Paul Girodon
1841-1914
Paul GIRODON naît à Lyon en 1841.
Il est petit neveu de Pauline JARICOT par
sa mère et neveu de Victor GIRODON, employé de soierie qui devint prêtre et fut
un fidèle soutien de Pauline.
Après ses études à l’Institution des
Chartreux, il rejoint l’Ecole centrale de Lyon, dont son père est l’un des
fondateurs ; il sort major de la première promotion en 1860 ; il
obtient ensuite une licence en sciences et part quelque temps travailler dans les
mines du Caucase.
En 1862 il entre au Séminaire
Saint-Sulpice de Paris où il rencontre Léon Thénon, normalien, archéologue de
l’Ecole d’Athènes, qui est ordonné prêtre cette année-là. Celui-ci a l’idée
d’accompagner les élèves catholiques des lycées de l’Enseignement public du
Quartier Latin de Paris en organisant, avant et après les cours, une aide à
leur scolarité avec des prêtres qui leur dispensent parallèlement une formation
chrétienne ; le soir les lycéens rejoignent leurs familles. Le but est de « donner aux enfants une éducation
chrétienne unie à l’enseignement de l’Université et à la vie de famille ».
Des milieux conservateurs catholiques critiqueront cette « alliance »
avec l’Université : trois externats ouvriront à Paris (Bossuet, Fénelon,
Gerson) et un à Lyon (Ozanam).
En 1866 GIRODON est ordonné prêtre. Il
rejoint Léon Thénon à l’Externat Bossuet.
En 1869 il fonde sur le même modèle
l’Externat Fénelon.
Il donne aussi des conférences sur
Paris.
En 1880 l’archevêque de Lyon, le
Cardinal CAVEROT, lui demande de venir fonder à Lyon un externat semblable à
ceux de Paris ; en 1981 il ouvre un externat que fréquentent les enfants
de familles bourgeoises de la cité suivant leurs études au lycée Ampère. Il lui
donne le nom de OZANAM, intellectuel catholique républicain qui vécut à Lyon de
1816 à 1831 puis de 1836 à 1841, membre de l’Université très engagé dans la
société de son temps.
C’est là qu’en 1897, à la demande de
Mgr DADOLLE, recteur des Facultés Catholiques de Lyon, enseignera quelques
temps l’abbé BRUGERETTE, avant de devoir quitter Lyon pour les opinions qu’il
professe.
Paul GIRODON donne des conférences et
écrit plusieurs ouvrages dont Exposé de
la doctrine chrétienne, préfacé par Mgr D’Hulst, fondateur de l’Institut
catholique de Paris, qui va susciter un débat.
L’abbé Rambouillet publie une critique de l’ouvrage dans le
journal L’Univers du 4 septembre 1884,
à laquelle GIRODON répond dans l’édition du 20 septembre en développant cinq
thèses qu’il estime conformes à la Constitution Dei Filius du Concile Vatican I, dont ces deux dernières :
4° Nous n’avons
qu’un critérium infaillible d’interprétation, c’est l’autorité de l’Eglise
affirmée, soit par une tradition constante et uniforme, soit par une
définition. En dehors de ce critérium, les théologiens ont posé des règles
assez indécises, plus ou moins larges selon la nature de l’esprit de chacun.
5° Sur les
matières scientifiques, la Bible, toujours inspirée et toujours vraie, est
comme ailleurs susceptible de diverses interprétations. Aucune n’est ici celle
de l’Eglise, aucune ne peut l’être, parce que l’autorité de l’Eglise ne s’étend
pas en dehors de ce qui a trait à la foi et aux mœurs. La liberté de
l’interprétation est donc au moins considérable, et par conséquent aussi celle
de la science, tant qu’elle ne touche en rien au dogme ou à la morale.
Le théologien jésuite Joseph Brucker publie une autre critique
dans la revue La Controverse.
L’abbé Jean-Baptiste JAUGEY, professeur de théologie à la
Faculté théologique de Lyon et fondateur des revues La Controverse et La Science
catholique, en accord avec le Cardinal CAVEROT, dénonce ensuite à Rome cinq
thèses extraites de l’ouvrage à propos de l’origine de l’homme et de la femme,
du statut inspiré des Ecrits bibliques, etc.
D’autres théologiens soutiennent GIRODON et D’HULST :
ils réclament la liberté de débattre de questions qui ne sont pas liées
directement à la foi et à la morale.
En 1898 une seconde édition comporte quelques variantes.
En 1902 il revient à Paris pour
présider la société civile de l’Externat Fénelon.
Il donne alors des conférences, comme à
Saint-Pierre de Chaillot, et écrit un commentaire de l’Evangile de Luc.
Dans une lettre datée du 18 octobre
1905 il répond à l’enquête lancée par Marcel RIFAUX, dont les résultats
paraissent en 1907 sous le titre Les
Conditions du retour au Catholicisme. Enquête philosophique et religieuse.
