Compagnie de la Propagation de la Foi
1659
Contexte national
En
1622 est instituée à Rome la Congrégation
de la Propagande de la Foi qui a pour objet la diffusion de la foi
catholique dans le monde entier, aussi bien auprès des non chrétiens que des
chrétiens réformés. En fait les monarchies coloniales, portugaise
et espagnole, échappent à sa compétence en s’adressant directement aux
Jésuites. La congrégation concerne donc les Réformés en Europe et les
Non-Chrétiens en Orient. Richelieu, ministre de Louis XIII, soutient cette
congrégation par l’intermédiaire de l’un de ses collaborateurs, le Père Joseph,
qui appartient au couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré à Paris,
spécialisé dans les prédications et l’apostolat auprès des Protestants.
En
1629 dans ce même couvent est fondée la Compagnie
du Saint Sacrement par le duc de Ventadour, le Capucin Philippe d’Angoumois,
le Jésuite Suffren et l’Oratorien Condren.
En
1632 dans ce même couvent est fondée par le Père Hyacinthe, proche du Père
Joseph, la Compagnie de la Propagation de
la Foi, dite de l’Exaltation de la
Croix.
La Propagation de la Foi fut en effet d'abord un
département de la Curie chargé des activités missionnaires de l'Eglise, érigé
par Grégoire XV en janvier 1622. Le secrétariat romain de la « Propaganda
de Fide » se mit aussitôt en relations avec les nonces pour promouvoir
l'apostolat tant à l'égard des infidèles que des hérétiques dans les différents
Etats. En France, le célèbre controversiste Véron saisit aussitôt l'occasion
qui s'offrait et demanda au Roi la création d'une compagnie française de la
Propagation de la foi constituée par des missionnaires qui disputeraient avec
les ministres protestants et les simples « errants » dans les halles
et sur les places publiques. Il parait bien que l'approbation royale ne fut pas
accordée. Mais bientôt, le problème de la conversion protestante est repris
d'une autre manière : en 1632, un capucin fonde au couvent de la rue
Saint-Honoré à Paris une communauté séculière de la Propagation de la foi sous
le vocable de l'Exaltation de la Sainte Croix. Celle-ci bénéficie dès 1634 de
l'approbation de l'archevêque de Paris et de l'appui de la Cour et de la
Compagnie du Saint-Sacrement. Sa principale œuvre est immédiatement
l'organisation de deux maisons destinées à abriter les nouveaux et les
nouvelles converties et à assurer ainsi à la fois la formation religieuse et
les moyens d'existence de ceux-ci.
(MARTIN Odile, 1986, p.87)
Avec
le décès de ses protecteurs (Père Joseph en 1638, Richelieu en 1642, Louis XIII
en 1643) Compagnie de l’Exaltation de la
Croix perd de son influence à Paris et disparaitra en 1667. D’autres
compagnies se sont créées en province sur le modèle parisien.
Contexte lyonnais
En
1630 la Compagnie du Saint-Sacrement
s’implante à Lyon au début de l’épiscopat du cardinal Alphonse de Richelieu
(1628-1653), frère du ministre, mais tombe rapidement en disgrâce. En 1642
(1644, 1645) l’abbé de Saint-Just, Antoine de Neuville, la fait renaître.
Cette naissance précoce ne préfigurait pas pour autant
une remarquable longévité de la Compagnie lyonnaise car, dès le mois de mars
1633, les dévots parisiens reçurent une lettre de Lyon leur annonçant qu'en
raison de l'hostilité déclarée de l'archevêque, les confrères avaient décidé de
ne plus se réunir. Cette méfiance de la part du cardinal de Lyon peut être
comprise comme la crainte que cette puissante et influente compagnie dévote ne
soutienne les adversaires politiques de son frère. S'il apparaît que Richelieu
ne fut pas hostile à la Compagnie et que certains de ses clients et fidèles y
figuraient, son frère demeura méfiant à son égard jusqu'au début de la décennie
1640 qui vit la reprise des réunions des confrères lyonnais comme en témoigne
une note du registre de la Compagnie du Saint-Sacrement marseillaise pour
l'année 1642.
