarum
- PETIT
Hugues, 1998, L’Eglise,
le Sillon et l’Action française
- MALABRE Natalie,
2006, Le
Religieux dans la ville du premier vingtième siècle. La paroisse Notre-Dame Saint-Alban d’une guerre à l’autre, 1ère partie, ch.1, Les héritiers du Sillon
lyonnais
- MAYEUR Jean Marie (dir.), Institut Marc Sangnier, 2006, Le
Sillon de Marc Sangnier et la démocratie sociale. Actes du colloque de Besançon 2004
- Le
Sillon de Marc Sangnier à Saint-Chamond, 2009
- Voir les notices
sur Alfred VANDERPOL, Victor CARLHIAN, Francisque
GAY
- Voir la notice
sur le Congrès du Sillon à Lyon en
1906 dans la revue DEMAIN
g.decourt