Reconnaissant qu’il n’a aucune
aptitude pour le rôle de prophète, il écrit que le dix-neuvième siècle a été, au moins dans sa seconde moitié, une
époque de foi ; le véritable siècle de la foi depuis les origines du
christianisme, c’est celui-là, avec le développement des œuvres, des
pèlerinages, des maisons religieuses… Pour lui, dans ce siècle du positivisme, du matérialisme, du
panthéisme, sans parler de l’anticléricalisme et de la franc-maçonnerie !,
la foi chrétienne ne peut être vécue que par choix : elle est avant tout une vertu, ce qui suppose la connaissance et la
volonté. En conséquence, il n’y a
guère de catholiques aujourd’hui que ceux qui le veulent bien ; raison de
plus pour que je dise que notre siècle, qui en contient cependant beaucoup, est
par excellence un siècle de foi.
S’il admet par ailleurs que l’on puisse modifier des
formulations dogmatiques élaborées dans un tout autre contexte, et leur trouver une expression plus en harmonie
avec la pensée de nos contemporains, il pense avec beaucoup que cela ne
suffira pas, reprenant les termes du questionnaire d’enquête, « pour précipiter le retour au catholicisme ».
Non, au point de
vue dogmatique, il n’y a au fond, pour les esprits cultivés, qu’un
obstacle : ce n’est pas telle ou telle doctrine religieuse, ce n’est même
pas la divinité de Jésus-Christ, par exemple ; c’est l’existence de
l’autorité qui affirme ces doctrines, qui ne les affirme pas seulement, qui les
impose et qui exige notre soumission. Mais, sur ce point, l’Eglise catholique
est intransigeante, et le restera toujours, parce qu’elle a conscience que
Jésus-Christ « est avec elle tous les jours jusqu’à la consommation des
siècles ».
N’y a-t-il donc
rien à faire pour ramener à la vérité catholique les esprits sincères qui
vivent loin d’elle ? Si : les instruire, les éclairer par tous les
moyens que suggère le zèle ; pour cela, ranimer ce zèle et parmi les
laïques et dans le clergé ; joindre à la parole, qui n’atteint que
quelques-uns, la prière capable d’agir sur toutes les âmes et de les pénétrer
jusqu’au fond ; par-dessus tout, garder envers tous, même envers nos
ennemis, la charité de Jésus-Christ ; aimer ceux qui ont la foi, aimer
ceux qui la cherchent, aimer encore ceux qui la combattent. Voilà le grand, le
capital « moyen à mettre tout en œuvre ». Le monde résistera à tout,
sauf à l’amour ; nous ne le dirons jamais assez.
Il décède à Lyon en 1914.
Il écrivit des
ouvrages religieux remarquables, dans lesquels ses études scientifiques lui
servirent beaucoup ; peu d’ouvrages n’eurent plus d’influence sur la
pensée contemporaine en ces 20 dernières années et sur la démonstration de la
vérité. Mais surtout il parla et créa des cours, prêcha beaucoup de
conférences, des retraites. Il avait l’art de parler à ses auditeurs le langage
qu’ils pouvaient le mieux saisir, il était savant, lumineux, pittoresque,
vivant et plein de pensée.
(Bulletin mensuel de
l’Association des Anciens de l’Ecole centrale lyonnaise, nécrologie, 1914)
C’était un homme
fin, organisateur, très entreprenant, d’une grande largeur de vues, mariant le
paradoxe avec esprit, et séduisant. Il a su donner à ses écoles une tournure
fort libérale qu’elles ont conservée, l’exhortation y paraissant sans la
moindre contrainte avec le souci majeur du respect de la jeunesse.
(JOURET, 1957)
OUVRAGES
1880, Conférence
sur le livre de M. A. Dumas fils "La Question du divorce"
1884, Exposé de la doctrine catholique ; précédé d'une introduction, par Mgr
d'Hulst,
1889, Deux années de méditations à l'usage de la jeunesse
1898, Exposé de la doctrine catholique ; précédé d'une introduction, par Mgr
d'Hulst, réédition avec variantes
1903, Commentaire
critique et moral sur l'Évangile selon saint Luc
1908, La foi : conférences pour les hommes faites en la paroisse Saint-Pierre
de Chaillot
1908, L'espérance : conférences pour les hommes faites en la Paroisse
Saint-Pierre de Chaillot
1910,
La Charité envers le prochain : conférences pour les hommes faites en la
Paroisse Saint-Pierre de Chaillot
DOCUMENTS
- GIRODON Paul, 1884, réponse à
une critique de l’Exposé de la
doctrine catholique in L’Univers,
20 septembre
- BRUCKER Joseph, 1885, De
l’Etendue de l’inspiration des Livres Saints. Examen de quelques travaux
récents, Controverse, janvier,
pp.128sq
- RIFAUX Marcel, 1907, Les Conditions
du retour au Catholicisme. Enquête philosophique et religieuse,
pp.210sq
- JOURET Auguste (dir.), 1957, L’Ecole
centrale lyonnaise (1857-1957). Un siècle d’une école d’ingénieurs
- BERRETA Francesco, 1996, Monseigneur
d’Hulst et la science chrétienne : portrait d’un intellectuel
- Bulletin
mensuel de l’Association des Anciens de l’Ecole centrale lyonnaise, http://histoire.ec-lyon.fr/docannexe/file/1458/te1914_123.pdf
n°123, décembre 1914
- BRESSOLETTE Claude, 1998, Monseigneur
d'Hulst, fondateur de l'Institut catholique de Paris
- voir notices sur la revue Demain, Joseph
BRUGERETTE, Marcel
RIFAUX, Joseph SERRE,
l’Externat Ozanam, Ozanam
à Lyon
g.decourt