reliques des
martyrs de Lyon
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Entre 300 à 324 Eusèbe de Césarée écrit son Histoire ecclésiastique (livre 5, chapitre 1) où il cite la Lettre des serviteurs du Christ en séjour
à Vienne et à Lyon en Gaule, aux frères d’Asie et de Phrygie indique que les corps des martyrs
tués sont livrés aux bêtes et brûlés, leurs cendres jetées au Rhône « afin qu’il n’en
demeurât aucune trace sur la terre ».
Dans
la seconde partie du Vème siècle commence sur Lyon la construction
d’églises comme celle de Saint-Irénée généralement sur des tombeaux des
martyrs.
La construction a pu se faire en plusieurs temps, être
initiée par Patiens (449-450 et décédé peu avant 494) et poursuivie par ses
successeurs. On peut donc estimer que cet édifice de grande taille et pourvu
d’une crypte très vaste est celui qu’ont connu Avit et Grégoire de Tours, qu’il
abritait les tombes des trois « martyrs » et que l’église avait
peut-être été construite au-dessus du mausolée de l’un d’eux. La deuxième
moitié du Ve siècle est
bien la grande époque de l’essor du culte des martyrs, à Lyon d’Alexandre,
Epipoy et Irénée - considéré comme martyr - puis des martyrs de 177,
à Vienne de Férréol, à Agaune de Maurice.
(REYNAUD, §.69)
Vers 594 Grégoire de Tours dans son livre A la Gloire des Martyrs indique la crypte de la basilique Saint-Jean, qui par la suite prendra le nom de Saint-Irénée, comme lieu de sépulture d’Irénée, Épipodius et Alexandre :
Le glorieux évêque Pothin, qui
gouvernait l'Eglise de Lyon, ayant consommé son martyre, monta au ciel par le
mérite de la noble lutte qu'il avait soutenue. Il eut pour digne successeur
l'évêque Irénée, qui l'égalait en vertu et en sainteté, et qui finit aussi sa
vie par le martyre. Celui-ci est enseveli dans la crypte de la basilique de
Saint-Jean sous l’autel, ayant d'un côté Épipodius et de l'autre le martyr
Alexandre. La poussière de leurs tombeaux, si on la recueille avec soin,
soulage aussitôt ceux qui souffrent. Il y a d'ailleurs une grande clarté qui
resplendit dans cette crypte, et qui prouve, je le crois, le mérite des
martyrs.
(ch.50)
Il
indique que les cendres des martyrs ont été récupérées vers Ainay, alors
confluent du Rhône et de la Saône :
Un juge inique
demanda de livrer au feu leurs saints corps et ordonna de jeter leurs cendres
au Rhône. Mais après que cela fut fait, comme les chrétiens avaient la très
grande tristesse que les saintes reliques se fussent perdues, une nuit ils
apparurent aux hommes fidèles en ce lieu où ils avaient été livrés au feu,
debout entiers et intacts ; et s'étant tournés vers ces hommes leur dirent : «
que nos reliques soient rassemblées en ce lieu car nul de nous n'a péri ; de ce
lieu en effet nous avons été transportés vers le repos que nous a promis le roi
des cieux, Christ, pour le nom duquel nous avons souffert ». Ces hommes,
rapportant cela aux autres chrétiens, rendirent grâces à Dieu ; et ont été confortés
dans leur foi, et rassemblant ces cendres sacrées ils édifièrent en leur
honneur une basilique d’une grandeur magnifique. Ils ensevelirent ces
bienheureux gages sous le saint autel où ils ont déclaré qu’ils habiteraient
toujours avec Dieu par leurs valeurs manifestes. Ce lieu dans lequel ils ont
souffert est appelé Ainay, et c’est pourquoi ils ont appelés par certains les
martyrs d'Ainay.
(ch.49)
Au
IXème siècle Adon, évêque de Vienne, dans son Martyrologe indique que les cendres des martyrs sont conservées
dans l'église des Apôtres, c’est-à-dire l’actuelle église Saint-Nizier, appelée
basilique des
Martyrs et l’église des Saints-Apôtres.
A
partir du IXème
siècle la Fête des Merveilles commémore les miracles dus aux martyrs, avec des
processions à pied et en barque reliant l’église Saint-Paul, la cathédrale
Saint-Jean,
l’église Saint-Pierre de Vaise, lieu
l'arrestation présumée des saints Epipoy et Alexandre, l’église d’Ainay où
étaient conservées des cendres et la pierre de repos de Pothin en sa prison, la
chapelle de Pierre-Scize dédiée à saint Epipoy, l’église Saint-Nizier. La fête est
abolie en 1394 par le Conseil de la ville.