(LIGNEREUX, 2003,
p.731)
Agissant
secrètement, les membres de la compagnie sont à l’origine ou participent à
l’institution de plusieurs œuvres dans le diocèse :
La compagnie a établi, ou par elle ou par voies
excitatives, les Pénitents, les Recluses, les Petites Ecoles des pauvres,
filles et garçons, le Séminaire de Saint Charles, les sœurs de la Charité, la
Propagation de la Foi, le Bon Pasteur, le Conseil et le Prêt charitable, les
Frères tailleurs et cordonniers, la confrérie des Agonisants et de la
Conversion des pécheurs, les assemblées de dames pour les petites écoles.
(selon le Mémoire des bonnes œuvres entreprises par la compagnie
du Saint Sacrement de Lyon, in MARTIN Odile, 1986, p.82)
En 1653 (1654) succède à Alphonse de Richelieu Camille
de Neuville de Villeroy, qui depuis 1645 est Lieutenant du Roi auprès de son
frère Gouverneur du Lyonnais, Forez et Beaujolais.
Il choisit comme « vicaire général au spirituel et au
temporel » son demi-frère Antoine de Neuville.
Il
est prié par plusieurs personnes, dont 22 membres de la Compagnie du Saint Sacrement avec à leur tête Antoine
de Neuville,
d’accentuer la lutte contre l’hérésie réformée dans une ville habituée à la
présence de Réformés en son sein.
… il faut noter que l'attitude du consulat à
l'égard de la communauté protestante ne revêtit jamais — nécessités
commerciales obligeant — le caractère d'une lutte radicale et intolérante. Il
se contentait le plus souvent d'une surveillance en cas de crise et, au moment
des tensions les plus fortes, sa relation avec les réformés lyonnais se
caractérisa par une interprétation rigoriste de l'édit de Nantes et par
quelques mesures vexatoires. C'était précisément cette relative tolérance — ou
indifférence — des catholiques lyonnais et du corps politique de la ville à
l'égard des protestants, qui représentaient alors vers 1650 environ 2 % de la
population de la ville, qui motiva la création de l'œuvre de la Propagation de
la Foi par la Compagnie du Saint-Sacrement, appréhendant la banalisation du
protestantisme et son prosélytisme auprès des domestiques et des compagnons.
(LIGNEREUX, 2003,
p.733)
En
1659 Camille de Neuville institue une Compagnie
de la Propagation de la Foi dont les statuts sont approuvés lors de
l’assemblée générale du 21 juin 1660.
La
teneur de ces statuts semble montrer que l’archevêque veuille surveiller de
près l’activité et le fonctionnement de la compagnie lyonnaise.
Organisation
L’archevêque
nomme comme directeur Antoine de Neuville.
Comme
les autres compagnies, celle de Lyon est
composée de prêtres et de laïcs, surtout juristes et financiers influents, qui,
d’une part, cherchent à convertir les Protestants, d’autre part, à faciliter
leur intégration dans une société devenant de moins en moins tolérante envers
eux.
La
compagnie est mise sous le patronage non pas de l’Exaltation de la Croix mais de l’Immaculée Conception.
L’adjoint
au directeur n’est pas un laïc mais un prêtre : Jean Balcet, médecin,
protestant converti devenu prêtre, polémiste dans les controverses avec ses
anciens coreligionnaires, qui est remplacé dès l’automne 1660.
Plusieurs
emplois d’officiers sont pourvus par élection pour une durée limitée.
Les
réunions des confrères sont prévues toutes les semaines, sous la présidence du
directeur, d’une durée maximale de 2 heures, dans un lieu désigné par
l’archevêque ou son vicaire général, selon un ordre du jour comportant des
prières « appropriées » au
début et à la fin, une première heure consacrée à l’étude de chaque cas de
conversion, une seconde à l’instruction religieuse.
Ces
réunions doivent se dérouler à huis-clos. Les confrères ne peuvent faire ni
offices ni prières ni processions en public.
Les dictes assemblées seront secrètes le plus qu'il se
pourra pour donner moins d'ombrage aux hérétiques et plus de mérite aux bonnes
œuvres qui s'y pratiqueront.
(in
MARTIN Odile, 1986, p.80)
Première mission : « travailler puissamment à la conversion des
hérétiques, et autres dévoyés de la foi »
La
Compagnie organise des controverses publiques pour expliquer la foi catholique
et convaincre les Réformés de sa justesse. Ces controverses se tiennent tous
les dimanches à l’abbaye Saint-Pierre puis en l’église Saint-Saturnin
(Saint-Sornin) toute proche et celle de l’abbaye de la Déserte. Elles attirent
peu de Réformés et suscitent peu de conversions ; elles servent davantage
à la formation des Catholiques. Elles s’arrêtent puis reprennent à l’intérieur
des maisons de la compagnie à La Chana puis à Garillan, avec des prédicateurs
souvent religieux, capucins et surtout jésuites.
Seconde mission : « pourvoir à la subsistance des convertis »
La Compagnie accueille les Réformés convertis de Lyon,
de Genève et de la région : pasteurs qui ont donc perdu leur emploi,
artisans qui ont perdu leur clientèle, enfants déshérités par leurs parents,
filles chassées par leur famille, etc. Pour chaque cas des solutions adaptées
doivent être trouvées : aide financière, travail, apprentissage, hébergement
des jeunes filles et des femmes, etc.
Dès
1659 est prévue « une Maison pour l'instruction des personnes du sexe qui auraient dessein
de changer de Religion, et les mettre en même temps à couvert des persécutions
de ceux de leurs parents qui voudraient s'opposer à leur Conversion ». A cet effet une maison est prêtée montée Saint-Barthélemy.
En
1676, les prévôts des marchands et échevins de Lyon autorisent par lettres
patentes l’ouverture d’une Maison des
Nouvelles Converties à La Chana.
En 1683, pour faire face aux besoins, une
maison plus grande est achetée rue de Garillan, détruite par un incendie en
1687.
La
maison est dirigée par des religieuses venues de Paris. En 1687 la supérieure
élue est une sœur formée à Lyon.
Finances
Les moyens financiers proviennent des membres de la Compagnie et des
Assemblées du clergé abondant à une Caisse des conversions. Les ressources deviennent vite
insuffisantes et on doit recourir à des aides supplémentaires (taxes sur les
revenus ecclésiastiques, fonds royaux, transfert des indulgences
accordées à la chapelle de la confrérie de l’église Saint-Pierre, etc.).
Avec
la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 l’afflux de convertis augmente encore
et les difficultés financières.
Entre 1659 et 1685 la compagnie obtient 568
abjurations (voir Registre des
abjurations
et Registre des nouveaux convertis
aux Archives du Département du Rhône), d’abord par la force de l’argumentation
puis davantage par harcèlement juridique (conditions restrictives d’exercice de
professions, etc.).
DOCUMENTS
- Statuts de la
Compagnie de la Propagation de la Foi de Lyon
- EXPILLY Jean Joseph, 1766, Dictionnaire
géographique, historique et politique des Gaules et de la France Par Jean-Joseph Expilly 1766
- PERICAUD Antoine, 1829, Notice
sur Camille de Neuville, archevêque de Lyon sous Louis XIV
- MALLEY Théodore,
1912, Monsieur
Camille de Neuville et la primatie lyonnaise, Revue d’Histoire de l’Eglise de France, 3/13, pp.38-54
-
BARBERY
Pierre, 1913, L'Œuvre de la propagation de la foi à Grenoble et à Lyon
(1647-1792). Thèse, Faculté libre de théologie protestante de Montauban
- GADILLE Jacques
(dir.), 1983, Histoire des diocèses de
France. Lyon
-
MARTIN Odile, 1986, La conversion protestante à Lyon (1659-1687)
-
MARTIN
Catherine, 1999, La place des intellectuels dans les compagnies de la
Propagation de la foi de Paris et de Lyon, Chrétiens et société, n°6,
pp.15-28.
- MARTIN Catherine,
2000, Les compagnies de la Propagation de la foi (1632-1685). Paris,
Grenoble, Aix, Lyon, Montpellier. Étude d'un réseau fondé en France au temps de
Louis XIII pour lutter contre l'hérésie des origines à la révocation de l'édit
de Nantes
- MARTIN Catherine,
2000, La spiritualité des compagnies de
la Propagation de la foi : une dévotion de combat, Revue de l'histoire des religions, n°217, pp.517-530
- LIGNEREUX Yann, 2003, Lyon
et le roi: de la « bonne ville » à l'absolutisme municipal
(1594-1654)
- Archives du
Département du Rhône Communautés
de filles converties (Lyon) 1634-1790
- Institut d'histoire
de la Réformation, Université de Genève
- Musée virtuel du
Protestantisme, La
politique de conversion (1660-1685)
-
Saint-Siège, La
Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples
- voir les notices de
M. HOURS Henri sur la Compagnie
du Saint-Sacrement à Lyon, L’Edit
de Nantes à Lyon, Charles
Démia, Les
Catéchistes missionnaires et le Séminaire Saint-Irénée, Camille
de Neuville
g.decourt