En 1410 l’archevêque Philippe de Thurey
dirige une commission d’enquête au sujet des reliques de Irénée, Alexandre et
Epipode, dont les chapitres de Saint-Just et de Saint-Irénée se prétendent
chacun propriétaire (voir la querelle des reliques). Après avoir consulté le Catalogue des reliques de l’église Saint-Just
d’une part, et d’autre part les Martyrologes,
Vies de saints, etc. archivés à l’archevêché, à Saint-Nizier et à Ainay, et
après avoir examiné l’ossuaire de la crypte de Saint-Irénée, il en conclut que
les reliques authentiques sont à Saint-Irénée.
En 1562 les troupes du Baron des Adrets
dispersent les reliques de la crypte de Saint-Irénée. Celles qui sont
recueillies sont ensuite placées dans un ossuaire.
En 1584 l’église haute de saint-Irénée est
reconstruite.
En 1643 selon Saint-Aubin, le 14 juillet, une
perquisition en l’église Saint-Just conclut qu’il y a là quelques restes des
reliques de : Irénée, Just, Arige, Anduel, Elpide, Patient, Eusèbe,
Viateur, Constantin, et d’autres.
Au XVIIème siècle la crypte de saint-Irénée
est restaurée.
Au XVIIème siècle on pense que les prisons romaines se situaient sur
le site de monastère de l’Antiquaille : le 2 juin pour la fête de saint
Pothin un culte se développe devant son cachot présumé, transformé bientôt en
chapelle. Après la Révolution cette chapelle est rendue au culte.
En 1792 selon Bordier, l’évêque constitutionnel
LAMOURETTE, à l’occasion de travaux qu’il fait faire dans le chœur de la
Primatiale Saint-Jean (destruction du jubé), aurait déposé sous l’autel, qu’il
dispose à la croisée du transept, les restes des martyrs, dont le crâne de
saint Irénée.
En
1936, à l’occasion de la restauration du chœur de la Primatiale des fouilles
sont engagées pour retrouver les reliques des martyrs. On ne découvre que des
fragments de mosaïques et d’anciennes fondations.
En 2010 les Carmélites de Fourvière
reçoivent des Carmélites de Clamart une boîte scellée que celles-ci possèdent
depuis le XVIIème
siècle provenant de la basilique Saint-Irénée et contenant le crâne de saint
Irénée. Après enquête demandée par l’archevêque de Lyon à l’Institut National de la Police Scientifique d’Écully il s’avère que le
crâne est celui d’une femme du XIème siècle. (La Croix, 04/02/2013)
Dans la crypte actuelle de saint-Irénée il y a :
-
au centre de la nef le Puits des Martyrs,
- au centre du chœur l’autel de saint Irénée (entre Vème et Xème s.),
- à sa gauche l’autel de saint Alexandre (XIXème s.) avec une chasse, dessinée par BOSSAN
en 1856, qui renferme des reliques de Pothin, Sanctus, Blandine, Eléazar,
Epipode, Albina, Alexandre et Irénée,
- à sa droite l’autel de saint Epipode (XIXème s.),
-
à l’est on accède à l’ossuaire.
En 2015 sur le site de l’Antiquaille l’Espace
du christianisme inclut le « cachot de saint Pothin » dans
son parcours.
Actuellement on n’a aucune certitude sur les lieux de
sépulture mais plusieurs hypothèses.
On ignore où se trouvait la sépulture primitive des
martyrs mais on pourrait la chercher à proximité des nombreux mausolées du IIIe au VIe siècle qu’A.Audin a mis
au jour au nord de l’église, alignés le long d’un mur de clôture de la
nécropole et d’une voie qui débouchait sur la porte nord de l’église. Si l’on
prolonge cette disposition sous l’église, on peut supposer que la tombe
d’Irénée et son mausolée ou celles d’Alexandre et Epipode se trouvaient sous
l’église actuelle à l’ouest des descentes d’escalier, derrière le renfoncement
situé dans l’axe de la porte de la crypte ; mausolée sans doute de petite
taille, comme ceux du Haut-Empire. On ne peut toutefois exclure une autre
possibilité, celle d’un mausolée situé plus à l’est et constitué des deux murs
nord-sud mis au jour par A. Audin sous le chœur de l’église.
(REYNAUD, §.50)
Le texte que les spécialistes datent entre l’Antiquité
tardive et l’époque romane et qui attribue la construction d’une église avec
crypte à Patiens reprend donc une certaine valeur, d’autant que l’on sait que
ce prélat a été un grand constructeur entre 450 et 490 (Sidoine Apollinaire,
Ep.VI, 12). La construction a pu se faire en plusieurs temps, être initiée par
Patiens (449-450 et décédé peu avant 494) et poursuivie par ses successeurs. On
peut donc estimer que cet édifice de grande taille et pourvu d’une crypte très
vaste est celui qu’ont connu Avit et Grégoire de Tours, qu’il abritait les
tombes des trois « martyrs » et que l’église avait peut-être été
construite au-dessus du mausolée de l’un d’eux. La deuxième moitié du Ve siècle est bien la grande
époque de l’essor du culte des martyrs, à Lyon d’Alexandre, Epipoy et Irénée
- considéré comme martyr - puis des martyrs de 177, à Vienne de
Férréol, à Agaune de Maurice
(REYNAUD, §.69)
DOCUMENTS
- EUSEBE de CESAREE,
300-324, Lettre
des Martyrs de Lyon, édition
critique des Sources chrétiennes,
2006
- GREGOIRE de TOURS, 590, Libri miraculorum. Liber primus. De Gloria beatorium martyrium, ch.49-50, in MIGNE, Patrologia latina, Grégoire de Tours, col.751-752
- ADON, 1001-1200, Martyrologe
- DE RUBYS Claude, 1604, Histoire
véritable de la ville de Lyon, contenant ce qui a esté obmis par Maitres
Symphorien Champier, Paradin et d’autres, 1/24
-
SAINT-AUBIN
Jean (de), 1666, Histoire
Ecclésiastique de la Ville de Lyon,
pp.70sq
- GERVAISE François Armand, 1723, La
vie de saint Irénée, Volume 2
- NIVON Nicolas, 1731, Voyage
du saint calvaire sur la montagne des martyrs de Lyon, à St-Irénée, éd.
1764, pp.311sq
-
Confrérie
des saints Martyrs de Lyon,
1817
-
COLLIN
de PLANCY Jacques Albin
Simon, 1821, Dictionnaire
critique des reliques et des images miraculeuses, Volume 1
-
BARD Joseph,
1842, Statistique
générale des basiliques et du culte dans la ville de Lyon
- MAITRE Léon, 1913, Les
débuts du christianisme en Gaule : I. Les martyrs et les monuments témoins de
leur culte ; II. Les coutumes et les mœurs religieuses, Revue d'histoire de l'Église de France, 4/19, pp.5-27
-
FABIA, Philippe, 1934, Pierre Sala, sa vie, son œuvre
avec la légende et l'histoire de l'Antiquaille. pp.264-281
-
AUDIN Amable, 1952, Sur
la géographie du Lyon romain : la population, les voies et les quartiers
d'après les documents épigraphiques, Revue
de géographie de Lyon,
27/2, pp.133-139
- site
patristique.org, 1977, Chronique
du colloque sur les Martyrs de Lyon (19-23 septembre 1977)
- PRIVATI, PERINETTI,
JANNET-VALLAT, COLARDELLE, REYNAUD, 1989, Les
édifices funéraires et les nécropoles dans les Alpes et la Vallée du Rhône.
Origines et premiers développements, Publications de l'École française de Rome, Actes du XIe congrès
international d'archéologie chrétienne. Lyon, Vienne, Grenoble, Genève, Aoste
(21-28 septembre 1986), pp.1475-1514
- BEAUJARD Brigitte, 2000, Le culte des saints en Gaule : les
premiers temps, d’Hilaire de Poitiers à la fin du VIe siècle
-
site patrimoine Rhône-Alpes, 2001, Maison,
puis couvent de visitandines Sainte-Marie de l'Antiquaille
-
site patrimoine Rhône-Alpes, 2001, Chapelle
souterraine dite caveau de saint Pothin
- BOURRIT Bernard,
2008, Martyrs et reliques en
Occident, Revue de l’histoire des religions, 4, pp.443-470.
-
POULLARD Emmanuelle, 2010, Le culte des saints dans l’ancien diocèse de
Lyon. Première approche sur les reliques et les pèlerinages des débuts du
christianisme à la période moderne
-
REYNAUD, GUIBERT, BOUVIER, LANOS, DUFRESNE, 2012, Saint-Irénée (Lyon) : une église
funéraire des Ve-VIIe-Xe siècles, Revue
archéologique de l'Est, Tome 61
-
La Croix,
2013, Pour
la police scientifique, le « crâne de saint Irénée » est celui d’une
femme, 4 février
-
GUYARD Nicole, 2014, De l’inventaire à l’histoire 1 ;
De l’inventaire à l’histoire 2
-
site patrimoine de Lyon, Crypte
Saint-Irénée
-
site de l’Espace
du christianisme
- voir les notices sur POTHIN,
BLANDINE,
EPIPODE
(Epipoy), ALEXANDRE, IRENEE, PATIENT
; sur le Catalogue des
reliques de l’église Saint-Just de Lyon,
le Cachot
de saint Pothin, la Fête
des Merveilles, la querelle des reliques
g.decourt